PARIS
Le travail de la sculptrice évolue au gré d’une subtile combinaison d’inspirations. Cette deuxième exposition à la galerie Suzanne Tarasieve en offre la démonstration.
Paris. Pour sa deuxième exposition personnelle chez Suzanne Tarasieve, Eva Jospin (née en 1975) a eu envie de faire rentrer dans la galerie le paysage à l’échelle duquel elle est depuis quelque temps accoutumée à travailler. Qu’il s’agisse de la grotte installée dans le parc de Chaumont-sur-Loire, du haut-relief de BeauPassage, à Paris, ou de l’immense treille que l’on découvre cet été sur l’île de Nantes, la monumentalité l’intéresse pour autant qu’elle ne soit pas « imposante ». Entre monde englouti et rocaille tourmentée, Nymphées, vaste sculpture ouvragée qui accueille le visiteur dès l’entrée, appartient sans doute à cette catégorie d’œuvres. Si cette dimension architecturale ne surprend pas ceux qui connaissent son travail, les formes comme la présence de matériaux nouveaux étonnent davantage. Feuilles de papier polychromes glissées entre les strates, pigment apposé puis poncé, calques peints à l’aide de colorants pour tissus : les touches de couleurs, ténues, font leur apparition ainsi que le plâtre et le laiton. Matériau de prédilection de l’artiste, le carton, dépourvu de poids, joue aussi avec l’impossibilité d’être pris tout à fait au sérieux.
Ce carton est d’ailleurs aujourd’hui plutôt utilisé dans l’étape préalable à un moulage, en plâtre, en résine, ou pour la première fois ici, en bronze. Forêt noire (2019) s’inscrit dans la lignée de Panorama (2019 [voir illustration]) long travelling de branchages en bois et carton, mais dans une version comme calcinée, carbonisée. La matière, et ses transmutations, sont au cœur de la démarche d’Eva Jospin, qui aime triompher de ses contraintes. Pour cette édition en huit exemplaires, il a fallu mouler chaque élément un à un, les patiner à cinq reprises, les assembler puis les souder. Cette Forêt noire issue de la fonderie est la première de l’artiste destinée à être présentée en extérieur.
Les résolutions techniques inventées en chemin ne constituent cependant pas une fin en soi dans cette œuvre qui offre plusieurs lectures, au propre – en fonction de la distance à laquelle on la regarde – comme au figuré. Ainsi de ces dessins à l’encre sur papier japon qui apparaissent de loin tels des relevés topographiques précis (Eva Jospin a longtemps contemplé les plans-reliefs du musée de l’Hôtel des Invalides), mais qui vus de près révèlent leur nature purement abstraite. Vision de ruines, mondes perdus ou entrevus en rêve, décors détournés, terrains de jeux d’enfants, plusieurs inspirations viennent ici se télescoper, mélangeant jardins maniéristes, places fortes, palais de la Renaissance et villes troglodytes.
Cette exposition marque une étape dans une carrière en plein essor, comme en témoignent les prix – de 4 500 à 150 000 euros – et un agenda chargé qui comprend, cet été, un premier solo show de grande ampleur hors des frontières, au Museum Pfalzgalerie Kaiserslautern (MPK) en Allemagne.
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Eva Jospin et ses Jeux de paysages
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°527 du 5 juillet 2019, avec le titre suivant : Eva Jospin et ses Jeux de paysages