Le bureau offert au Musée des années 30 par la société L’Oréal serait de Vibert & Delalonde selon l’expert Florence Camard. Le musée défend son attribution à Ruhlmann.
PARIS - Le bureau Art déco présenté comme celui du fondateur de L’Oréal, Eugène Schueller, et donné en mai dernier par la société L’Oréal au Musée des années 30 de la Ville de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) fait toujours polémique (lire le JdA no 329, 9 juillet 2010, p. 40). L’expert Florence Camard continue à en contester l’attribution à Jacques-Émile Ruhlmann (lire p. 40). Fin juillet, elle a mis à jour une publication d’époque où est photographié ce meuble : la planche no 42 des Ensembles mobiliers édités en 1939, est légendée « Bureau P. Delalonde et Jacques Vibert, décorateurs ». Jacques Vibert était un ex-employé de l’atelier de dessins de Ruhlmann où Pierre Delalonde était lui-même commercial. Ils se sont associés comme décorateurs, après la dissolution des établissements Ruhlmann & Laurent en 1934, pour produire des meubles dans un style ruhlmannien. Pour Florence Camard, « ce document prouve bien que le bureau offert par L’Oréal au Musée des années 30 n’est pas de Ruhlmann ». Étrangement, le cartel du bureau L’Oréal, qui accompagne le meuble exposé au musée, est illustré de cette même photographie, mais sans sa légende. « Cette photographie provient tout simplement de la photocopie d’une photographie ancienne appartenant aux archives de la société L’Oréal, qui nous a été communiquée (cadrée comme telle), par la société L’Oréal », se défend Frédéric Chappey, directeur du Musée des années 30. L’expertise du meuble donné à l’institution avait été confiée par la société L’Oréal au cabinet parisien Gurr Johns. Sa directrice, Véronique Steengracht, affirme ne pas avoir eu connaissance de cette photo, ni de la revue d’époque sur les décorateurs Vibert & Delalonde. Elle pense « remettre tout à plat et faire des recherches plus poussées », afin de déterminer avec certitude l’attribution de ce meuble « dont on a toujours dit chez L’Oréal qu’il était de Ruhlmann ».
Avis divergents
Du côté du musée, on préfère parler d’exécution posthume d’une création de Ruhlmann. « Certains des “anciens employés” de la firme Ruhlmann ont continué à produire des meubles de Ruhlmann réalisés très fidèlement en tous points », soutient Frédéric Chappey. Pour son prédécesseur à la tête de l’établissement de Boulogne-Billancourt et à l’origine du don de L’Oréal, Emmanuel Bréon, « une photo d’“ensemble” intitulée “Bureau”, dans une revue parue en 1939, ne prouve pas que les meubles sont de la main de ceux qui sont indiqués en légende “Décorateurs”. Vous pouvez parfaitement proposer à un client l’aménagement d’une pièce (rideaux, boiseries…) avec des meubles existants ou dont vous avez suggéré l’achat ». Florence Camard rejette complètement cette thèse : « Preuve irréfutable que ce bureau non estampillé ne peut être un modèle de Ruhlmann “posthume”, cet extrait de la lettre envoyée aux clients de son oncle par Alfred Porteneuve en date du 20 juillet 1934, et reproduite p. 394 de mon ouvrage consacré à Jacques-Émile Ruhlmann [éd. Monelle Hayot, 2009], où il se présente comme “Exclusivement autorisé à éditer les créations Ruhlmann sur la documentation originale qui [m’est] confiée”. Est-il concevable que, du vivant de Mme Ruhlmann, exécutrice testamentaire des dispositions prises par son mari [cf. p. 385 du livre sus-cité], deux ex-employés de Ruhlmann aient outrepassé cette exclusivité accordée au neveu du maître, au risque de s’exposer à un procès en propriété artistique ? »
Bureau d'Eugène Schueller, don de L'Oréal au Musée des années 30, à Boulogne-Billancourt © D.R.
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Débat autour du bureau de L’Oréal
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°332 du 8 octobre 2010, avec le titre suivant : Débat autour du bureau de L’Oréal