BALE / SUISSE
La prestigieuse foire internationale d’art contemporain qui ouvre à Bâle ne faillit pas à son ambition et amplifie la dimension spectaculaire de l’art, aujourd’hui parfaitement en phase avec la demande du marché.
Bâle. Alors qu’ouvre ses portes le 15 juin la 48e édition de la foire suisse, grand-messe annuelle de l’art contemporain, un constat s’impose : bigger is better. La tendance du « toujours plus grand » triomphe, dans le lieu même où elle a été lancée. Avant d’être reprise aux quatre coins de la planète, suivant le modèle établi par la plus puissante foire internationale. Le phénomène n’est pas nouveau. Il faut, pour en voir les prémices, remonter aux années 2000, comme le souligne notre analyse du secteur « Unlimited », voué dès l’origine à accueillir ces pièces de grand format. Les parcours dans les parcs et l’espace urbain sont venus compléter l’installation de sculptures en extérieur, pour ainsi dire au sein même de la foire. À Bâle, cette année, 22 œuvres sont exposées autour de Münsterplatz, dans le centre historique, ceci dans le cadre de la 8e édition de Parcours. Iron Tree, sculpture monumentale d’Ai Weiwei, y côtoie des pièces de Latifa Echakhch et de Katinka Bock.
Avant le Petit Palais l’an dernier, la Fiac, à Paris, a investi depuis 2006 à travers son parcours « Hors les murs » le jardin des Tuileries, le Musée du Louvre et d’autres sites de la capitale. En 2013, Tadashi Kawamata greffait en haut de la colonne de la place Vendôme et sur ses façades ses cabanes en bois comme autant de nids d’hirondelles. L’an passé, les arbres immaculés d’Ugo Rondinone dressaient au même endroit une étrange forêt au cœur de la ville. La londonienne Frieze déploiera quant à elle dans Regent’s Park pour la première fois, à partir du 5 juillet jusqu’au 8 octobre, 25 œuvres monumentales, signées entre autres Anthony Caro, Bernar Venet, Tony Cragg ou Alicja Kwade.
Si la présence de sculptures de grande dimension dans l’espace public remonte à l’Antiquité, la tendance actuelle à étoffer ces propositions dans le cadre d’un événement marchand trouve plusieurs explications. En premier lieu, la demande. En matière d’art contemporain comme dans d’autres domaines, le goût n’échappe pas aux injonctions de la société du spectacle. La dimension d’une œuvre influe directement sur la perception du public. Question de taille. Au risque parfois d’en mettre plein la vue. Occuper l’espace peut aussi passer pour une façon de masquer la faiblesse d’une proposition.
L’œuvre comme expérience à vivre
Autre facteur, la relation à l’œuvre, différente selon qu’il s’agit d’un petit ou moyen format ou d’une installation, d’un environnement, voire d’un projet architectural. À partir des années 1960-1970, un nombre croissant d’artistes ont exploré de nouveaux champs en déplaçant la question de la production de la forme vers celle de l’expérience à vivre à travers l’immersion, l’interaction. Une préoccupation devenue centrale dans la création contemporaine. Cette course à la monumentalité correspond également à un besoin formulé par les artistes eux-mêmes. Pour les plus demandés – ou qui souhaitent le devenir –, il s’agit d’être représentés par une galerie dont les moyens le permettent ; et pour les galeries, il faut voir toujours plus grand, en termes d’investissement financier et d’espaces d’exposition, afin de s’attacher les meilleurs. Pour onéreuse qu’elle soit, la production de pièces XXL présente un indéniable intérêt commercial, qu’il s’agisse de cibler des collectionneurs fortunés disposant de vastes espaces, voire de musées privés, de flatter les ego désireux d’afficher des signes extérieurs de réussite avec des œuvres qui en imposent, de répondre au besoin d’institutions développant un parc de sculptures ou d’installations, ou, plus prosaïquement, d’aguicher le chaland en jouant la carte de la visibilité maximale. More is more… Collectionneurs, galeries, artistes, c’est enfin un enjeu d’image. À grande ambition, grands moyens.
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Art Basel, toujours plus monumentale
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Légende Photo :
John Baldessari, Beethoven's Trumpet (With Ear), Opus 127, 2007, 185,42 x 182,88 x 266,7 cm, résine, fibre de verre, bronze, aluminium et électronique - Courtesy Photo Marian Goodman Gallery - Art Basel Galleries | Hall 2.0 | B16
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°481 du 9 juin 2017, avec le titre suivant : Art Basel, toujours plus monumentale