Le secteur culturel, jusque-là très subventionné, va devoir se convertir à la recherche de mécénat.
La mesure sera surtout perceptible à partir de 2013 mais le changement n’en est pas moins radical. Selon les vœux du gouvernement de coalition dirigé par Marke Rutte entre le CDA (chrétiens démocrates) et le VVD (libéraux soutenus par l’extrême droite), la chambre basse du Parlement néerlandais a voté le 27 juin en faveur d’une réduction de 22 % de l’enveloppe allouée à la culture d’ici à 2015. Entre 2010 et 2015, le budget du ministère de la Culture (OCW) aura ainsi perdu 200 millions d’euros, en s’effondrant de 903 millions d’euros (2010) à 704 millions (2015). La mesure a été entérinée le troisième mardi de septembre, lors du vote de la Rijksbegroting, la loi de finances néerlandaise.
La mobilisation du secteur culturel, qui a notamment organisé une « marche de la civilisation », et aussi publié dans la presse internationale un texte paraphé par les grands noms des institutions internationales et de la création contemporaine (parmi lesquels Daniel Birnbaum, Chris Dercon, Adrian Searle mais aussi Daniel Buren ou Liam Gillick), n’y aura rien changé. Même le Conseil de la culture, un organisme indépendant chargé d’aiguiller le ministère de la Culture dans ses grandes orientations, a été désavoué, provoquant la démission de sa présidente, Els Swaab. En avril, un rapport émanant du Conseil avait rendu un avis défavorable sur les mesures envisagées par le secrétaire d’État à la Culture, Halbe Zijlstra, présentées sous le vocable provocateur « Plus de qualité. Une nouvelle vision de la politique culturelle ».
Dans un pays où la culture a toujours été fortement subventionnée, le Conseil préconisait de rendre ces coupes budgétaires plus progressives, mais aussi de mettre davantage à contribution les musées et le patrimoine, secteurs relativement épargnés par ces arbitrages. Els Swaab souhaitait notamment réduire de 26 % les subventions aux musées nationaux d’ici à 2015, dont 15 % dès 2013. La baisse ne devrait finalement pas dépasser 10 %. Mais si les grandes institutions muséales sont relativement épargnées, les plus petits établissements, qui s’appuient déjà souvent sur le bénévolat pour accueillir leurs visiteurs – on dénombre près de 30 000 bénévoles dans les musées néerlandais –, sont fortement touchés, communes et provinces ayant par ailleurs décidé de réduire leurs contributions. Ainsi, le Musée de Breda, privé de 1,5 million d’euros, risque de fermer ses portes. Idem pour le musée des arts graphiques de Groningue dont les subventions provinciales seront supprimées. C’est aussi la fin de l’aventure pour le Musée national historique lancé en 2008, dont les financements ne seront pas reconduits, et qui fermera ses portes dès le 1er janvier 2012.
Logique comptable
Le secteur le plus durement touché par cette cure d’austérité est toutefois celui des arts visuels. Son enveloppe va ainsi fondre de 53,3 à 31 millions d’euros d’ici à 2015. La Fondation Mondrian, fonds national pour les arts visuels et le design – qui produit notamment le pavillon néerlandais lors de la Biennale de Venise – perdra à elle seule 50 % de sa subvention.
Des menaces très fortes pèsent également sur la Rijksakademie et ses programmes de formation et de résidences internationales pour artistes. Seuls six centres d’art seront désormais soutenus par l’État, contre onze auparavant. Les arbitrages du secrétaire d’État à la Culture se sont appuyés sur une étude produite par ses services, établissant pour chaque structure le coût en subventions annuelles par visiteur. En 2009, le taux du prestigieux Centre d’art De Appel (Amsterdam) a ainsi atteint 148 euros, quand il était encore de 43 euros en 2005. Celui du BAK (Basis voor actuele Kunst) d’Utrecht s’est quant à lui envolé de 76 à 345 euros ! Un montant jugé trop élevé par les comptables du ministère, quand le Rijksmuseum, le « Louvre néerlandais », présente un taux de 31 euros par visiteur et le Musée Van Gogh, de 5 euros. Les deux établissements amstellodamois se sont en effet lancés depuis plusieurs années dans la recherche active de mécénat.
Ces données purement comptables auront donc dicté les choix du gouvernement : privilégier le patrimoine à la création. Quitte à enflammer un secteur culturel désormais exhorté à se convertir à la culture du mécénat comme du sponsoring privé, encore très peu développée aux Pays-Bas. Une étude récente de l’université d’Anvers qualifiait ainsi – là encore non sans provocation – les institutions culturelles néerlandaises d’« accro aux subventions ». Le taux moyen de ressources propres, tous secteurs culturels confondus, y serait ainsi de 20 % quand la Grande-Bretagne affiche un taux de 56 %. Une addiction à laquelle le gouvernement a décidé de remédier par un traitement de choc : le sevrage
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Pays-Bas - Rude sevrage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°353 du 23 septembre 2011, avec le titre suivant : Pays-Bas - Rude sevrage