La dOCUMENTA de Cassel, un événement qui rapporte

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · lejournaldesarts.fr

Le 7 juin 2012 - 834 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [07.06.12] - La 13e édition de la dOCUMENTA de Cassel ouvrira ses portes le 9 juin, pour une durée de 100 jours. Dotée cette année d’un budget de 24,6 millions d’euros, elle avait rapporté 100 millions à la ville de Cassel en 2007.

Telle La Belle au Bois Dormant, Cassel, ville des frères Grimm, s’éveille tous les cinq ans au rythme des éditions de la dOCUMENTA. Qui aurait pu imaginer que cette ville d’à peine 200 000 habitants, que le critique d’art américain Benjamin Buchloh avait peu charitablement surnommé « ville la plus laide à l’ouest de la Sibérie », deviendrait l’hôte d’une des plus importantes manifestations internationales d’art contemporain?

A l’issue de la deuxième guerre mondiale, la ville de Cassel est détruite à 80 %. Sur les ruines du Fridericianum, un des premiers musées publics d’Europe, Arnold Bode, alors professeur à l’école des Beaux-Arts locale, crée la première édition de la dOCUMENTA en 1955, en marge d’une foire d’horticulture. Cette première exposition n’est pas consacrée à l’art contemporain, mais vise à faire connaître au public allemand « l’art dégénéré » interdit par le régime nazi de 1933 à 1945. Si Cassel est actuellement située géographiquement au cœur de l’Union européenne, il ne faut pas oublier qu’elle était à l’époque une zone frontalière avec la RDA, où le réalisme socialiste et l’art d’Etat avaient encore cours.

La dOCUMENTA s’est établie au fil des ans comme rendez-vous incontournable de l’art contemporain et connaît un succès toujours croissant. De 130 000 visiteurs en 1955, elle est passée à 750 000 visiteurs lors de la 12e édition en 2007. Selon des études réalisées par l’université de Cassel, cette dernière édition a rapporté 100 millions d’euros à la ville. Il n’est donc pas étonnant que Cassel se soit battue contre les pressions visant à déplacer l’événement à Francfort ou Berlin. Accueillir ce « musée des cent jours » revêt une telle importance économique et de prestige que la ville s’est officiellement rebaptisée « Cassel – ville de la dOCUMENTA » depuis 1999.

C’est d’ailleurs le maire en exercice de Cassel qui préside le conseil d’administration de la société d’utilité publique qui organise la dOCUMENTA. Cette société est portée et financée conjointement par Cassel et le Land de la Hesse. S’il n’existe pas de chiffres précis sur les bénéfices de la dOCUMENTA au niveau du Land la Hesse, celui-ci ne s’y trompe pas : la culture crée plus d’emplois que les secteurs de la chimie ou de l’automobile. Le gouvernement de la Hesse a ainsi décidé d’investir 200 millions d’euros sur 10 ans pour la réhabilitation des musées de la région.

La dOCUMENTA est financée pour moitié par tous les niveaux de la fédération allemande. Le budget de la 13e dOCUMENTA s’élève à 24,6 millions d’euros. Au niveau fédéral, la Fondation culturelle de la Fédération fournit 3,5 millions d’euros. La ville de Cassel et le Land de la Hesse contribue chacun à hauteur de 4,4 millions d’euros. Le reste du budget doit être financé par la billetterie, la vente de catalogues, et les sponsors privés.

La 13e édition marque le retour de deux grands sponsors, Volkswagen et la DB (SNCF allemande), qui avait préféré financer la coupe du monde de football plutôt que la dOCUMENTA de 2007. Si le budget de 2007 avait pourtant été bouclé en temps et en heure, le directeur artistique de l’époque, Roger Buergel, avait créé un cercle d’amis de la dOCUMENTA, et fait appel à des personnalités du monde des affaires, telles que Miuccia Prada, Arend Oetker et Christian Jacobs, pour lever les 4 millions d’euros supplémentaires qui manquaient à sa programmation artistique, ainsi que pour consolider le programme éducatif de la dOCUMENTA, seulement sept mois avant son ouverture.

Cette année, c’est le directeur de la dOCUMENTA Bernd Leifeld qui a créé la polémique, en affirmant au magazine économique allemand Capital que la dOCUMENTA est sous-financée par les pouvoirs publics, au vu de ce qu’elle rapporte à la ville de Cassel. « Il ne s’agit pas de subventions, mais d’un investissement », avait-il ajouté. La réponse de la Ministre de la culture du Land de Hesse ne s’est pas fait attendre, par voie de presse : cette demande de fonds supplémentaires est injustifiée au moment où chacun participe à l’effort de réduction de la dette publique, objectif qui est « ancré dans la constitution », rappelle Eva Kühne-Hörmann sur le site web du Hessischer Rundfunk. Bernd Leifeld a depuis mis de l’eau dans son vin : « Je ne me plains pas de la situation actuelle. Il s’agissait simplement d’une interrogation sur l’avenir. Il n’y a pas de garanties de financement par les organisations privées ».

La Direction artistique a été confiée cette année à l’Américaine Carolyn Christov-Bakargiev, qui a choisi de ne pas choisir de thème pour l’exposition. Celle-ci sera à l’image de ses convictions : féministe, écologique, et centrée sur les dysfonctionnements de l’économie. Elle espère que cette édition dépassera le million de visiteurs, a-t-elle déclaré au magazine allemand Spiegel.

Légende photo

Timbre pour l'anniversaire des 100 ans de la naissance de Arnold Bode, fondateur de documenta - 2000 - source wikipedia 

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque