PARIS
« Les années collectives (1973-1983) » est le troisième et dernier volet du cycle rétrospectif que la galerie Loevenbruck consacre à l’artiste. Avant de se pencher sur sa production récente.
PARIS - L’exposition de Jean Dupuy à la galerie Loevenbruck n’est certes pas la plus glamour du moment (quoique…). Elle n’est pas non plus la plus facile d’accès puisque ce troisième volet du regard rétrospectif porté sur l’œuvre de ce toujours jeune artiste de 88 ans est entièrement axé sur « Les années collectives (1973-1983) ».
En octobre 2010, le premier épisode, « En 4e vitesse », était consacré à sa période de « fausse » peinture abstraite lyrique. Très ami dans les années 1960 avec Jean Degottex, Dupuy va en effet s’amuser avec cette tendance, en faisant des projections de peinture sur papier. Il les reproduira ensuite à une autre échelle, sur toile, mais de façon contrôlée et méthodique, créant ainsi une confusion. En somme, négation du geste, faux-semblant et naissance de son virage conceptuel. Début 2012, la seconde exposition, « Quatre millions trois cent vingt mille secondes », présentait principalement Cone Pyramid (Heart Beats Dust), une sorte de boîte à l’intérieur de laquelle des pigments volatils éclairés par une lumière rouge étaient animés et « sculptés » par les battements de cœur du spectateur. Cette œuvre emblématique de Dupuy lui valut le prix Eat, Expériment in Art and Technology, remis en 1968 par Robert Rauschenberg, et le fit accéder à une notoriété immédiate à New York ponctuée par plusieurs expositions à la galerie Sonnabend.
« Salades d’artistes »
Confié au commissaire Christian Xatrec, le directeur de l’Emily Harvey Foundation, qui était un jeune artiste arrivant à New York juste avant que Dupuy n’en parte, en 1984, ce troisième opus est essentiellement composé de documents et d’archives. À première vue un peu copieux – avec notamment 250 images projetées sur un écran pendant environ 5 heures 30 –, l’ensemble est néanmoins passionnant. Il témoigne tout d’abord des riches heures d’une époque, les années 1970, et d’un lieu, New York. Il rappelle, à l’exemple de ces images des expositions et performances collectives organisées entre 1973 et 1983, la grande liberté de Dupuy, la dimension toujours expérimentale de sa recherche et son côté pionnier du genre. Enfin ,au travers de ses fréquentations nombreuses et variées qui interviennent dans ses performances – Laurie Anderson, John Cage, Raymond Hains, Georges Maciunas, Nam June Paik, Richard Serra… –, ces projections « ravivent la mémoire et font revivre, avec une certaine nostalgie, le côté dynamique et joyeux de ce qu’on faisait », précise l’intéressé, et notamment le concept de « salades d’artistes ». Des aspects que confirment ces quatre planches Post Flux (Artistes timbrés), ou encore ce mur d’affiches ainsi que des ouvrages rares présentés en vitrine. Autrement dit une exposition de musée.
La cote des œuvres est tout aussi singulière, qui va de 9 000 euros pour une petite toile recouverte de timbres qui représentent des artistes de Fluxus à 30 000 euros pour Portraits anagrammatiques (1970-2013). L’œuvre est composée de chants diffusés par deux haut-parleurs et d’un ensemble de 21 encres sur papier épinglées sur un panneau de bois, chacune correspondant à une anagramme. On peut ainsi y lire le nom de l’artiste Patrice Lerochereuil dont les lettres donnent : « Lui pète l’arrière choc » ou encore le nom de Jean Dupuy lui-même, qui devient « déjà un puy » ou « j’paye un du ».
De toute son œuvre, la pièce la plus chère reste le fameux Cone Pyramid, estimé à 180 000 euros. Quant aux œuvres abstraites, présentées lors de la première exposition, elles oscillent entre 3 000 euros pour un dessin et 50 000 pour une toile. Une cote assez élevée mais qu’Hervé Loevenbruck justifie par le fait qu’il existe très peu de pièces de cette série. Il faut en effet rappeler que, parmi ses frasques et facéties, Jean Dupuy détruisit la plus grande partie d’entre elles en les jetant dans la Seine, en 1967, juste avant de partir à New York. Alors qui achète ? Le Musée national d’art moderne est déjà pourvu de pièces, notamment au sein de la collection Nouveaux médias ; ce sont principalement des collectionneurs privés, notamment ceux de Fluxus, qui sont très intéressés.
Pour le galeriste, ces expositions sont destinées à ouvrir le marché à la production actuelle de l’artiste qu’il compte montrer au Grand Palais lors de la prochaine Fiac et, à cette occasion, également, dans le jardin des Tuileries et à l’Auditorium du Louvre.
Jean Dupuy, jusqu’au 11 mai, galerie Loevenbruck, 6, rue Jacques-Callot, 75006 Paris, tél. 01 53 10 85 68, www.loevenbruck.com, du mardi au samedi 11h-19h.
Jean Dupuy
Nombre d’œuvres : une douzaine d’ensembles
Prix : entre 9 000 et 30 000 €
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Fluxus - Jean Dupuy ou « J’paye un du »
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Abonnez-vous dès 1 €Jean Dupuy, Soup and Tart, novembre 1974, affiche, diamètre : 58 cm - © Photo courtesy galerie Loevenbruck, Paris - © Photo Fabrice Gousset.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°390 du 26 avril 2013, avec le titre suivant : Fluxus - Jean Dupuy ou « J’paye un du »