Promise en mars par le Quai d’Orsay, la grande réforme du réseau culturel français à l’étranger se heurte à des blocages sur les plans statutaire et humain. Elle risque de se réduire au final à un simple changement de statut pour l’agence CulturesFrance.
PARIS - La montagne accouche-t-elle d’une souris ? Annoncée en mars (lire le JdA n°300, 3 avril 2009, p. 3), la grande réforme du réseau culturel français à l’étranger, dont le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner devrait préciser la teneur lors des Journées du réseau français à l’étranger les 16 et 17 juillet, donnera-t-elle lieu à simple replâtrage ? Le scepticisme quant à une mutation d’envergure est accentué par le départ prochain de deux membres importants de l’équipe de préfiguration de l’agence pour l’action culturelle. Conseillère technique au cabinet de Bernard Kouchner, Victoire Bidegain Di Rosa quittera ses fonctions au début du mois de juillet pour devenir attachée culturelle à Séville. D’après nos informations, Yves Saint-Geours, président de l’établissement public du Grand Palais, devrait être nommé ambassadeur au Brésil. Le Quai d’Orsay affirme que le dossier sera bouclé avant leur départ.
Un poste convoité
Plutôt que la création d’une agence et d’un vrai label unifiant l’offre française à l’étranger, on s’achemine vers une simple transformation de CulturesFrance en établissement public – un changement juridique déjà évoqué à l’époque de Philippe Douste-Blazy. On l’aura compris, le ministère des Affaires étrangères veut garder la main. Encore faudrait-il que ses décisions soient heureuses, ce qui n’est pas toujours le cas. On peut s’étonner du choix de fermer l’ensemble des instituts en Italie au profit d’une simple « délégation culturelle », alors que tout l’intérêt de ces établissements repose sur la diffusion et le contact avec le public local. Le Quai d’Orsay aurait aussi dans sa besace, idée farfelue, la création d’« instituts hors les murs ». L’action diplomatique, et a fortiori culturelle, ne peut toutefois faire l’économie d’une présence physique sur le terrain. L’hypothèse de vendre le bâtiment des services culturels français à New York n’est guère plus pertinente.
Le ministère des Affaires étrangères se trouve donc responsable de missions qu’il ne maîtrise pas nécessairement. Aussi met-il l’accent sur un meilleur ciblage des nominations relativement à une trentaine de postes stratégiques, et surtout, sur une (re)mise à niveau de ses cadres par la mise en place de modules de formation, initiale et continue. En toute logique, CulturesFrance se chargerait de cette mission de formation en partenariat avec le ministère de la Culture. L’opérateur devrait aussi intégrer dans son champ de compétences un programme de promotion de la langue française, et un autre en faveur de la culture scientifique. Son périmètre d’intervention n’est donc que très faiblement élargi. À la refonte du système, le Quai d’Orsay préfère visiblement l’amélioration à doses homéopathiques. La direction de la future agence n’en reste pas moins convoitée, en premier lieu par Olivier Poivre d’Arvor, actuel directeur de CulturesFrance. D’autres noms circulent tels ceux de Jean-Christophe Rufin, écrivain et ambassadeur de France au Sénégal, et de Xavier North, délégué général à la langue française au ministère de la Culture, en outre membre de l’équipe de préfiguration. « Tout le dossier est pollué par des questions de personnes, confie une source autorisée. Personne ne veut donner ce pouvoir à Olivier Poivre d’Arvor, qui défie en permanence les conseillers culturels et n’a pas la confiance du réseau. On se souvient tous de la nomination de Christine Ockrent à la tête de France Monde. Le scénario catastrophe serait de nommer quelqu’un qui ait une dimension personnelle. L’agence a un sens seulement si elle est contrôlée. Il ne faut pas qu’elle parte dans une logique autonomiste comme celle du British Council. »
Ouverture au mécénat
Par ailleurs, l’homogénéisation du réseau achoppe à des difficultés statutaires. Pour l’heure, le ministère des Finances freine la fusion entre les services culturels des ambassades et les instituts français à l’étranger, celle-ci devant aboutir à des « établissements à autonomie financière ». Bercy voit en effet d’un mauvais œil la généralisation de ce statut dont bénéficient déjà cent quarante-huit structures dans le monde. Pourtant il réclame dans le même temps plus d’autofinancement de la part des services culturels. Or seul ce statut juridique permettrait un véritable développement du mécénat, destiné à compenser la baisse chronique des subventions. L’ensemble des établissements à autonomie financière existant actuellement ont d’ailleurs observé une croissance plus rapide de leurs ressources propres.
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Ambitions à la baisse pour le Quai d’Orsay
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°306 du 26 juin 2009, avec le titre suivant : Ambitions à la baisse pour le Quai d’Orsay