Avec 11 enseignes supplémentaires, le contingent des grandes galeries installées en France est plus présent que jamais. Elles répondent à l’actualité chacune à leur manière.
Cette année, la galerie Perrotin a vu les choses en grand. Ouvrant le bal quelque peu en avance, le 24 septembre dernier, son duo d’artistes Elmgreen & Dragset, s’invitait tout seul sous la verrière du Grand Palais pour y présenter le stand de la galerie tel qu’il allait être monté le premier jour de la Fiac. Perdu dans le silence et l’immensité du lieu, le stand ressemblait plus à une maquette qu’à un stand véritable. Un pied de nez à la frénésie et à la surabondance qui dominent les foires !
Pour la 43e édition de la Fiac, le climat général n’est pourtant pas à l’euphorie. Menaces terroristes, contexte préélectoral, coupes budgétaires… On a connu des périodes plus sereines comme le souligne Michel Rein qui défend depuis vingt-cinq ans la scène française et qui met cette année à l’honneur le récemment disparu Jean-Pierre Bertrand ou encore le tout jeune Armand Jalut, dernier nominé de la Fondation Emerige. « Les musées comme le Musée Picasso ont enregistré 30 à 40 % de baisse de fréquentation, poursuit-il. Nous ne sommes pas épargnés par la baisse d’affluence des étrangers. Mais je reste optimiste. Il y a une consolidation du marché. Il y a de plus en plus de collectionneurs, l’argent est là. » Si l’on peut craindre que certains collectionneurs américains ne répondent pas à l’appel de la Fiac à cause du contexte international – mais aussi car les dates de Frieze ne permettent pas cette année d’enchaîner les deux foires, impliquant donc un choix entre les deux –, les grands collectionneurs européens sont attendus de pied ferme.
Au total, 53 galeries françaises sont de la partie. Soit 11 galeries supplémentaires par rapport à l’an passé, qui font passer la participation française de 25 à 28 %. Parmi les nouveaux entrants certains font leur retour comme Bernard Ceysson, qui dédie son stand aux racines historiques du mouvement Supports/Surfaces et qui était l’an dernier sur Officielle, ou Praz-Delavallade qui quitte Paris Internationale qu’il avait participé à lancer avec succès l’an dernier. D’autres entrent pour la première fois, comme Martine Aboucaya avec un solo show de Michael Snow ou encore Sémiose avec des œuvres de William Burroughs. Ce dernier rejoint les 300 mètres carrés du Salon Jean Perrin dédié aux artistes en voie de redécouverte et qui accueille pour la première fois des galeries de la Fiac. « Depuis 2000 et 2001 jusqu’à il y a environ deux ans, on a vécu une période de puissance du marché, excessive par moments. À présent on a besoin de jeter un coup d’œil en arrière pour savoir si des choses n’ont pas été négligées par le marché. C’est un phénomène sain et nécessaire », justifie Jennifer Flay, directrice de la foire.
Des pièces fortes et élitistes
« La Fiac ne court pas après ce qui est le plus jeune ni le plus branché. Elle mélange avec panache moderne et contemporain », poursuit Thaddaeus Ropac qui présente des pièces historiques de Robert Rauschenberg et James Rosenquist en écho aux expositions dans son espace du Marais, ainsi que des dessins de Robert Longo et des photos de Claire Adelfang. La Galerie Lelong fait aussi dialoguer les générations : un grand tableau de Sean Scully également à l’honneur à la galerie à partir du 12 octobre, des peintures de Marc Desgrandchamps avec lequel la galerie entame une collaboration, et un tableau récent de Barthélémy Toguo, artiste nommé au prix Marcel Duchamp « qui va susciter autour de lui beaucoup d’effervescence », pressent François Dournes de la galerie. Autre nommé du prix Duchamp, Ulla von Brandenburg occupe le stand d’Art : Concept, avec un film surprenant, très politique, sur la couleur, tourné récemment au théâtre des Amandiers. Ce, en parallèle d’Hubert Duprat, qui bénéficiera bientôt d’une grande rétrospective au Musée d’art moderne de la Ville de Paris.
C’est aussi une œuvre très politique, une œuvre de William Kentridge, sur les liens entre la Commune et la propagande chinoise conçue lors d’un séjour au Ullens Center for Contemporary Art de Pékin, qui est présentée à la galerie Marian Goodman. Cette dernière intronise également sur son stand deux artistes, Cerith Wyn Evans et James Welling, avec lesquels elle entame une collaboration.
« La Fiac a une dimension plus subtile, plus réfléchie, moins spéculative que d’autres foires. Les pièces sont plus fortes, ressortent mieux car mieux choisies. Elle est devenue la foire où l’on réserve des pièces importantes, plus fines qu’ailleurs, car l’on sait que des collectionneurs cultivés vont venir les voir », poursuit Niklas Svennung de la galerie Chantal Crousel, qui dévoile trois grandes sculptures d’Haegue Yang, conçues spécialement pour la foire ou encore une œuvre de Pierre Huyghe, qui débute sa collaboration avec la galerie. « La Fiac n’a pas grand-chose à envier à Bâle et elle est au-dessus de Frieze, qui a la réputation d’être davantage liée à la mode. Dans une époque où l’on sent un léger resserrement du marché, cela lui permet de tirer son épingle du jeu », renchérit Georges-Philippe Vallois, qui privilégie des pièces passées dans des institutions. Son stand s’articule autour du Nouveau Réalisme notamment une grande tôle de Raymond Hains de la série « Dauphin » de 1990 – qui a fait partie de toutes ses rétrospectives – et un axe plus contemporain avec un grand retable du jeune Pierre Seinturier précédemment exposé au Palais de Tokyo. Pour les 50 ans de la galerie Templon, Ivan Navarro a imaginé une œuvre-miroir dans laquelle se reflètent toutes les œuvres, comme celles de Gérard Garouste qui bénéficie d’une grande exposition à Mons ou encore de Jean-Michel Alberola vu au Palais de Tokyo avant l’été.
De l’audace pour contrer la morosité
Du côté des galeries modernes françaises, on note le retour du Minotaure avec des œuvres oscillant entre le constructivisme et le mouvement Abstraction-Création. La galerie 1900-2000 poursuit la présentation de petits bijoux du surréalisme. Mais surtout, on ne manquera pas le stand d’Applicat-Prazan. « Initialement j’avais prévu de présenter autre chose, mais au lendemain des attentats de novembre, nous avons changé d’avis et décidé d’exposer Zoran Music, car cela était plus en phase avec les circonstances. » Soit dix-sept œuvres autour de deux séries, « Nous ne sommes pas les derniers » de 1970 et une série très rare d’autoportraits réalisés à la fin de sa vie. « C’est un challenge. Le propos de cette exposition est difficile, mais nous verrons bien », conclut Frank Prazan. De l’audace, c’est aussi ce que revendique Michele Casamonti de Tornabuoni, qui présente des œuvres d’exception de l’avant-garde italienne, dont une importante Mapa d’Alighiero Boetti, préfigurant le show qui lui sera consacré dans le nouvel espace de la galerie dans le Marais en janvier 2017 et au Palais Cini, lors de la prochaine Biennale de Venise : « Face à une situation sociopolitique complexe, j’aurais pu quitter Paris, mais je réagis au contraire par un acte d’amour. C’est dans les moments difficiles qu’il faut proposer des choses encore plus belles, encore plus fortes. »
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Les galeries parisiennes en force
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°465 du 14 octobre 2016, avec le titre suivant : Les galeries parisiennes en force