La Galerie de multiples a été fondée à Paris en 2002 par Gilles Drouault et l’artiste Mathieu Mercier.
Pensez-vous que l’approche des Français, habituellement réticents à la notion de multiple, ait évolué au cours des cinq dernières années ?
Je ne sais pas s’il y avait des réticences, mais en tout cas, l’intérêt, qui ne semblait pas manifeste, l’est maintenant davantage. De grands collectionneurs français achètent des multiples pour faire des cadeaux. Parfois aussi les éditions prennent place dans leur collection de pièces uniques. Néanmoins, montrer et diffuser des multiples reste une chose difficile. Lorsque nous avons créé la galerie [avec Mathieu Mercier], nous pensions participer à un mouvement de démocratisation de l’art en facilitant l’acte d’achat. Mais sur une foire, si une galerie de pièces uniques peut s’en sortir en vendant six pièces, nous devons vendre entre 60 et 120 multiples pour trouver l’équilibre. Le fait de réaliser une production à 100 euros ne signifie pas que des milliers de gens se précipitent pour en acheter. Quand on édite une œuvre à 50 exemplaires, il n’est pas facile de rencontrer 50 personnes qui s’y intéressent si les artistes ne sont pas connus internationalement.
Quelle est la proportion d’œuvres éditées par vos soins dans l’éventail de ce que vous proposez ?
Nous avons édité 30 % de ce que nous diffusons. J’aimerais augmenter la proportion pour atteindre idéalement 70 %.
Éditez-vous majoritairement des artistes français ou parvenez-vous à attirer des artistes étrangers ?
Nous avons fait des éditions avec Monica Bonvicini ou Matthew McCaslin. Mais nous sommes dans une période où les artistes sont très sollicités et ne trouvent pas nécessairement dans le multiple le même enjeu. Ceci étant dit, certains artistes comme Franck Scurti ou Saâdane Afif aiment l’édition car cela leur permet de faire des choses différentes de leur pratique habituelle.
N’avez-vous pas été tenté par le mélange de pièces uniques et de multiples ?
Nous avons pensé que le projet ne pouvait être viable qu’à la condition de se concentrer sur le multiple. En général, les galeries qui font les deux laissent tomber l’édition au bout d’un moment. Une galerie de pièces uniques peut espérer grandir avec ses artistes. Nous ne sommes pas dans cette perspective. Par ailleurs, le fait de présenter des multiples ne nous impose pas d’avoir un espace très vaste et cher.
Il existe aux États-Unis des maisons d’édition réputées telles Gemini ou Printed Matters. Les Américains sont-ils plus réceptifs au multiple ?
Il y a aux États-Unis un marché plus important et des préjugés moindres. Cela ne gêne pas un Américain d’avoir une œuvre que cinquante autres personnes possèdent aussi. Cela vient peut-être du pop art. En France, on vit sur l’idée erronée, issue de la sculpture, qu’un multiple c’est huit exemplaires plus quatre. Au-delà, c’est considéré comme de la copie. Or le multiple est un original.
Les artistes exigent-ils un nombre d’éditions plus réduit qu’avant ?
À partir du moment où ils travaillent avec nous, ils ne l’exigent pas. Mais je veux que le nombre soit déterminé par la logique de la pièce. Il est pertinent de produire une sérigraphie à 50 exemplaires car on peut réduire le coût de fabrication et proposer un prix intéressant. En revanche, dans le cas d’une sculpture, produire 50 pièces ne diminue pas le coût et exige cinq fois plus de travail.
Pourquoi êtes-vous la seule galerie d’édition à exposer dans le secteur général de salons comme Artissima ou la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) ?
Nous l’avions demandé dès le départ. Nous pensons que, pour valoriser le multiple, il faut faire reconnaître notre travail comme étant celui d’une galerie à part entière. Le secteur « édition » est aussi souvent lié à la notion d’estampe. Nous ne voulions pas enfermer le multiple dans un médium, mais présenter aussi des objets.
Comment expliquez-vous la disparition, ou la réduction des secteurs « Éditions » sur les foires françaises ?
Peut-être une certaine vision du multiple autour de l’estampe est-elle dépassée. Autant certaines estampes peuvent être très belles, autant on sent parfois un clivage avec le reste de l’art contemporain.
Le boom du marché de l’art contemporain rejaillit-il sur les prix des multiples ?
Au début, nous proposions à la galerie des choses à 100 euros, et nous veillons encore à avoir de tels prix d’entrée. Nos tarifs n’ont pas excessivement augmenté. Mais il est vrai qu’une pièce de John Baldessari que nous présentions à 2 500 euros vaut aujourd’hui un peu plus de 5 000 euros.
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Entretien avec Gilles Drouault, galeriste à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°285 du 4 juillet 2008, avec le titre suivant : Entretien avec Gilles Drouault, galeriste à Paris