Au Carreau du Temple à Paris, le succès de la foire, devenue le rendez-vous incontournable des collectionneurs et amateurs de dessin contemporain, pousse de plus en plus de galeries à s’intéresser à une pratique longtemps laissée marginale.
Il n’est pas si loin le temps où le dessin était considéré comme une étape préparatoire à un tableau, une esquisse sur laquelle l’artiste jetait ses idées sur le papier, sans susciter beaucoup d’intérêt auprès des galeristes et des collectionneurs. Christine Phal, présidente de Drawing Now, se souvient qu’à l’ouverture de sa galerie en 1990 à Paris, « le dessin, qu’on montrait dans la réserve de la galerie, était réservé à quelques initiés. Aujourd’hui, il y a un développement fort autour du dessin qui se traduit par une présence permanente dans les galeries ». Une prouesse opérée en partie grâce au succès de Drawing Now qui a su attirer plus de 20 000 visiteurs lors de sa dernière édition et inscrire le dessin comme une œuvre à part entière.
Éléonore Chatin, directrice de la Galerie Catherine Putman spécialisée dans les œuvres sur papier, confirme l’évolution du rapport du collectionneur au dessin. « Lorsque la galerie a ouvert son nouvel espace rue Quincampoix à Paris, en 2005, le dessin d’artiste contemporain n’était pas tellement montré. C’était hypermarginal et moins cher que le reste », détaille-t-elle. Galeriste historique de la foire, elle constate aujourd’hui et sans amertume que « depuis dix ans, avec Drawing Now, les galeries se sont mises à faire des expos de dessin », signe que le médium est de plus en plus apprécié.
Ainsi, sur 72 galeries en 2017, 20 % participent pour la première fois au salon. C’est le cas de la Galerie Karsten Greve qui présente les dessins de Raúl Illarramendi, Leiko Ikemura, Manish Nai et Claire Morgan. Cette dernière, connue pour ses installations mariant taxidermie et compositions géométriques, présente des dessins préparatoires et des œuvres réalisées à partir des résidus naturels, plumes ou poils, de ses animaux naturalisés. Compter entre 3 500 et 20 000 euros pour acquérir l’une de ses pièces sur le stand. Autre grande galerie à faire son entrée dans la foire, la galerie suisse Art Bärtschi & Cie rassemble une série d’œuvres de Not Vital (né en 1948) allant jusqu’à 60 000 euros, alors que se tiendra au même moment une grande exposition de l’artiste à la Galerie Thaddaeus Ropac à Pantin.
De l’amateur occasionnel au collectionneur averti
« Cette appétence pour le dessin est en lien avec l’air du temps », reste convaincue la directrice de la Galerie Putman. « L’immédiateté jugée sincère, la discrétion et la précision du dessin sont valorisées aujourd’hui par les collectionneurs », poursuit-elle. À une époque où les œuvres tapageuses et démonstratives sont de moins en moins convoitées, le dessin fait figure d’œuvre privilégiée pour se rapprocher de l’intimité du geste d’un artiste, à des prix souvent accessibles. La Galerie Putman présente ainsi sur son stand une série de paysages énigmatiques réalisés au stylo à bille et à l’encre par Frédéric Poincelet (à partir de 1 300 euros).
Si le dessin est en général l’occasion pour un jeune collectionneur de franchir le pas en s’offrant sa première œuvre d’art, il peut aussi atteindre des prix élevés en fonction de la notoriété de l’artiste. Ainsi, depuis 2016, une section baptisée « Master Now » rassemble une sélection de dessins contemporains considérés comme des chefs-d’œuvre par une dizaine de galeries. « En 2016, pour Master Now, tout a été vendu », se réjouit la présidente de la foire qui poursuit : « C’est tout l’enjeu de Drawing Now : on peut à la fois y découvrir de jeunes artistes dans la section Émergence avec des dessins entre 1 000 et 3 000 euros et faire l’acquisition d’œuvres majeures à 40 000 euros. »
La Galerie Backslash, qui participe pour la troisième fois à Drawing Now dans la section Émergence, se félicite de ce mélange des genres. La section fondée sur le principe du solo show en échange d’un stand à moindre coût est l’occasion pour Backslash de proposer des accrochages audacieux à ses artistes. « Cette année, nous avons demandé à Thomas Lévy-Lasne de réaliser deux grandes aquarelles pour les imprimer en all-over sur les murs du stand », se félicite Delphine Guillaud, codirectrice de la galerie. L’artiste, à la notoriété grandissante, présente une série de vingt-cinq aquarelles autour de la fête, à 1 500 euros chacune. En attirant un large public composé de professionnels de l’art, d’amateurs d’art et de collectionneurs occasionnels et chevronnés, « Drawing Now a conduit des galeries comme Georges-Philippe et Nathalie Vallois ou Loevenbruck à accorder au dessin une attention plus appuyée », souligne Philippe Piguet, directeur artistique du salon [et collaborateur à L’Œil]. Si Drawing Now est apprécié des galeristes, il l’est tout autant des artistes car non seulement la foire leur donne l’opportunité de produire des pièces qui n’ont encore jamais été vues ailleurs pour 80 % des cas, mais elle incite aussi les galeristes à présenter des créateurs comme Vanessa Beecroft (Galerie Lia Rumma avec Caroline Smulders), davantage identifiée à la performance, ou Philippe Cognée (Galerie Oniris-Florent Paumelle) à la peinture, et à montrer une autre facette de leur talent.
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Drawing Now : carton plein pour le dessin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°699 du 1 mars 2017, avec le titre suivant : Drawing Now : carton plein pour le dessin