Carte blanche à Stéphane Belzère

À la façon d’un Warhol qui s’intéresserait davantage au contenu qu’au contenant, Stéphane Belzère développe depuis plusieurs années toute une production picturale dont le motif fait référence à ce genre d’objets. S’il fut un temps où le peintre a multiplié l’image de ces conserves alimentaires en rangs serrés et étagés, il s’est très vite intéressé à cette autre espèce de bocaux que l’on qualifie d’anatomiques et qui font le patrimoine proprement viscéral des muséums d’histoire naturelle. La manière qu’a le peintre de décliner à l’envi sur ses toiles la représentation d’organes génitaux de mammifères de toutes sortes peut surprendre, voire déranger, il y va pourtant d’une puissante réflexion sur les relations entre matière picturale et matière organique. La chair, la viande, le corps sont ici au cœur d’une démarche qui rejoint les préoccupations d’un Francis Bacon quand il disait : « J’ai toujours été touché par les images relatives aux abattoirs et à la viande et pour moi elles sont liées étroitement à tout ce qui est la crucifixion. » Comme en témoigne cette peinture que Stéphane Belzère a réalisée tout spécialement pour L’Œil, côté « curiosité », l’effet est total et l’on ne peut s’empêcher de contempler le travail de Belzère sans penser à ces cabinets du temps jadis, remplis de tant de choses, monstrueuses et merveilleuses. C’est que l’un ne va peut-être jamais sans l’autre, si l’on en croit du moins Baudelaire et sa puante charogne.