Après le Somerset, Hauser & Wirth s’ancre à Minorque

Minorque (Espagne). Sur l’île du Roi, au large de Port-Mahon (Minorque), la galerie/centre d’art de Hauser & Wirth, nichée dans les dépendances d’un ancien hôpital naval, est née d’un partenariat conclu avec la Fundación Hospital de la Isla del Rey, l’association patrimoniale locale qui restaure depuis 2005 les édifices de l’île, et la municipalité de Mahon, propriétaire de l’île. Ce modèle implanté sur le territoire minorquin, entre nature, gastronomie et art, attire un large public depuis sa création, avec 130 000 visiteurs reçus au total en 2021 et 2022, et déjà 11 000 en avril et mai dernier.

Créer des espaces d’exposition dans des bâtiments réhabilités, chargés d’histoire, entourés d’une nature idyllique : la démarche est singulière mais non inédite dans le milieu des galeries d’art. « Nous voulons placer Minorque sur la carte de l’art contemporain », souligne la directrice des lieux, la Minorquine Mar Rescalvo. Le centre d’art, s’il ressemble à un musée, est bien aussi une galerie commerciale, et lors de l’ouverture de l’exposition consacrée à Christina Quarles, plusieurs œuvres étaient proposées à la vente, indique la directrice. En 2021 (*), l’ensemble des œuvres de l’exposition « Masses and Movements » de Mark Bradford avaient été vendues avant l’inauguration. Les œuvres de la nouvelle exposition « After the Mediterranean », dont certaines ont été créées par des artistes en résidence à Minorque, résidences parrainées par la galerie, sont également à vendre. « Nous vendons de l’art bien sûr. Mais l’objectif principal est d’offrir une expérience spéciale aux visiteurs et de montrer nos artistes sous un tout autre jour », explique Mar Rescalvo.

Ce modèle a fait ses preuves à Bruton, petit village du sud-ouest de l’Angleterre dans le Somerset, où la galerie a ouvert son premier lieu sur ce modèle en 2014, et dépassé le million de visiteurs en 2022. Celui-ci a été installé dans une ancienne ferme, réhabilitée par l’architecte Luis Laplace, entourée de jardins aménagés par le paysagiste Piet Oudolf, tous deux auteurs de la réhabilitation menée à Minorque.

L’ADN du lieu, insiste la galerie, se fonde sur un accès à la culture pour tous et un engagement auprès de la communauté locale. « C’est un modèle très démocratique, il y a juste le ticket du bateau-taxi à payer [10 €]. L’accès à l’exposition, les visites guidées et les workshops sont proposés gratuitement », explique Mar Rescalvo. Les visiteurs ont la possibilité de se restaurer à La Cantina, le restaurant de Hauser & Wirth. À la boutique-librairie, des produits dérivés et des livres d’art, la plupart édités par la maison d’édition de la galerie, sont proposés à la vente. « Nous recevons des visiteurs de tous âges et de toutes nationalités, des collectionneurs, des scolaires… Tout est pensé pour que les différents groupes sociaux se rencontrent et apprécient l’art ensemble », précise Mar Rescalvo.

Accolé à l’exposition, l’Education Lab offre un espace pédagogique dont les thématiques sont toujours en lien avec l’artiste présenté, en partenariat avec un groupe communautaire local, une école ou une université. Abordant la question du corps et du langage chez Christina Quarles, « des installations réalisées par des élèves d’ateliers de pratique artistique en lien direct avec les œuvres ont à découvrir », explique Debbie Hillyerd, directrice de l’éducation.

Le modèle de la galerie/centre d’art participe à la fidélisation des artistes, en leur offrant une visibilité importante et différente des autres galeries d’art. L’artiste Christina Quarles, venue de Los Angeles, a rejoint Hauser & Wirth en 2021. Bénéficiaire d’une résidence à Somerset en 2022, elle a créé par la suite des œuvres pensées spécifiquement pour l’exposition « Come In From An Endless Place » présentée à Minorque. Il s’agit, pour celle qui a participé à la 59e Biennale de Venise en 2022, de sa première exposition en Espagne, parallèlement à l’invitation dont elle bénéficie cet été au Hamburger Bahnhof de Berlin. Elle présente une série de nouveaux tableaux de grand format, d’acryliques sur papier et de dessins plus intimistes, qui rendent compte de son approche singulière de la figuration. Alliant les techniques d’une peinture expérimentale à la technologie digitale, elle crée des corps fragmentés et polymorphes, qui prennent place dans des compositions texturées et colorées, à l’image de ses réflexions sur l’expérience corporelle et sur l’identité.