La Sicile interdit le prêt de 23 de ses chefs-d’œuvre

Par Julien Rocha · lejournaldesarts.fr

Le 28 novembre 2013 - 552 mots

SICILE (ITALIE) [28.11.13] – Vingt-trois des plus grands chefs-d’œuvre du patrimoine sicilien, de l’Ephèbe de Mozia à la Vierge à l’Annonciation d’Antonello da Messina, ne pourront dorénavant plus quitter l’île. Des accords de collaboration avaient pourtant été conclus entre l’Italie et les Etats-Unis suite aux affaires de biens volés acquis par les musées américains puis restitués.

Le New York Times a révélé une décision politique du gouvernement régional de Sicile, autonome par rapport au gouvernement italien, prise en juin 2013 mais passée inaperçue : l’interdiction pour 23 de ses chefs-d’œuvre d’art antique et moderne, pour la plupart souvent prêtés aux Etats-Unis, de quitter le territoire sicilien.

Cette décision entend répondre à la crise financière des musées de l’île, en manque de visiteurs, par le maintien sur le territoire de ses chefs-d’œuvre. Elle constituerait également une réponse au non-respect de l’accord de 2006 signé entre le Metropolitan Museum of Art de New York et l’Italie, qui inaugurait une politique de collaboration entre les institutions muséales par le biais de prêts d’œuvres de qualité équivalente. La Sicile se plaint en effet de ne pas recevoir assez de chefs-d’œuvre en échange des siens. Malcolm Bell III, archéologue de l’Université de Virginie et co-responsable des fouilles à Morgantina, site de Sicile centrale ayant livré d’importants vestiges antiques, explique que « rien n’a été prêté au Musée d’Aidone en échange du retour au MET du trésor de vaisselle d’argent de Morgantina », régulièrement prêté au musée new-yorkais.

D’après le New York Times, une exposition itinérante sur les trésors d’art grec et romain de Sicile, qui se tient actuellement au Cleveland Museum of Art après avoir eu lieu au Jean-Paul Getty Museum, est à l’origine de la décision sicilienne. Cette exposition répondait à la politique de coopération entre l’Italie et le Getty Museum, suite aux restitutions très médiatisées par le musée américain d’œuvres issues d’un trafic illégal d’antiquités. Néanmoins la Sicile avait refusé au musée de Cleveland, non concerné par ces affaires, la présentation de deux de ses pièces phares que sont la phiale mesomphalos en or et l’Ephèbe de Mozia. Des négociations ont finalement abouti au prêt de ces œuvres, moyennant des indemnités de 260 000 dollars (environ 191 000 euros) couvrant les frais d’assurance et de transport, ainsi qu’à l’engagement du musée américain de prêter à la Sicile un important groupe d’œuvres provenant de Palerme, dont la Crucifixion de Saint André du Caravage.

Le trésor en argent de Morgantina, qui devait de nouveau repartir au MET en 2014, fait partie de la liste des 23 œuvres dorénavant interdites d’exportation. « Nous sommes actuellement en train de chercher une solution alternative à proposer au MET, qui soit autant avantageuse à la Sicile qu’au musée de New York » a précisé Mariarita Sgarlata, plus haute représentante sicilienne de la Culture. La phiale mesomphalos en or, les statues de l’Ephèbe de Mozia, du Satyre dansant de mazara del Vallo et de la déesse de Morgantina, la Vierge de l’Annonciation d’Antonello da Messina, la Résurrection de Lazare et l’Adoration des Bergers du Caravage, font aussi partie de la liste.

Timothy Potts, directeur du Getty Museum, ne s’étonne pas de cette décision, même s’il s’en inquiète : selon lui, il était bien trop naïf de croire à un accroissement du nombre de prêts italiens après l’affaire des œuvres volées puis restituées.

Légende photo

Antonello da Messina (1430-1479) - La Vierge de l'Annonciation (vers 1476) - Huile sur bois - 45 x 34,5 cm - Musée des beaux-arts de Palerme - Italie - source Wikimedia

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