D’une écriture abondante et généreuse, pour ainsi dire copieuse, Paul Ardenne ne cesse d’en découdre avec notre appétit d’immédiatetés rares.
Contemporain, comme l’art qui nous baigne, le présent nous contient tout entier dans nos constants besoins de contentation. Contemporain, comme l’époque qui nous charrie, le moi est roi dans ce qu’il a de plus conformiste, et l’expression de son être reléguée aux marges, écrasée par les masses. Consommation de masse, l’art contemporain subit la règle du renouveau, la tyrannie molle de l’effet marquant et des modes de production dévoyés. Pour rester présent à lui-même, le moi s’y met en quête d’ébranlements permanents. Des nourritures qui affament. Comment, dès lors, faire éclore la part belle aux grands découvrements, aux renversements de demain ? Montant à l’assaut de cette problématique tant personnelle que sociétale, Ardenne, en observateur avisé et critique, utilise aussi bien le prisme essayiste que l’approche romanesque. Et les deux se complètent. Dans la fable futuriste Belly le Ventre [Le Bord de l’eau, 366 p., 25 €], la langue est invasive et charpentée. Reconstruite comme une sorte de novlangue à sa sauce, elle dit par la chair même des mots qu’elle remâche toutes les saveurs d’une époque, d’un esprit. Celui où le corps même de la société est morcelé et dont chaque partie désolidarisée cherche à prendre le contrôle du tout pour jouir de sa fonction sans entrave. Dans le recueil critique Heureux, les créateurs ? [Le Bord de l’eau, 384 p., 25 €], le langage est détaillé, parfois même savant, mais le ton est direct, incisif et sans ambages. La démonstration n’en est que plus cinglante d’un milieu artistique qui masque, derrière son apparente liberté de ton et de création permanente, l’assujettissement de la main de l’artiste à nourrir ses maîtres d’œuvre institués. Remplir des espaces vidés. Par les mots, en immersion, et la pensée, en projection, en coups de poing portés au ventre du monde, Ardenne pousse à replacer d’urgence ses éléments à leur place, à remettre de l’huile dans les rouages et à rétablir les degrés inaliénables de sa liberté.
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Le langage critique et la langue romanesque de Paul Ardenne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°703 du 1 juillet 2017, avec le titre suivant : Le langage critique et la langue romanesque de Paul Ardenne