PARIS - Dans le monde des enchères, il y a des lois et des règles, mais aussi des coutumes. Chaque commissaire-priseur a son propre sens de la déontologie.
Inscrit dans la loi du 20 juillet 2011, il existe un Recueil des obligations déontologiques de la profession, publié fin février 2012 (1), qui remet les pendules à l’heure. Ce « guide de comportement » comme l’appelle Catherine Chadelat, présidente du Conseil des ventes volontaires (CVV), vise à remettre certains dirigeants des sociétés de ventes aux enchères et commissaires-priseurs dans le droit chemin. Même si tous prétendent avoir un comportement irréprochable et voient en ce recueil au mieux un outil de formation destiné aux « bleus » de la profession.
Dans les faits, le CVV reçoit environ 300 plaintes annuelles (2) d’acheteurs et de vendeurs. Les plaignants ont contacté une à plusieurs reprises les sociétés de ventes concernées, avant de s’adresser à l’instance de régulation du marché de l’art.
Du côté des vendeurs, 30 % des réclamations portent sur la non-restitution d’objets invendus à leurs propriétaires. Ce problème relève en grande partie d’une mauvaise gestion des stocks. Les conditions de restitution sont normalement prévues dans le mandat de vente écrit (§ 3.4 du recueil), document devenu obligatoire avec la nouvelle loi. Mais le fait que les vendeurs ne sont informés de la date de la vente de leurs biens que s’ils le demandent (§ 1.2.2), ne facilite pas les choses. Les autres griefs des vendeurs concernent les absences de paiement ou des retards injustifiés de règlements. Le recueil spécifie « sans délai » dès que l’acquéreur a payé (§ 3.1). Or, il se trouve, qu’alors même que certains professionnels des enchères reçoivent très tôt le paiement de leurs acheteurs au lieu de régler illico leurs vendeurs, ils font ce que l’on appelle de la « cavalerie ». C’est-à-dire qu’ils utilisent ces fonds pour combler une trésorerie défaillante. Citons encore plusieurs cas où la SVV ne respecte pas le prix de réserve du vendeur qui figure obligatoirement sur le mandat de vente. Que ce soit par oubli ou par désespoir de cause (le commissaire-priseur estime que l’objet ne se vendra pas mieux), la société de ventes doit verser la différence de prix au vendeur.
Du côté des acheteurs, 31 % des litiges portent sur une contestation d’authenticité d’objets achetés et 26 % sur une non-conformité de description des lots, sans que le commissaire-priseur soit à mettre en cause s’il a un expert. Ce type d’affaires finit, soit par une annulation de la vente à l’amiable (si l’acheteur dispose d’éléments probants), soit au tribunal pour une annulation judiciaire de la vente. Mais 15 % des réclamations visent la non-délivrance d’objets adjugés, tandis qu’un certain nombre dénoncent des frais de transport ou de stockage pour lesquels ils n’ont pas été informés (§ 3.3). À cela, s’ajoutent les réclamations de clients (acheteurs ou vendeurs) à qui les maisons de ventes ont rendu ou livré des objets endommagés. Il est fort regrettable que ces maisons ne trouvent pas elles-mêmes une issue (une restauration ou un dédommagement) à ce genre de déconvenues. Moins évident à prouver, le « bourrage » systématique du client qui a laissé un ordre d’achat consiste à adjuger un objet à l’enchère maximale indiquée par le client, alors qu’il n’y a pas de sous-enchérisseur. Cette technique peut être pratiquée par des commissaires-priseurs peu scrupuleux. Obtenir un lot à un prix inférieur à son ordre d’achat est généralement un signe d’honnêteté du professionnel.
Enfin, en principe, les commissaires-priseurs (pas plus que leurs experts ou employés) n’ont le droit d’acheter dans leurs propres ventes, à cause d’un risque de conflits d’intérêts. Or, beaucoup le font et c’est généralement un membre de leur famille qui prête son nom à ce genre d’opérations illégales. Quelques-uns se sont fait prendre, des collectionneurs ayant reconnu leurs œuvres confiées aux enchères sur des photos de magazines prises aux domiciles personnels des commissaires-priseurs ou à l’occasion de reportages TV. Pour ne pas se faire piéger, un médiatique « marteau » avait demandé à l’équipe de télévision qui tournait chez lui alors qu’il était en famille, non pas de flouter le visage de ses petits-enfants, mais de brouiller l’image de ses tableaux, meubles et objets d’art. Les mauvaises habitudes ont la dent dure.
(1) Téléchargeable sur le site internet du CVV : www.conseildesventes.fr.
(2) Ce chiffre est constant depuis 2008.
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Enchères et déontologie : « Tu respecteras tes clients »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°366 du 30 mars 2012, avec le titre suivant : Enchères et déontologie : « Tu respecteras tes clients »