Berlin recentre ses collections

La Gemäldegalerie rouvre au Kulturforum

Le Journal des Arts

Le 8 juillet 1998 - 648 mots

L’événement phare, cet été à Berlin, est la réouverture de la Gemäldegalerie. Cette très belle collection de tableaux anciens, jusqu’alors dispersée, vient d’être rassemblée dans un nouveau bâtiment au Kulturforum, aux côtés de la Neue Nationalgalerie, du Musée des arts appliqués, du Cabinet des arts graphiques, de la Bibliothèque d’art et de la Philharmonie. Grâce à sa position centrale et à son extraordinaire concentration de monuments et de musées, ce complexe culturel devient le rendez-vous obligé des amateurs d’art.

L’installation des collections de la Gemäldegalerie dans un bâtiment unique, situé au cœur de Berlin, vient symboliquement couronner la réunification allemande. Après la Seconde Guerre mondiale, les tableaux qui se trouvaient à Berlin-Est sont restés sur l’île des Musées, alors que ceux qui avaient été cachés dans les mines de Thuringe, découverts par les troupes d’Eisenhower, ont été acheminés dans le quartier de Dahlem, à Berlin-Ouest. Au cours des années soixante, les 1 600 peintures récupérées dans ce secteur ont rejoint les cimaises du Musée de Dahlem, spécialement construit pour rivaliser avec Berlin-Est.

Après 1989, la réunification a donné lieu à un débat passionné : certains souhaitaient que la Gelmäldegalerie retourne sur l’île des Musées, alors que d’autres – et particulièrement Wolf Dieter Dube, directeur général des Musées d’État de Berlin – défendaient le site du Kulturforum. C’est ce dernier projet qui a été retenu, pour des raisons d’espace.

À nouveau riche de ses quelque 2 700 peintures européennes du XIIIe au début du XIXe siècle, la Gemäldegalerie retrouve sa vocation d’origine : elle fut fondée en 1828 par Frédéric-Guillaume III, afin de présenter une histoire de l’art occidental, conformément aux idéaux humanistes de l’époque. Des œuvres antérieures à 1500, comme la Madone dans l’église de Jan van Eyck et le Portrait d’une dame par Petrus Christus, ont été achetées dans cet esprit encyclopédique, alors même qu’elles n’étaient pas encore appréciées.

De 1890 à 1929, la collection, considérablement développée sous la direction de Wilhem von Bode, a atteint une renommée internationale. Ses points forts sont les Primitifs et les artistes allemands et flamands de la Renaissance, le Quattrocento et le Cinquecento italiens, le XVIIe siècle hollandais et flamand. À côté d’œuvres de Dürer, Cranach l’Ancien, Hans Holbein le Jeune, Botticelli, Raphaël, Titien, Rubens, Rembrandt ou Frans Hals, figurent également L’Amour victorieux du Caravage, l’un des deux Autoportrait de Poussin, ainsi que de beaux ensembles du XVIIIe siècle, de Watteau à Reynolds, en passant par Canaletto et Tiepolo.

Sobriété et luminosité
Au total, 1 300 tableaux sont exposés dans les nouveaux locaux de la Gemäldegalerie, conçus par Heinz Hilmer et Christoph Sattler. Le chantier aura duré six ans et coûté 285 millions de deutschemarks (près de 1 milliard de francs).

Une galerie, disposée en forme de U autour d’un vaste atrium et entourée d’une série de petits cabinets, accueille sur 5 800 m2 les neuf cents plus belles pièces de la collection. L’éclairage y est entièrement naturel, le jeu du soleil et des nuages faisant partie intégrante du décor des 53 salles parquetées, aux murs tendus de velours rouge, bleu-vert et gris. Il est possible d’accéder à n’importe quelle salle depuis l’atrium, dont les colonnes, la fontaine et les murs blancs évoquent un cloître. À l’étage inférieur, un espace complémentaire de 1 500 m2 est consacré à 400 peintures de moindre importance.

Loin des constructions spectaculaires de ces dernières années, comme le Musée Guggenheim de Bilbao par Frank O. Gehry, les architectes ont voulu réaliser un bâtiment discret, qui laisse la vedette aux tableaux. Il leur fallait en outre s’adapter et se fondre au site exceptionnel du Kulturforum, conçu en 1964 par l’ancien élève du Bauhaus Hans Scharoun et émaillé de monuments architecturaux révolutionnaires, tels le cube de verre au toit plat de la Neue Nationalgalerie dû à Mies van der Rohe ou encore la Philharmonie de Hans Scharoun.

Gemäldegalerie, Mattaïkirchplatz, Berlin, tél. 49 30 266 2102, tlj sauf lundi 10h-18h.

À voir

ARNOLD BÖCKLIN, GIORGIO DE CHIRICO, MAX ERNST, jusqu’au 9 août, Neue Nationalgalerie, Potsdamerstraße 50, tél. 49 30 266 26 62, tlj sauf lundi 10h-20h, le week-end 11h-20h.Chirico et Max Ernst n’ont jamais caché leur admiration pour la technique et la thématique symboliste du peintre suisse Böcklin. L’exposition, venue de Zurich, confronte l’œuvre des trois artistes.
LYONEL FEININGER, jusqu’au 11 octobre, Neue Nationalgalerie.De ses débuts comme caricaturiste à Berlin au New York de l’après-guerre où il développe son style linéaire abstrait, en passant par le Cubisme à Paris et le Bauhaus à Weimar, cette rétrospective présente quelque 130 tableaux de Feininger, parmi lesquels figurent la plupart de ses chefs-d’œuvre, comme les séries Manhattan, et de nombreux inédits.
DÜRER, HOLBEIN, GRÜNEWALD, jusqu’au 23 août, Kupferstichkabinett, Matthaïkirchplatz 4, tél. 49 30 266 20 01, tlj sauf lundi 9h-17h. Le dessin allemand gagne ses lettres de noblesse au tournant des XVe et XVIe siècles. Outre les chefs-d’œuvre d’Holbein le Jeune, Dürer et Grünewald, cette période est illustrée par 180 travaux d’une vingtaine de maîtres allemands et suisses, d’Albrecht Altdorfer à Baldung Grien.
ILYA KABAKOV, “TREATMENTS WITH MEMORIES�?, jusqu’au 30 août, Hamburger Bahnhof, Invalidenstraße 50-51, tél. 49 30 39 78 34 11, tlj sauf lundi 10h-18h, week-end 11h-18h.Poursuivant leur travail sur l’installation totale qui met en exergue certains aspects sociaux ou politiques de notre monde en faisant appel à l’expérience personnelle du public, Ilya et Emilia Kabakov ont recréé sur six salles l’architecture, le mobilier et l’ambiance d’un hôpital russe.
KUNSTHALLE, Chausseestr.119/120, tél. 49 30 283 85 278, tlj sauf lundi et dimanche, 12h-18h ; vendredi et samedi, 12h-20h.Il manquait à Berlin un centre d’art contemporain. Un groupe de galeristes, de conservateurs, de critiques et d’architectes vient de créer une kunsthalle dans un supermarché désaffecté du centre-ville, malheureusement voué à la démolition en octobre. Au programme de ce trop court été : Isa Genzken, Albert Oehlen, Martha Rosler, Zobernig et des représentants de la génération des années quatre-vingt-dix.
NOUVELLES ANTIQUITÉS DANS L’ANCIEN MUSÉE, Alte Museum, Preußischer Kulturbesitz, Bodestraße 1-3, tél. 49 30 20 90 50, tlj sauf lundi 10h-18h.La collection Bellori d’antiquités grecques et romaines de Berlin, constituée il y a trois cents ans, a connu un sort comparable à celui de la Gemäldegalerie. Divisée en deux après 1945, elle vient de regagner intégralement son établissement d’origine, dû à l’architecte néoclassique Schinkel : l’Alte Museum.

À lire

Henning Bock, La galerie de peinture de Berlin, RMN-Le Seuil, 128 p., 170 ill. couleurs, 150 F., ISBN 2-7118-3601-0.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Berlin recentre ses collections

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