Kamel Mennour présente « Basse Tension », la deuxième exposition personnelle de l’artiste à la galerie.
PARIS - Claude Lévêque n’est pas un artiste formaliste, « qui pond des pièces en série, confie son galeriste Kamel Mennour. C’est un artiste contextuel qui contribue à faire, avec Tadashi Kawamata ou Huang Young Ping, l’identité, le label de la galerie. Ce n’est pas toujours simple, il faut jongler avec les frustrations des collectionneurs, qui trouvent parfois qu’il n’y a pas tellement à consommer. »
Pour sa deuxième exposition personnelle à la galerie, Claude Lévêque a mis le monde en basse tension, en alerte. Il a fabriqué, mis en espace, en musique, le désenchantement, une zone où les Soleils sont en train de mourir, où la vie ne tient plus qu’à des filaments. « On est dans l’envers de la lumière et de l’aveuglement, explique l’artiste, confronté à des notions comme le renoncement, le deuil, la fin d’une civilisation, voire le chaos. On est au bout du chemin, dans des espaces intimes, émotionnels. Mais ce n’est ni larmoyant, ni apocalyptique ! » Trois scènes – trois univers – se succèdent. Le visiteur circule au travers, à l’intérieur de pénombres, piégé dans une poésie sombre et angoissante. Il avance dans une lumière épaisse tandis qu’une bande sonore sculpte la narration. Il marche sur une terre accidentée, dangereuse et observe, impuissant, la chute d’une danseuse étoile, si fragile, cernée par les ricanements avides de bovins. Le « chant » trafiqué, voilé, du Lac des Cygnes de Tchaïkovski ne la sauvera pas.
« Claude est un artiste d’automne, souligne Kamel Mennour. «Basse tension» marque son retour à Paris après la Biennale de Venise, deux ans de jachère et de nombreuses expositions en France et à l’étranger dont la Triennale de Yokohama (au Japon) en 2009. C’est aussi l’occasion, pendant la FIAC [Foire internationale d’art contemporain], de lui offrir une audience plus large, plus internationale. »
Visibilité internationale
Car si Claude Lévêque s’est longtemps cantonné à un réseau institutionnel français confortable, il entre aujourd’hui dans une logique de reconnaissance internationale : néons traduits en anglais, multiplication d’expositions et de projets en dehors des frontières européennes (en Corée au NMAC, Musée national d’art contemporain de Séoul ; à New York dans la petite galerie expérimentale James Fuentes ; en Russie en 2012 à l’Étendard rouge, une ancienne usine soviétique de Moscou). Point d’ancrage dans la carrière de Lévêque, sa participation diversement appréciée à la Biennale de Venise n’aura pourtant pas significativement influé sur sa côte. « Il y a eu une légère incidence au niveau des prix, confirme Kamel Mennour. Aujourd’hui une pièce comme Larmes [visible à partir du 15 octobre à l’Institut culturel Bernard Magrez à Bordeaux, dans l’exposition « l’Étoffe des temps »] tourne autour de 45 000 euros. Claude est un artiste très respecté, suivi par des collectionneurs fidèles dont François Pinault ; il est apprécié des Japonais, des Coréens. Son œuvre est représentée dans beaucoup de collections publiques. Et Claude s’exporte plus. Il faut maintenant passer le pas et développer au maximum les connexions. On est dans un monde globalisé. Très peu d’artistes français s’exportent aux États-Unis. Philippe Parreno ou Pierre Huyghe, eux, voyagent constamment entre Londres, Berlin et New York. » Pour que l’attention ne baisse pas, c’est certain, mieux vaut se tenir sous les plus puissantes lumières.
Alors que Claude Lévêque branche la galerie Kamel Mennour en basse tension, l’artiste éteint Tous les Soleils, commande publique et œuvre pérenne, réalisée en 2007 in situ au parc du haut-fourneau U4, ancienne sidérurgie d’Uckange (Moselle). « À la suite de l’annonce de fermeture du dernier haut-fourneau P6 de l’usine ArcelorMittal à Florange, j’ai immédiatement réagi, déclare l’artiste. Il était hors de question que mon intervention artistique reste visible au milieu d’un tel désastre. On est dans un système qui liquide tout. C’est catastrophique ! » Un millier d’emplois sont concernés.
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Claude Lévêque éteint les Soleils
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 26 novembre, galerie Kamel Mennour, 47, rue Saint-André des Arts, 75006 Paris, tél. 01 56 24 03 63, www.kamelmennour.com, du mardi au samedi 11h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°355 du 21 octobre 2011, avec le titre suivant : Claude Lévêque éteint les Soleils