Les musées peuvent-ils lutter contre le grand banditisme ? Le vol spectaculaire d’un Cézanne et des deux seuls Van Gogh appartenant à une collection publique italienne, à la Galerie nationale d’art moderne de Rome, vient de démontrer leur impuissance et leur fragilité.
ROME - Un spectaculaire vol de tableaux, au cours duquel ont été dérobés Le jardinier et L’Arlésienne, portrait de Madame Ginoux, par Van Gogh, ainsi que Le cabanon de Jourdan de Cézanne, a été perpétré, le 19 mai à la Galerie nationale d’art moderne de Rome. “Les tableaux ont disparu d’une façon tout à fait inhabituelle. Il ne s’agit pas d’un simple larcin, comme il s’en commet dans tous les musées du monde, y compris au Louvre récemment, mais d’un vol à main armée, a déclaré le ministre de la Culture Walter Veltroni. La façon dont les trois voleurs ont procédé démontre que ce sont des professionnels”. Il a aussitôt montré du doigt “la grande criminalité”, en rappelant que le seul précédent pour vol de tableau – un Vélasquez – avait été commis en 1992 par le chef de la Mafia en Vénétie, Felice Manieri. Les carabiniers chargés de l’enquête examinent actuellement le sérieux de deux revendications téléphoniques.
Un butin de 200 millions
Les trois œuvres, d’une valeur totale d’environ 200 millions de francs, ont été emportées après la fermeture du musée, vers 22h15. Trois hommes masqués, probablement entrés avec les derniers visiteurs, ont rapidement neutralisé les trois jeunes femmes composant l’équipe nocturne de surveillance. Sous la contrainte, elles ont débranché le système d’alarme, avant d’être ligotées et bâillonnées dans les toilettes. Les voleurs se sont également emparés de la caisse, de la cassette de vidéosurveillance et des “cartes d’identité des trois surveillantes, afin de pouvoir les menacer”, a révélé le préfet de Rome, Antonio Pagnozzi, qui y voit une preuve supplémentaire de leur “professionnalisme”. “Les bandits avaient une parfaite connaissance des lieux et une meilleure connaissance que nous du système d’alarme”, affirme la directrice de la Galerie, Sandra Pinto. Ils savaient qu’il n’était pas relié à un commissariat. De toute façon, aucun système de sécurité ne peut lutter contre le crime organisé. Celui-ci avait déjà montré sa détermination et son efficacité en 1990, avec le vol de onze tableaux majeurs au Musée Isabella Stewart Gardner, à Boston (lire le JdA n° 48, 21 novembre 1997).
“Mon impression est qu’ils ont agi sur commission parce qu’ils sont allés directement dans la salle des tableaux, en négligeant un Monet et un Degas qui étaient à côté”, estime Sandra Pinto. Ces œuvres sont certes “connues de tous et donc invendables”, pour reprendre ses termes, mais les commanditaires ne chercheront pas nécessairement à les revendre. Contrairement aux voleurs de Boston, qui négocieraient actuellement la restitution des œuvres dérobées, avouant ainsi leur incapacité à s’en débarrasser.
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Vol sur commande à Rome : deux Van Gogh, un Cézanne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°62 du 5 juin 1998, avec le titre suivant : Vol sur commande à Rome : deux Van Gogh, un Cézanne