La Foire de Maastricht est un véritable musée éphémère couvrant 7 000 ans d’histoire. Voici un échantillon de quelques-unes des pièces rares offertes à la vente.
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ANTIQUITÉS CLASSIQUES
Fragment de Talatat, calcaire, Égypte, XVIIIe dynastie, période amarnienne, vers 1364-1347 avant J.-C. Dimensions : 23 x 28 cm. Provenance : trouvé à Hermopolis, mais venant de Tell el-Amarna. Galerie Harmakhis, Bruxelles
Blocs de grès de taille standardisée utilisés durant le règne d’Akhenaton pour construire sa capitale Akhetaton (Tell el-Amarna), les talatat furent réutilisés après la mort du pharaon pour remblayer les édifices à Hermopolis, ce qui les préserva de la destruction. Sur ce fragment est représenté le nain Para entouré de dames de la cour. Deux nains achondroplases habillés en vizir, identifiés comme étant Para et Erneheh, étaient souvent représentés à côté de membres de la famille royale sur les reliefs des tombes rupestres de Tell el-Amarna, plus particulièrement à côté de Moutnedjemet, sœur de Nefertiti.
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ARTS DÉCORATIFS & DESIGN
Paire de chaises (1902-1903), Koloman Moser, en marqueterie de loupe d’orme, bois d’amourette, érable et nacre, pieds ornés de laiton martelé. Dimensions : 94,5 x 47 x 50,5 cm. Provenance : salle à manger de l’appartement du docteur Hans et Gerta Eisler von Terramare. Galerie Yves Macaux, Bruxelles
Cofondateur du groupe de la Sécession viennoise, Koloman Moser conçut, dans un nouveau langage abstrait géométrique, le design intérieur et le mobilier de l’appartement viennois d’un couple de jeunes mariés, les von Terramare, en 1902. La même année, Gustav Klimt peint le portrait de la jeune femme, Gerta. La décoration de marqueterie du mobilier de Moser repose essentiellement sur la forme du carré. Plusieurs pièces de mobilier de cet appartement sont conservées dans des institutions telles que le Victoria & Albert Museum (Londres), le Virginia Museum of Fine Arts (Richmond) et le Badisches Landesmuseum (Karlsruhe).
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TABLEAUX ANCIENS
Intérieur de l’église Santa Maria delle Grazie Maggiore, Caponapoli, Naples (1619), François de Nomé dit Monsù Desiderio, huile sur toile datée, 51 x 71 cm. Galerie Jean-François Heim, Paris
Actif à Naples durant la première moitié du XVIIe siècle, François de Nomé dit Monsù Desiderio a été mis en lumière par André Breton qui le considérait comme un maître de la peinture fantastique et un précurseur du surréalisme. « Il était un peintre de caprices architecturaux et d’intérieurs d’églises, souvent imaginaires et plongés parfois dans un chaos cataclysmique, tremblements de terre ou incendies », résume l’antiquaire parisien Jean-François Heim qui a acquis ce tableau il y a une douzaine d’années à la Tefaf, sur le stand de son confrère munichois Konrad Bernheimer, avant de le racheter récemment à un client. Inspirée de la Renaissance italienne, la décoration de cet intérieur d’église napolitaine a marqué l’artiste. Une série de crânes à droite laisse à penser que ce tableau est aussi une vanité. Intéressera-t-il le Musée du Louvre qui ne possède pas d’œuvre de ce peintre, originaire de Lorraine tout comme son contemporain Georges de La Tour ?
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SCULPTURES
Un ange se pose (1596), Giambologna (Jean de Bologne), bronze. Hauteur : 20,8 cm. Galerie d’Altomani & Sons, Milan
Ce bronze fait partie d’une série de onze statuettes réalisées par le célèbre sculpteur maniériste Giambologna (Jean de Bologne) et fondues par Antonio Susini en 1596 pour le tabernacle eucharistique du monastère Certosa à Galluzzo près de Florence. La série fut enlevée de son lieu d’origine vers 1799, durant l’occupation napoléonienne. Des bronzes sont notamment conservés au Metropolitan Museum of Art de New York (Le Christ ressuscité, Saint Jean et Saint Mathieu) et à la National Gallery d’Australie à Canberra (L’Ange de la Victoire).
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OBJETS D’ART
La Rencontre d’Abraham et Melchisédeq (vers 1560), Jean de Court, Limoges, plat creux décoré d’émaux translucides peints avec des rehauts d’or sur cuivre, portant le monogramme « I.C. ». Diamètre : 26,3 cm. Galerie Kugel, Paris
Ce plat en émail de Limoges de la Renaissance par Jean de Court nous est parvenu dans un état remarquable. La scène, inspirée des vignettes gravées sur bois par Bernard Salomon qui connurent un vif succès au milieu du XVIe siècle, illustre un passage tiré du livre de la Genèse lorsqu’Abram, qui n’est pas encore Abraham, revient d’une expédition militaire organisée contre le roi Kedorloamer pour libérer Loth qui avait été fait prisonnier lors du pillage de Sodome et Gomorrhe. Trois tazze (tasse) au monogramme « I.C. », d’un diamètre et de technique similaires, illustrant des scènes de l’Ancien Testament sont conservées dans les collections de la Walters Art Gallery dans le Maryland. Une autre tazza est conservée à la Frick Collection de New York et une cinquième se trouve à la Wallace Collection à Londres.
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EXPRESSIONNISME ALLEMAND
The Gloaming (Ecce Homo) (1922), George Grosz, aquarelle, encre, calame et crayon sur papier, signé au crayon en bas à droite. Dimensions : 51,6 x 40,4 cm. Provenance : galerie Joseph Billiet (Paris) ; acquis par Adolphe Friedmann en 1924 et resté dans la famille du collectionneur jusqu’à ce jour. Galerie Richard Nagy, Londres
Au début des années 1920, George Grosz réalise une série de dessins en couleurs, Ecce Homo, qui lui vaut une réputation internationale d’artiste politiquement engagé contre l’ordre établi. Après la Première Guerre mondiale, il est le témoin d’une Allemagne démoralisée à laquelle les vainqueurs ont imposé une paix draconienne visant à punir plutôt qu’à reconstruire. Livrant une vision acide du monde qui l’entoure, il croque avec une imagerie marquante sa haine pour le militarisme, le clergé et la bourgeoisie. Ce qu’il saisit dans ce brillant dessin de la critique sociale est aussi ce qui favorisera la montée du régime nazi. Apparaissant alors pour la première fois sur le marché depuis 1924, cette aquarelle avait été adjugée 446 650 euros, le 20 avril 2009 à Paris chez Artcurial.
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ARTS PREMIERS
Figure shamanique, défense de morse « fossilisée » et pyrite, vers 1000 après J.-C., culture de Thulé, Détroit de Béring, Alaska ou Sibérie. Hauteur : 12,3 cm. Galerie Meyer, Paris
La sculpture eskimo dépasse rarement les 10 cm, comme cette figurine qui fait partie des objets qualifiés de « miniature monumentale ». Cette statuette Thulé représente un personnage debout, les mains placées de part et d’autre de son abdomen. Elle a la rare particularité de former un socle avec ses pieds sculptés, ce qui lui permet de tenir debout. Les yeux, la bouche et le nombril sont percés et incrustés d’une pyrite qui a été seulement conservée au niveau du nombril. La tête a des réminiscences de style archaïque Okvik, une culture vieille de 2000 ans. Cette sculpture est probablement à usage rituel shamanique.
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ART MODERNE
Buste de femme (1909), Pablo Picasso, crayon, lavis et encre sur papier, signé en bas à gauche. Dimensions : 62,5 x 47,3 cm. Provenance : galerie Pierre (Paris) ; collection Ross (New York), acquis en 1957 et conservé depuis dans la même famille par descendance. Galerie Patrick Derom, Bruxelles
Ce dessin s’inscrit dans une série d’études et de portraits de femme que Pablo Picasso réalise depuis le début de 1909, pour arriver au cubisme analytique qui changera le cours de l’histoire de l’art moderne. C’est à cette époque que l’influence de Paul Cézanne – que Picasso considérait comme son maître spirituel – se fait le plus sentir. Les dessins, tableaux et sculptures de 1909 témoignent de la mise en pratique de la fameuse phrase de Cézanne : « Traitez la nature par le cylindre, la sphère, le cône, le tout mis en perspective, soit que chaque côté d’un objet, d’un plan, se dirige vers un point central ». Une œuvre similaire, Tête de femme (1909) qui est aujourd’hui conservée au Art Institute de Chicago, reprend le même modèle que celui de ce dessin, dans la même pose, mais en image miroir.
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ART CONTEMPORAIN
Young Shopper (1973), Duane Hanson, résine et fibre de verre, peinture à l’huile, technique mixte et accessoires. Taille humaine. Provenance : ancienne collection Saatchi (Londres). Galerie Van de Weghe Fine Art, New York
Sculpteur américain du courant de l’hyperréalisme, Duane Hanson a créé dès les années 1960 des personnages humains grandeur nature en effectuant des moulages directement sur ses modèles vivants (lifecasting). Elle privilégie la fibre de verre et la résine qui permettent de travailler dans le détail la physionomie de ses personnages qui prennent vie avec une crédibilité toute nouvelle. Hanson respecte la coiffure et les vêtements de ses sujets, avec une volonté permanente de coller à son modèle. L’artiste réussit à parfaire l’illusion de réalité dans ses scènes de la vie quotidienne américaine. Ses œuvres renvoient une image peu flatteuse de la classe moyenne américaine que Hanson critique, comme cette femme faisant ses courses.
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CÉRAMIQUE
Importante paire de vases polychromes, faïence de Delft, Hollande, vers 1700-1720. Hauteur : 49,2 cm. Provenance : collection Mr. & Mrs. Robert Kahn-Sriber (Monaco) ; collection Mr. & Mrs. Edmond Safra (Villefranche-sur-Mer). Aronson Antiquairs, Amsterdam
À la fin du XVIIe siècle, sous le patronage de la reine Marie, les manufactures de Delft développèrent leurs compétences techniques et leur virtuosité dans la production de vases ornés de plusieurs tubulures pour disposer les fleurs coupées. Symboles de pouvoir et de prestige, les plus grands de ces vases furent principalement réalisés pour la cour de Hollande et d’Angleterre sous le règne de la reine Marie II et du roi Guillaume III, comme cette paire monumentale. Bien que ces vases fussent traditionnellement appelés « tulipières », ils étaient en fait garnis de différents types de fleurs coupées.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°364 du 2 mars 2012, avec le titre suivant : Un florilège d’œuvres exceptionnelles