États-Unis - Art contemporain

DESIGN

Shepard Fairey, graphique Barack

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 15 avril 2009 - 588 mots

L’an passé, l’image a fait le tour du monde : une affiche rouge, bleue et blanche arborant un visage, celui de Barack Obama, alors candidat démocrate à l’élection présidentielle des États-Unis, et un mot : Hope (« Espoir »). Longtemps on crut à une affiche officielle, alors qu’elle est l’œuvre d’une figure incontournable du Street Art, le graphiste Shepard Fairey, fondateur en 2003 de l’agence de design Studio Number One, à Los Angeles.

Né en 1970 à Charleston (Caroline du Sud), Shepard Fairey est diplômé de la Rhode Island School of Design de Providence. À l’époque, pour financer ses études, il travaille dans un Skate Shop où il se révèle un as du piratage graphique : posters, pochoirs et faux tee-shirts de groupes de rock. À partir de 1989, Fairey s’illustre à travers une campagne d’affichage intitulée « Obey » (« Obéis ! »). Une affiche en particulier marque les esprits : elle représente le visage stylisé d’un catcheur français, André Roussimoff, venu faire carrière aux États-Unis sous le pseudonyme d’« André The Giant ». Le dessin, en noir, rouge et blanc, est sobre et percutant. Ses trois couleurs – des nuances très prisées par la propagande (chinoise, russe, cubaine…) – deviendront la marque de fabrique de Fairey. Pour le fameux « poster Obama », Fairey s’est inspiré d’une photographie glanée sur Internet et a, pour l’occasion, troqué le noir contre un bleu plus doux qui sied mieux à la pose lisse d’Obama. Lors de la campagne électorale, l’affiche a jailli à tous les coins de rue.
Œuvrer dans l’espace public n’est pas toujours de tout repos. Le 6 février à Boston, alors que Shepard Fairey devait inaugurer une rétrospective de son œuvre à l’Institute of Contemporary Art (1), la police l’a arrêté pour… « vandalisme ». Le 11 mars, toujours à Boston, Fairey a plaidé non coupable au tribunal municipal. Sa défense : l’espace public ne devrait pas être uniquement rempli de publicités commerciales. Autre duel en vue pour le graphiste : l’agence d’informations américaine Associated Press l’accuse d’avoir utilisé pour l’affiche Obama un cliché pris par son photographe Mannie Garcia et réclame des droits d’auteur. Selon l’avocat de Fairey, ce dernier utilise la photographie seulement comme une référence et la transforme en une « image visuelle stupéfiante, abstraite et idéalisée qui crée une nouvelle signification puissante et transmet un message radicalement différent » de celui véhiculé par le cliché de Garcia. Ladite image est en tout état de cause aujourd’hui une icône. En décembre 2008, le magazine américain Time a fait la « Une » de son traditionnel numéro « Personnalité de l’année » avec un portrait d’Obama dessiné par… Shepard Fairey. Le 17 janvier, trois jours avant que Barack Obama ne devienne officiellement le 44e président des États-Unis, un collage de Fairey dans le style du fameux « poster » a été acquis par la National Portrait Gallery de Washington. Enfin, le 18 mars, au Royaume-Uni, le graphiste a été élu « Designer de l’année 2009 » par un jury réuni au Design Museum de Londres (2). Avis des jurés : « Cette affiche a fait souffler un air nouveau dans un domaine qui avait jusqu’alors perdu de son propos. Mais surtout, elle a su résumer l’humeur de son temps. » L’art de la rue a encore de beaux jours devant lui.

(1) « Shepard Fairey : Supply and Demand », jusqu’au 16 août, The Institute of Contemporary Art, Boston (Massachusetts).
(2) « Design Awards 2009 », jusqu’au 14 juin, Design Museum, Shad Thames, Londres.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°301 du 17 avril 2009, avec le titre suivant : Shepard Fairey

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