Collection

Du nouveau à Londres

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2008 - 702 mots

Après avoir ouvert un premier espace l’an dernier, le collectionneur britannique David Roberts inaugurera un second lieu dans la capitale en 2010.

LONDRES - Le collectionneur écossais David Roberts est l’anti-« bling-bling » incarné. Bien qu’il ait ouvert sa fondation privée à Londres en octobre 2007, il reste plus soucieux d’un travail de fond que d’un étalage de trophées. La collection est à l’image de ce self-made man ayant fait fortune dans l’immobilier. « Elle ne s’articule pas sur l’immédiat ou le spectaculaire. Ce n’est pas une collection qui avancerait en ordre de marche militaire, explique Vincent Honoré, conservateur de la fondation. Elle est très diverse, sans stratégie d’aires géographiques, de genres ou périodes. Je raisonne en termes de correspondances, de résonances ou de zones de tension entre, par exemple, Berlinde De Bruycker et Doris Salcedo, ou Benoît Maire et Keren Cytter. »
Comme la plupart des collections privées, cet ensemble recensant 2 000 œuvres s’est construit depuis une dizaine d’années de manière organique, en passant de pièces « domestiques » à d’autres signées notamment des Young British Artists. Mis à part quelques ensembles autour de Man Ray ou Alexandre Rodtchenko, près de 70 % des œuvres sont postérieures à 1995. La colonne vertébrale est conceptuelle avec des œuvres de Daniel Buren, Pierre Bismuth, Dora Garcia, Jonathan Monk, et d’artistes émergents comme Katinka Bock, Cyprien Gaillard ou Pablo Pijnappel. David Roberts s’est aussi constitué un fonds photographique comprenant Andreas Gursky, Thomas Demand, Yto Barrada… Le collectionneur s’autorise parfois à passer commande auprès de jeunes artistes britanniques, ainsi récemment David Ersser ou Alastair Mackie. Un projet de commandes sur cinq ans est en cours de négociation avec Jonathan Monk. Ni David Roberts ni Vincent Honoré ne sont hommes à se jeter sur la première pièce venue, même signée d’un créateur qu’ils convoitent, à l’instar de Chris Martin auquel ils ont acheté cette année Autoportrait Club Med chez Sies Höke (Düsseldorf) sur la foire Frieze (Londres). « On a attendu de trouver l’œuvre qui convenait à la collection. Cette pièce-là est moins séduisante que d’autres de l’artiste, indique Vincent Honoré. De même, on a mis du temps à trouver une œuvre qui nous convenait de Carol Bove. »

3 lieux, 3 commissaires
Après l’espace inauguré l’an dernier à Londres dans le quartier de Fitzrovia, le collectionneur ouvrira début 2010 un autre lieu, d’environ 1 000 m2 sur trois niveaux, près de Camden High Street. Il projette aussi d’ici à cinq ans la création d’un troisième site à Berlin cette fois. N’est-ce pas too much pour une activité qui se veut discrète ? « Les deux espaces à Londres auront chacun des projets spécifiques et permettront d’intervenir sur trois champs : la collection, le commissariat et la production », précise Vincent Honoré. Ainsi le nouveau cadre de Camden sera-t-il dévolu aux activités pédagogiques, performances et expositions de la collection. Il est aussi prévu d’inviter les artistes à y intervenir via des commandes spécifiques ou des expositions dont ils seraient les commissaires. L’espace actuel de Fitzrovia accueillerait dès lors les expositions des trois commissaires invités chaque année. Ces derniers pourront puiser dans le réservoir de la collection. Dès avril 2009, un avant-goût de cette nouvelle formule sera donné avec l’exposition « À votre service », orchestrée par la curatrice américaine Cylena Simonds. Suivront des propositions de Raimundas Malasauskas et Mihnea Mircan. « On ne veut pas donner une vision unique, mais offrir une polyphonie, utiliser cette collection pour créer des liens et produire du sens », martèle Vincent Honoré, qui rapproche la démarche de la Fondation David Roberts de celle de Kadist à Paris. La fondation ne souhaite pas non plus entrer dans une lutte d’ego avec le Project Space 176, ouvert en 2007 par la collectionneuse londonienne Anita Zabludowicz. « Avec Anita, on se complète plus qu’on est concurrents, affirme Vincent Honoré. Il peut arriver qu’on souhaite acheter la même œuvre. Si ça va chez Anita, c’est très bien, c’est une très belle collection. On n’est pas là pour posséder mais pour faire vivre des œuvres. » Un point de vue dont beaucoup d’acheteurs pourraient s’inspirer...

Gallery one one one / David Roberts Art Foundation

111 Great Tichfield Street, Londres, tél. 44 20 76 37 0868, www.galleryoneoneone.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°291 du 14 novembre 2008, avec le titre suivant : Du nouveau à Londres

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