Manifestement, Bernard Kouchner n’a pas obtenu tous les arbitrages sur lesquels il comptait. Le 25 mars, sous les lambris du Quai d’Orsay, le ministre des Affaires étrangères a présenté les contours de la réforme de son ministère, précisant, dans ce contexte, qu’il souhaitait donner « plus de lisibilité » à la diplomatie culturelle.
PARIS - Une nouvelle agence, bénéficiant du statut d’établissement public et chargée de coordonner les actions culturelles scientifiques et universitaires, sera donc créée. Mais si, pour l’heure, celle-ci est déjà baptisée « Institut français », beaucoup reste encore à faire pour en déterminer les contours et en entériner la création. Le ministre est en effet resté très évasif, précisant que cette agence ne constituerait pas l’équivalent du British Council, plus autonome, mais qu’elle resterait directement liée au Quai d’Orsay, l’ambassadeur demeurant le personnage clef de l’action extérieure, y compris culturelle.
Mutualisation des moyens
Pour l’heure, seule une mission de préfiguration, dont la liste définitive des membres n’a pas encore été arrêtée, a été lancée. Elle sera constituée d’une vingtaine de personnes (parlementaires, représentants d’autres ministères, acteurs culturels, artistes et spécialistes du marché de l’art), pilotés par un groupe constitué par la garde culturelle rapprochée du ministre (Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne ; Yves Saint-Geours, président du Grand Palais ; Olivier Poivre d’Arvor, directeur de CulturesFrance ; Xavier North, délégué général à la langue française ; et Victoire Bidegain di Rosa, conseillère technique au cabinet du ministre). À charge pour cette mission d’établir des propositions, qui seront présentées lors d’états généraux organisés en juillet 2009. C’est seulement à leur issue que la création de cette nouvelle structure sera proposée. La question de son financement semble en effet poser encore quelques difficultés. Si Bernard Kouchner a déclaré avoir « partiellement obtenu les moyens demandés », avec 40 millions d’euros ajoutés aux 300 millions inscrits au budget 2009, ce dernier accuse toujours une baisse de 20 millions d’euros par rapport à 2008. « Cette somme est compensée par l’augmentation des ressources propres des instituts et centres culturels, lesquelles sont supérieures à 93 millions d’euros pour 2008 », indique-t-on au Quai d’Orsay. Le projet de fusion avec deux autres agences, Campus France et Egide, qui permettrait une mutualisation des moyens, n’a toutefois pas encore été accepté par Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche.
Il fut un temps où les pavillons nationaux des Expositions universelles servaient à mettre en avant la création contemporaine… Aujourd’hui, c’est dans le patrimoine national que la France va puiser pour la représenter, lors de ce qui devrait être, d’après José Frèches, président de la Compagnie française pour l’Exposition universelle de Shanghaï 2010, « l’une des clés de la reprise mondiale ». La Femme à la cafetière de Cézanne, Le Balcon de Manet ou encore L’Angélus de Millet : tels sont donc trois des sept chefs-d’œuvre que le Musée d’Orsay enverra pendant six mois à Shanghaï, en 2010, pour orner les cimaises du pavillon français. Construit par l’architecte Jacques Ferrier, celui-ci aura vocation à accueillir jusqu’à 6 000 personnes par heure. Les quatre artistes nominés pour le prix Marcel-Duchamp 2009 y seront également exposés. Jacques Giès, directeur du Musée Guimet, nous a par ailleurs confié son projet. « Nous souhaiterions prêter des œuvres afin de faire retomber la tension autour de la question du patrimoine chinois, en montrant que ces œuvres ne sont pas toutes le produit d’un vol et qu’elles sont parfaitement conservées dans un musée comme Guimet. » Pour l’heure, seule la diffusion d’une vidéo des collections a en effet été prévue par les organisateurs, dans l’espace partenaires…
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Un « Institut français » encore balbutiant
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Abonnez-vous dès 1 €« À vendre, Payne Whitney Mansion, Upper East Side, New York. ». Verra-t-on un jour ce type d’annonce immobilière émise de la part de l’État français pour céder le bâtiment abritant les services culturels français à New York ? Ce risque semble bien réel puisque, d’après nos informations, le Quai d’Orsay aurait commandé voilà quelques mois une inspection immobilière du bâtiment dans l’éventualité d’une cession. Selon cette hypothèse, les services culturels de l’ambassade de France seraient alors transférés à Washington.
En 2006, la valeur de l’immeuble avait été fixée à 50 millions de dollars. Or, depuis la crise, cette évaluation pourrait être revue à la baisse. Ce d’autant plus que plusieurs mansions, notamment situées sur la Cinquième Avenue, sont actuellement proposées à la vente sans trouver preneur… Une telle stratégie serait suicidaire car, même imparfait, le bâtiment reste une aubaine pour la France qui ne trouverait pas de sitôt un point de chute prestigieux dans Manhattan. « Comment imaginer que la France vende sa vitrine à l’heure où les Pays-Bas cherchent à en acheter une similaire à New York ? Ce serait un comble ! », fulmine un observateur. Transférer les services culturels à Washington, siège politique mais non culturel des États-Unis, serait une véritable hérésie. New York reste la ville où se tissent les réseaux artistiques, même si les lobbies politiques siègent au Capitole. Pour l’heure, le plan serait suspendu, aucune décision n’étant prise avant le projet de loi lié à la réforme du réseau culturel français à l’étranger et à la mise en place de la future agence.
Roxana Azimi
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°300 du 3 avril 2009, avec le titre suivant : Un « Institut français » encore balbutiant