Bellatrix Cochran-Hubert, directrice de la galerie David Zwirner, New York

« La fragilité est du côté des spéculateurs, pas du nôtre »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 18 octobre 2007 - 760 mots

David Zwirner, fils du célèbre marchand de Cologne Rudolf Zwirner, a ouvert sa galerie à Soho en 1993 avant de migrer à Chelsea en 2002. En septembre 2006, Zwirner s’est agrandi en annexant deux nouveaux espaces. Bellatrix Cochran-Hubert, qui a rejoint la galerie en 1999, a répondu à nos questions.

Pourquoi avez-vous choisi de retourner cette année à la Foire internationale d’art contemporain (Fiac) ?
Nous l’avions essayée en 2001, l’année des one-men-shows. Nous avions présenté Picabia, en pensant que cela intéresserait le public français, mais nous n’avons pas eu de succès commercial. Aujourd’hui, il est toutefois indéniable qu’il existe un marché européen très important, d’autant plus que l’euro est fort. Nous représentons d’ailleurs des artistes européens et David Zwirner est lui-même Allemand. Nous avons déjà vendu des œuvres à François Pinault et Bernard Arnault, et nous espérons un effet domino, découvrir d’autres collectionneurs français derrière ces deux noms. Pour une raison similaire, nous avions fait la foire MACO [à Mexico] au Mexique, en pensant que derrière Eugenio Lopez et la collection Jumex, il y aurait d’autres amateurs à découvrir.

Beaucoup de vos confrères américains participent cette année à la FIAC. Y a-t-il eu pour autant un buzz autour du salon aux États-Unis ?
Non, pas du tout. Les gens sont encore surpris quand on leur dit qu’on va à la FIAC. Cela reste quand même très français. Nous verrons s’il y aura des visiteurs d’autres pays.

Comme vous participez aussi à la foire Frieze à Londres, comment avez-vous choisi les œuvres pour ces deux salons très différents l’un de l’autre ?
Sur Frieze, nous prévoyant des choses plus expérimentales, comme Michael S. Riedl. À Paris, nous avons misé sur des grands noms, avec trois nouvelles sculptures de John McCracken, des photographies de Thomas Ruff, des peintures de Chris Ofili. Ce n’est pas idéal que deux foires se déroulent à quelques jours d’écart, mais j’avais envie que nous fassions les deux. Tous les clients ne vont pas à Frieze.

L’été a été marqué par des turbulences financières telles qu’on évoque une récession possible aux États-Unis. Les galeries new-yorkaises sont-elles inquiètes ?
Pas tellement. Nous avons inauguré récemment les expositions de Chris Ofili et Raymond Pettibon, et nos clients étaient présents et confiants. Je n’ai pas vu d’hésitation. Personne ne s’est retenu d’acheter à cause des marchés financiers.

Ne craignez-vous pas quand même une crise ?
Il peut très bien y avoir un réajustement du marché. Même s’il y a des corrections, même si 20 % des gens arrêtent d’acheter, cela ne va pas changer fondamentalement notre manière de travailler. La fragilité est du côté des spéculateurs, pas du nôtre.

Un de vos artistes, Yan Pei-Ming, enregistre des prix affolants en ventes publiques. En quoi cela influence-t-il vos collectionneurs et vos propres tarifs ?
D’un côté, ces enchères mettent les acheteurs en confiance et donnent une vigueur à son marché. De l’autre, beaucoup de gens veulent ainsi acheter chez nous ses grands tableaux, qui valent autour de 300 000 dollars, pour les mettre en ventes publiques et en tirer un profit. Mais notre métier est de bien placer les œuvres, permettre aux artistes de se construire une carrière, avoir un rôle d’agent, et non d’aider les acheteurs à s’enrichir.

Signez-vous des contrats avec vos clients ?
Nous sommes plutôt old-fashioned. Nous travaillons avec des gens en qui nous avons confiance. Ils savent que s’ils remettent en vente des œuvres fraîchement acquises, ils n’auront plus accès à notre programme.

Votre galerie a aussi une activité de second marché avec Zwirner & Wirth. Quel en est l’intérêt ?
Dès ses débuts, David a fait du second marché, car c’était une manière de financer ses premières expositions qui ne se vendaient pas. Il est promordial de maîtriser les premier et second marchés. Dans la mesure où nous représentons Luc Tuymans ou Lisa Yuskavage, il est plus important que nous soyons en charge du second marché, puisque nous connaissons leurs œuvres. Nous sommes les mieux placés pour savoir qui aujourd’hui cherche un Luc Tuymans.

La présence de John McCracken en ponctuation récurrente à la Documenta 12 de Cassel a-t-elle eu une influence sur la perception des collectionneurs ?
La Documenta est le prolongement d’une renaissance initiée depuis quatre ans. John est un artiste d’artiste, et l’un des derniers minimalistes. Les tableaux présentés à la Documenta ne reflétaient en revanche pas son travail, car John est sculpteur. Nous avons essayé de dissuader les organisateurs, mais ils ont quand même voulu les montrer.

Galerie David Zwirner, 525 West 19th Street New York, NY 10011 (répartie sur trois lieux : 519 West 19th Street, 525 West 19th Street, 533 West 19th Street), www.davidzwirner.com , tél. 1 212 727 207.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°266 du 5 octobre 2007, avec le titre suivant : Bellatrix Cochran-Hubert, directrice de la galerie David Zwirner, New York

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