Ce salon d’art confidentiel, s’inscrivant à rebours de la standardisation des très grandes foires, est devenu un rendez-vous prisé des galeristes et des collectionneurs. Il tend aujourd’hui à s’internationaliser.
À son sujet, les fondus d’art ne tarissent pas d’éloge. Sans pour autant en faire tout un fromage. Par atavisme régional peut-être, la discrétion de ce côté du lac Léman étant de longue date érigée en principe intangible. Depuis son lancement en 2012, la foire a acquis un statut qui va crescendo auprès des amateurs avertis et des galeries. À les écouter, Art Genève aurait désormais tout d’une grande. Paradoxalement, en ayant su conserver des dimensions restreintes en comparaison du gigantisme affiché par d’autres grands-messes de l’art contemporain. En quelques années, celle dont d’aucuns ne donnaient cher à ses débuts s’est ainsi taillé une réputation enviable de manifestation à échelle humaine faisant la part belle à la qualité.
Dès l’ouverture de la 6e édition, le 25 janvier, dans la halle 2 de Palexpo, à proximité de l’aéroport, l’affluence tranquille et l’atmosphère bon enfant laissaient présager un millésime d’excellente tenue. Car ce qui frappe d’abord ici, c’est ce côté convivial, détendu, qui n’est pas uniquement dû aux fauteuils Eames de Vitra mis à la disposition des visiteurs dans l’espace lounge central, au milieu du mobilier USM – en Suisse, on est fier de son design industriel.
À taille humaine
Outre ce confort, la qualité des œuvres exposées, des stands, le fait que chacun joue le jeu de l’échange et de la découverte rend le salon accessible, sans prétention mal placée. Tout sauf bling-bling. Ce parti pris n’est certainement pas étranger au succès. Un vrai « luxe, calme et volupté » apprécié de collectionneurs emmitouflés, conciliant visiblement pour certains vernissage et week-end de ski. À l’heure où les foires mondialisées font parfois songer à des supermarchés, le rush de l’ouverture en quête du Graal frisant le ridicule, cette proximité accorde du temps à la curiosité de collectionneurs exigeants tout en correspondant à l’évidence à une demande des galeries. Notamment parisiennes, pour lesquelles Art Genève s’inscrit dans la catégorie des foires de proximité, avec Bruxelles. « C’est notre première venue, ce choix nous semble stratégiquement intéressant, avec l’idée de durer, explique Georges-Philippe Vallois. Il s’agit d’une foire de très bonne qualité qui a grandi et présente un visage différent de l’art contemporain. Nous sommes présents à Bâle, à Miami, à la Fiac [Foire internationale d’art contemporain, à Paris]. Art Genève alimente une pluralité de goûts, à l’inverse d’une standardisation qui s’opère dans les grandes foires “méga-starisées”. C’est une foire à taille humaine avec sa singularité, qui présente, chose devenue rare, de bons stands à la fois en art moderne et en art contemporain. On peut voir des artistes très intéressants qu’on ne voit pas forcément ailleurs, susceptibles de répondre à la curiosité des spectateurs. Bien sûr, nous venons aussi pour rencontrer de nouveaux collectionneurs. »
Même enthousiasme chez Nathalie Obadia, qui présentait Valérie Belin, Rina Banerjee, et The TV Mantelpiece (2016), une installation de Laure Prouvost, première artiste française à remporter le Turner Prize en 2013. « Nous sommes très heureux, c’est notre quatrième participation. Nous avons vu l’évolution de la qualité des œuvres exposées et des visiteurs. C’est vraiment devenu un rendez-vous complémentaire à d’autres foires. Les collectionneurs sont essentiellement locaux et français, mais les Zurichois commencent à venir. »
112 participants
Sur les 112 exposants de cette édition, dont 85 galeries d’art contemporain, d’art moderne et de design, 16 pays sont représentés. De plus en plus internationale, Art Genève offre, en outre, un focus sur la scène contemporaine régionale. On y découvre des artistes genevois et plus largement suisses défendus par des galeries du quartier des Bains, cet « art district » autour du Mamco [Musée d’art moderne et contemporain], ou d’autres ayant pignon sur rue dans la vieille ville (lire p. 22 ). Art Bärtschi & Cie (Genève) exposait ainsi Vidya Gastaldon et Mathieu Dafflon, ce dernier étant issu de la Haute École d’art et de design (Head). Chez Skopia (Genève), Pierre-Henri Jaccaud montrait Melissa Steckbauer, un caisson lumineux d’Alex Hanimann et un fusain grand format signé Alain Huck, Chrysanthemum. Chez Xippas (Paris), Vik Muniz, Philippe Ramette, Michael Scott et Farah Atassi étaient à l’honneur. Et tandis que l’on pouvait admirer Ruscha ou Twombly chez Gagosian, Sébastien Bertrand (Genève) donnait à voir les dessins érotiques aux crayons de couleur du Californien Max Maslansky et des toiles des années 1980 de Walter Robinson, inspirées de couvertures de romans « pulp » à l’eau de rose américains, série pour laquelle la galerie s’est vu décerner le prix du meilleur solo show.
Chez Blondeau & Cie (Genève), les dessins de Raymond Pettibon, les photos de la New-Yorkaise Rhona Bitner et celles de Louise Lawler prises chez Claude Berri ou Yves Saint Laurent côtoyaient un explosif pigeon en gomme, ligoté à une cartouche de dynamite, d’Adel Abdessemed. Habibi, son gigantesque squelette humain en lévitation, accueillait de manière spectaculaire les visiteurs en haut de l’escalator à l’entrée de la foire. Le Centre d’édition contemporaine exposait de grands tirages de Mélanie Matranga, présentée l’an passé au Palais de Tokyo à Paris. La jeune garde des artistes genevois était à découvrir dans l’espace consacré à la 5e édition des New Heads Fondation BNP Paribas Art Awards, qui récompense chaque année deux diplômés en arts visuels de la Head-Genève. Initiative suffisamment originale pour être signalée : vide lors de la journée inaugurale, le stand du Mamco devait se remplir au fil des jours grâce à une enveloppe destinée à des acquisitions. Small is beautiful, vous disait-on.
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Art Genève tient salon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°473 du 17 février 2017, avec le titre suivant : Art Genève tient salon