La Cour de cassation apporte d’intéressantes précisions sur les effets de la force majeure lors de la conclusion d’un contrat portant sur la location d’un stand.
France. Le secteur culturel a été fortement affecté par la propagation de la Covid-19 et les décisions successives du gouvernement français d’interdire des rassemblements ont conduit à l’annulation d’un grand nombre d’événements dont les grandes foires d’art. Ces annulations ont eu des conséquences économiques importantes pour les professionnels, ce qui explique que certains d’entre eux ont tenté d’obtenir le remboursement des acomptes ou des sommes versées pour la réservation de stand, non sans soulever quelques difficultés d’interprétations juridiques.
Rappelons qu’une fois qu’un contrat est conclu, celui-ci ne peut être rompu de manière unilatérale par l’une des parties. Toutefois, la survenance d’un cas de force majeure empêche l’une des parties d’exécuter son obligation et exonère totalement le débiteur de sa responsabilité. En effet, selon le premier alinéa de l’article 1218 du Code civil « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
Pour autant, les conséquences de la force majeure ne sont pas les mêmes suivants qu’il y ait eu ou non rédaction lors de la location d’un stand d’une clause exonératoire de responsabilité en cas de force majeure. Tels sont les enseignements de deux importants arrêts de la Cour de cassation du 26 février 2025.
En cas de reconnaissance de la force majeure – lorsqu’elle est imprévisible, irrésistible et extérieure –, la responsabilité du débiteur est écartée. Cela implique plusieurs conséquences : soit l’impossibilité d’exécuter l’obligation n’est que temporaire et le contrat est suspendu jusqu’à ce que l’événement de force majeure cesse ; soit l’impossibilité est définitive et le contrat perd définitivement son utilité et est rétroactivement annulé (article 1218 du Code civil). Or le contrat résilié de plein droit par la force majeure implique-t-il de rembourser l’intégralité des sommes perçues ?
Oui, répond le premier arrêt. En l’espèce, un commerçant a conclu avec l’organisateur d’une foire aux fromages et aux vins la réservation d’un stand du 3 au 6 avril 2020. La foire n’ayant pu se tenir en raison de la Covid-19, le commerçant a demandé le remboursement du prix du stand (858 euros). Remboursé uniquement de la moitié du prix, le commerçant a saisi le juge pour obtenir le solde restant, mais le tribunal de commerce de Meaux a refusé d’y faire droit le 24 janvier 2023.
Or, la Cour de cassation vient d’annuler ce jugement puisque « le Comité de la foire ayant été définitivement empêché d’exécuter sa prestation par suite d’un événement de force majeure, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations en application de l’article 1218 du Code civil ». Aussi, l’organisateur était tenu de restituer au commerçant le solde restant (429 euros) en contrepartie de l’obligation inexécutée.
À côté de l’application de droit commun, les contractants ont la possibilité de déroger à la définition de la force majeure en y renonçant contractuellement par le biais d’une clause exonératoire de responsabilité. En pratique, une telle clause prévoit une liste d’événements qui – à défaut d’accord des parties – ne seront pas considérés comme constituant des cas de force majeure. Or cette clause peut-elle créer un déséquilibre significatif entre les parties ?
Non, répond le second arrêt. En l’espèce, la galerie belge Maurice Verbaet – dédié à l’art belge d’après-guerre – a signé un contrat avec l’organisateur de la foire d’art contemporain « Art Paris » pour louer un espace d’exposition du 1er au 5 avril 2020. La foire n’ayant pu se tenir en raison de la Covid-19, la galerie a sollicité le remboursement de l’acompte de 53 600 euros. L’organisateur a invoqué une clause de ses conditions générales excluant toute responsabilité de sa part face à un tel événement. La galerie a alors répliqué en estimant que cette clause n’était pas négociable – ce qui peut prêter à discussion – et qu’elle créait un déséquilibre significatif au sens de l’article L. 442-1, I, 2°, du Code de commerce.
Le 27 janvier 2023, la cour d’appel de Paris a débouté la galerie qui s’est pourvue en cassation. En vain puisque la Cour de cassation a rappelé le 26 février 2025 que « l’appréciation du déséquilibre significatif passe par une analyse concrète de l’économie générale du contrat ». Aussi, « un tel déséquilibre ne peut se déduire du seul fait que la clause litigieuse place la partie qui invoque à son profit l’article L. 442-1, I, 2°, du Code de commerce dans une situation moins favorable que celle résultant de l’application de dispositions législatives ou réglementaires supplétives de la volonté des cocontractants ». Aussi, l’organisateur n’avait aucune obligation de restituer les sommes perçues à la galerie. Conforme à l’esprit de l’économie du contrat, cette solution doit être approuvée.
En somme, ces deux arrêts doivent alerter les professionnels du marché de l’art sur l’importance des clauses contractuelles et leur liberté dans la rédaction de celles-ci : après tout, nous venons de la voir, quelques lignes peuvent faire toute la différence. On devine alors tout l’intérêt de rédiger des conditions générales ou des contrats anticipant les difficultés pouvant survenir dans la vie des affaires.
Cependant en matière d’exonération de responsabilité tout dépend de quel côté on se trouve : celui qui va fournir une prestation a intérêt à insérer une clause de force majeure, tandis que celui qui est bénéficiaire d’une prestation aura plutôt intérêt à se reposer sur la définition légale de la force majeure. Aussi est-il toujours nécessaire de vérifier – à chaque fois – le contenu, la définition des événements en cause, les conditions et modalités de mise en œuvre, et les conséquences de leur application. Ce réflexe permet d’éviter toutes déconvenues. Tout un chacun doit donc être prudent dans ce qu’il signe, peu importe qu’il soit fromager ou galeriste !
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Foire annulée : quelles conséquences sur la restitution du prix d’un stand ?
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°652 du 28 mars 2025, avec le titre suivant : Foire annulée : quelles conséquences sur la restitution du prix d’un stand ?