Pris dans la tourmente actuelle, le marché de l’art à New York fait face à une crise sévère signant la fin des excès, de l’orgueil et de l’arrogance.
C'est comme ça que je pensais qu’une galerie devait fonctionner : devenir plus grande, grande, grande. » Le galeriste new-yorkais Zach Feuer vient de renier ses croyances initiales. C’est pourtant fort de ce principe qu’il s’était imposé en vraie météorite dans le milieu de l’art. Au début de cette année, le petit génie des affaires, qui avait fait ses choux gras des œuvres du peintre Dana Schutz, s’est séparé de huit de ses artistes. « Je ne veux pas être grand dans l’économie actuelle », a-t-il alors confié au site Bloomberg. D’autres galeries new-yorkaises ont carrément mis la clé sous la porte. C’est le cas de Cohan & Leslie, Guild & Greyshkul, Feigen Contemporary, 31 Grand ou Roebling Hall. Certains, comme Stefania Bortolami, ont mis en sourdine leurs projets d’expansion.
Les licenciements de personnel dans les galeries sont monnaie courante depuis plusieurs mois. En novembre dernier, le puissant marchand Larry Gagosian a envoyé un courriel menaçant à l’ensemble de son personnel : « Si vous souhaitez continuer à travailler pour Gagosian, je vous suggère de commencer à vendre de l’art. Dans le nouveau climat, tout sera évalué à l’aune de la performance… Je travaille dix-huit heures par jour, ce que d’aucuns peuvent vérifier. Si vous ne souhaitez pas faire de même, dites-le moi. » Pace Wildenstein avait, lui, pris les devants en licenciant à l’automne dernier dix-huit de ses cent quarante-six employés.
La fin du système basé sur l’accumulation
Bref, on l’aura compris, Gotham a perdu de sa superbe. L’Amérique traverse une crise économique sévère, mais aussi une crise de conscience que résumait assez joliment le publicitaire Maurice Lévy en parlant de « l’ère du non » dans le quotidien Le Monde : « Le consommateur est en train d’entrer dans l’ère du non : Non, je ne peux pas tout avoir. Non, je ne peux pas me le permettre… » Et de rajouter : « Le système basé sur l’accumulation ne fonctionne plus, car les individus, les entreprises, les pouvoirs publics, la société en général n’en ont plus les moyens et doivent faire des choix. »
Et les choix s’apparentent aujourd’hui à de vrais couperets. Lors des ventes publiques de novembre dernier à New York, les montants des adjudications étaient en baisse parfois de 50 % par rapport aux estimations, et près de 30 à 40 % des œuvres n’ont pas trouvé preneur. « Si l’on estimait la chute de la plupart des marchés, qu’ils soient boursiers, immobiliers, ou de consommation, on évaluerait la baisse à environ 30 %. Devinez quoi ? Le marché de l’art a lui aussi baissé de 30 %. Il continuera à refléter l’économie réelle plutôt que les vœux irréalistes », explique le marchand new-yorkais Asher Edelman. Délaissant toute forfanterie, celui-ci a décidé de retourner dans l’ancien espace de sa galerie, après avoir ouvert un immeuble luxueux dans le Upper East Side.
Les galeries new-yorkaises ne sont pas les seules à faire profil bas. Les maisons de ventes américaines ayant mis provisoirement entre parenthèses leur politique de garantie des prix, la pêche pour le mois de mai n’est guère miraculeuse. Si Christie’s peut se vanter d’avoir la collection de Betty Freeman, dont un tableau de David Hockney, Beverly Hills Housewife, estimé 7 à 10 millions de dollars (5,3 à 7,6 millions d’euros), la moisson du côté de Sotheby’s est très maigre. Tout juste met-elle en avant Red Man One de Jean-Michel Basquiat, estimé 4 à 6 millions d’euros.
La « positive attitude » de la galerie Sperone Westwater
Malgré tout, certains continuent leurs projets contre vents et marées. C’est le cas de la galerie Sperone Westwater, laquelle va investir en décembre 2009 un bâtiment de 1 000 m2, acheté pour 8,5 millions de dollars (6,5 millions d’euros) et réaménagé par l’architecte Norman Foster dans le quartier de Bowery, près du New Museum. « Enzo Sperone et moi cherchons à avoir la plus belle galerie possible pour injecter de l’enthousiasme et de l’énergie dans le monde de l’art, confie Angela Westwater. En 1974-1975, lorsque nous avons ouvert notre première galerie sur Greene Street, l’immobilier et Wall Street étaient au plus bas. Cette situation ne nous a pas détournés de nos objectifs, pas plus que celle que nous traversons actuellement. »
Fermeture de la galerie Guild & Greyshkul : gérée par des artistes, c’est l’une des premières à fermer ses portes à cause de la récession. Cette fermeture signe aussi la fin d’un mode de fonctionnement alternatif qui parvenait à tenir la route en période d’euphorie.
Larry Gagosian garde le rythme : le surpuissant galeriste n’en finit pas de surprendre. En mars dernier, il a orchestré deux expositions de qualité musée où rien n’était à vendre.
Sperone Westwater s’agrandit : alors que toutes les galeries s’échinent à réduire leurs dépenses, Sperone Westwater va investir à la fin de l’année un grand bâtiment signé par l’architecte Norman Foster.
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Galeries new-yorkaises
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°613 du 1 mai 2009, avec le titre suivant : Galeries new-yorkaises