Organisée du 26 au 29 mai à Hongkong, la foire d’art moderne et contemporain, récemment rachetée par Art Basel, a perdu son suc asiatique.
HONGKONG - Jusqu’à présent, Art HK avait été un carrefour de rencontre entre l’Est et l’Ouest. Avant même sa prise en main par Messe Schweiz, l’organisateur d’Art Basel, la foire a perdu son suc asiatique. Alors que le mélange avait été de mise l’an dernier, une bonne partie des galeries locales a été repoussée au premier étage du palais des congrès où se tenait l’événement. La qualité des œuvres y était globalement décevante, bien loin des sections « Best of Artist » et « Best of Discovery » de la première édition de ShContemporary, à Shanghaï en 2007. Certains collectionneurs ne sont toutefois pas repartis bredouilles. Le Suisse Uli Sigg a emporté un grand rouleau de Yang Yongliang à la 18 Gallery (Shanghaï), tandis que l’Australienne Judith Neilson a acquis un papier découpé de Wu Jian’an chez Chambers Fine Art (Pékin).
Ne pas concurrencer Art Basel
La section générale ressemblait pour sa part à un tour de chauffe pour Bâle, mais avec un surcroît de portraits de Mao par Warhol, dont un de 10 mètres de long présenté pour 50 millions de dollars par Bruno Bischofberger (Zurich). Le point de vue est tellement occidental que le prochain rendez-vous de l’événement a fait débat pour ne pas concurrencer Art Basel. Un temps programmé en février 2012 au moment du nouvel an chinois, il vient d’être décalé, en toute discrétion, vers ses dates habituelles, du 17 au 20 mai 2012. Un retour à la raison salutaire, car, en février, « il n’y aurait eu aucun ouvrier chinois pour monter la foire, ni aucun collectionneur chinois pour acheter », selon Lorenzo Rudolf, directeur de la foire Art Stage Singapore, organisée du 12 au 16 janvier 2012. Certes, les Chinois aiment les marques, mais faut-il succomber aussi vite à une telle occidentalisation, et son corollaire, une uniformisation ? On peut aussi se demander si la foire n’a pas grandi trop vite, offrant au bout de quatre ans un parterre de 260 exposants, soit quasi autant qu’Art Basel après quarante ans… Malgré son effervescence, Hongkong n’est pas un eldorado. Beaucoup de participants, comme Thaddaeus Ropac (Paris, Salzbourg) et CFA (Berlin), y ont surtout fait affaire avec des Européens. « Les Chinois n’achètent pas encore véritablement de l’art contemporain occidental », soulignait Géraldine Cosnuau, de la galerie Chancery Lane (Hongkong). Certains ont commencé à s’y mettre, trouvant les artistes occidentaux bon marché à côté de l’envolée vertigineuse de leurs propres créateurs. Jérôme de Noirmont (Paris) a ainsi vendu une pièce de George Condo à un acheteur de Hongkong. Ce dernier s’était récemment défait d’une œuvre de Liu Wei pour plus d’un million de dollars… D’autres participants furent aussi chanceux. Kamel Mennour (Paris) a cédé deux pièces de Tadashi Kawamata à l’artiste chinois superstar Zhang Huan, tandis qu’Emmanuel Perrotin (Paris) s’est d’emblée défait des pièces de Mr. et de Takashi Murakami.
Les exposants des précédentes éditions ont pu capitaliser sur les relations nouées avec des collectionneurs ou conseillers chinois. Marianne Boesky (New York) a ainsi vendu cinq peintures de Barnaby Furnace, dont quatre sur photo avant l’ouverture de la foire à des clients asiatiques rencontrés sur Art HK l’an dernier. « Nous avons suivi pendant un an des cours expliquant le protocole à suivre avec les Chinois et nous avons veillé à indiquer les prix sur les cartels, indiquait Adam Sheffer, directeur de Cheim & Read (New York). Les gens se sentent tout de suite en confiance. »
S’installer dans la durée
Et la confiance paye, puisque la galerie a d’emblée cédé trois dessins de Louise Bourgeois, dont une grande œuvre à des collectionneurs de Chine continentale pour 650 000 dollars. « Le plus dur, c’est de conclure la première affaire, constate le galeriste Édouard Malingue, établi depuis septembre à Hongkong. Une fois que vous avez vendu au premier client, vous vendez à ses amis dans la foulée. Il faut prouver qu’on est là pour longtemps, et pas juste pour faire des affaires et repartir. »
L’esprit d’Ai Weiwei a hanté la foire. La galerie berlinoise neugerriemschneider a ainsi présenté des T-shirts de Rirkrit Tiravanija sur lesquels on pouvait lire en anglais ou en chinois : « Where is Ai Weiwei ? », en référence à l’arrestation de l’artiste dissident chinois en avril à Pékin. Urs Meile (Pékin, Lucerne) s’était même aventuré à présenter une pièce de l’artiste, aussitôt réservée par un collectionneur. En revanche, Lisson (Londres) a fait machine arrière. « Il ne faut pas voir là-dedans une quelconque pression ni une autocensure, affirme Greg Hilty, directeur de la galerie. Nous n’avons aucune pièce disponible d’Ai Weiwei en dehors de notre exposition à Londres. »
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Art HK, occidentalisée
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Abonnez-vous dès 1 €Yang Yongliang, Artificial Wonderland 2, vidéo, 3'30'', courtesy galerie Magda Danysz, Paris/Shanghai.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°349 du 10 juin 2011, avec le titre suivant : Art HK, occidentalisée