Conçu par Henri Ciriani, un bâtiment triangulaire de 110 m de côté et 10 m de haut, revêtu de grandes plaques d’Emalit bleu, réunit l’ensemble du patrimoine de l’Arles antique, depuis la fin du néolithique jusqu’à l’Antiquité tardive. 7 400 m2 sont consacrés aux trois missions que s’assigne le musée : conservation, restauration et formation.
ARLES - Près de trente ans auront été nécessaires à Jean-Maurice Rouquette pour achever son grand œuvre : la création d’un musée qui réunisse la globalité du patrimoine antique arlésien. Le Musée de l’Arles antique, inauguré le 25 mars, "n’est pas un musée de la civilisation antique, mais un musée de site", précise le conservateur en chef des Musées d’Arles.
Une différence qui sera immédiatement sensible pour le visiteur, tant le souci de complémentarité entre le nouveau musée et l’antique cité s’impose avec évidence.
Arles, riche de quarante-deux monuments historiques et musées, présente une forte densité de constructions monumentales. Mais l’implantation de ces monuments gallo-romains dans un espace limité s’apparente davantage à une juxtaposition qu’à un continuum. C’est cette compréhension de l’ensemble du patrimoine architectural et urbain hérité de l’Antiquité que le musée se propose avant tout de restituer.
Onze grandes maquettes, au 1/100e pour la plupart, des monuments et des sites de l’Arles antique – le théâtre, l’amphithéâtre, le cirque, le pont des bateaux, le forum et les cryptoportiques… – viennent renforcer les collections autrefois dispersées dans les deux musées lapidaires de la ville, l’ancienne église Sainte-Anne et et celle du collège des Jésuites. Le torse colossal d’Auguste (vers 12-10 avant J.-C.), mesurant plus de trois mètres de haut, mais aussi la copie du Bouclier de Rome (26 avant J.-C.), le buste d’Aphrodite et le Faune en bronze, tous deux du 1er siècle avant J.-C., l’exceptionnelle collection de sarcophages paléochrétiens, unique en France, ou les mosaïques du IIe siècle, mises au jour sur le site de Trinquetaille, sont désormais réunis dans un environnement adapté et lumineux.
Un espace combinant éclairage zénithal et latéral, conçu par l’architecte Henri Ciriani, à qui l’on doit l’Historial de la Grande Guerre à Péronne (Somme). S’opposant à une certaine conception américaine et cyclopéenne du musée, Ciriani, dans la tradition de l’école moderniste française, a choisi un bâtiment en forme de triangle, à l’abri de toute tentation labyrinthique, alliant une compréhension immédiate du cheminement muséographique à une grande fluidité des espaces qui s’enroulent autour d’un patio. Malheureusement situé un peu à l’écart du centre, près d’une bretelle d’autoroute, les abords de l’édifice sont ingrats.
Alors que de larges baies vitrées sont ouvertes le long du Rhône, l’architecte a choisi d’occulter cet environnement en aménageant les équipements scientifiques et culturels à la périphérie des deux autres ailes.
Ces équipements, rendus nécessaires dès lors que le musée s’est trouvé englobé dans un Institut de recherche sur la Provence antique (Irpa), ont porté la surface du bâtiment de 6 000 à 7 400 m2. Cette évolution est en partie liée au financement supplémentaire apporté par le Fonds européen de développement régional (Feder), une subvention égale à un dixième du financement global, lequel s’élève à 180 millions de francs.
Cette "rallonge" était subordonnée à la création d’un Centre européen de formation des guides-conférenciers, qui est venu compléter les autres axes de développement universitaire. En effet, l’Irpa proposera des stages d’applications à l’intention des étudiants en archéologie et des restaurateurs désireux de se perfectionner.
En conséquence, une aile est entièrement équipée pour recevoir les dizaines, voire les centaines, de milliers de numéros habituellement collectés lors d’une campagne de fouilles : quai de déchargement, pont roulant, salles de lavage, de séchage, d’examen, de stockage, et laboratoires de mosaïque et de céramique sont à la disposition des futurs chercheurs. À cette aile "scientifique" correspond une aile "culturelle" qui regroupe les salles d’enseignement, le futur auditorium de 240 places, la bibliothèque…
"Entendons-nous bien, prévient Jean-Maurice Rouquette, nous n’avons pas vocation à concurrencer l’Université. Il s’agit plutôt de partager un savoir-faire de la conservation et de la restauration." Le pari est ambitieux et loin d’être gagné. Claude Sintès, conservateur du Musée de l’Arles antique, attend 100 à 150 000 visiteurs la première année et estime le budget de fonctionnement à 9 millions de francs, soit les deux tiers environ du budget des musées de la Ville.
L’Irpa risque de peser lourd lors des prochaines élections municipales – les Arlésiens sont déjà endettés à hauteur de 14 000 francs par habitant –, même si pour l’économie de la région, le tourisme demeure une des principales sources de profit.
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Le Musée de l’Arles antique : un océan de bleu
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°14 du 1 mai 1995, avec le titre suivant : Le Musée de l’Arles antique : un océan de bleu