Développés en 1982 à l’initiative du ministère de la Culture, mais fondés sur une coopération entre État et Régions, les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) se sont affirmés comme les fers de lance de la diffusion de l’art contemporain en France, tout en constituant un patrimoine artistique unique.
PARIS - Ce patrimoine sera particulièrement mis en exergue par “Trésors publics”, la série d’expositions centrale des vingt ans des FRAC organisée par la délégation aux Arts plastiques (DAP). Répartie entre Strasbourg, Nantes, Avignon et Arles, “la plus importante manifestation d’art contemporain jamais réalisée en France”, selon ses commissaires, réunira près de 1 000 œuvres. L’objet, l’intime, la peinture ou le rapport avec l’architecture et le cinéma figurent parmi les thèmes abordés dans ce panorama de la création des trente dernières années. Parallèlement, les vingt-deux FRAC proposent avec “Détours de France” une série d’événements autour de leurs missions et de leur identité, afin de mieux mettre en lumière les singularités de chacun. En conclusion à cet anniversaire, les journées professionnelles qui se dérouleront les 3 et 4 octobre à Sélestat (Alsace) aborderont le futur des FRAC. Alors que le gouvernement fait de la décentralisation un des axes de sa politique, ces institutions qui doivent régulièrement faire face aux dérives du régionalisme pourraient être prises dans le mouvement. L’abandon du statut associatif au profit de celui d’“établissement public de coopération culturelle” est ainsi envisagé par le ministère de la Culture, qui entend expérimenter un transfert de compétences au bénéfice des Régions qui en feraient la demande.
Même du haut de leurs vingt ans, les FRAC n’échappent pas au contrôle parental. Développées à partir de 1982 par Jack Lang sur le principe d’une participation croisée entre l’État et la Région, les structures soufflent leurs vingt bougies en garde partagée. Un temps pensée pour la capitale, la grande exposition estivale construite à partir de leurs collections se tiendra finalement en province, mais sera pilotée de Paris sous la direction de Bernard Blistène, inspecteur général à la délégation aux Arts plastiques (DAP), et d’Ami Barak, ancien directeur du FRAC Languedoc-Roussillon. Sous le titre sonnant et trébuchant de “Trésors publics”, la manifestation déploiera à Nantes, Strasbourg, Avignon et Arles quelque 1 000 œuvres (dans leur totalité, les collections des FRAC recensent environ 15 000 pièces) réparties dans une série d’expositions accueillies par des lieux culturels locaux et parfois, comme à Arles (les entrepôts SNCF) ou à Strasbourg (la villa Greinier, futur “Musée Tomi-Ungerer”), dans des bâtiments habituellement clos. En partie dictée par les flux touristiques, la sélection des sites obéit également à ce que le ministre de la Culture nomme avec insistance un “choix équilibré”. “J’ai tenu, a déclaré Jean-Jacques Aillagon le 3 avril, que soient concernées deux municipalités appartenant à l’actuelle majorité nationale, Strasbourg et Avignon, et deux municipalités dirigées par l’actuelle opposition, Nantes et Arles”. Trois ans après les tensions suscitées par la manifestation “La Beauté” (lire le JdA n° 118, 5 janvier 2001), l’art contemporain fait donc son retour à Avignon au palais des Papes sous le titre d’“Esprits des lieux”. Les autres expositions porteront, elles, un regard sur la création contemporaine à travers quelques-unes de ses grandes thématiques : l’intime, art et architecture, art et cinéma mais aussi l’objet.
Déménagement impératif
Initié par les directeurs de FRAC, qui ne souhaitaient pas voir leur participation cantonnée au seul prêt de leurs chefs-d’œuvre, “Détours de France” constituera, à partir de mai, le second volet de ces vingt ans. Dans les régions, les FRAC ne proposeront pas moins de deux cents événements propres à resituer la collection de chacun au sein de missions et d’identités spécifiques. Dernier temps, les journées professionnelles qui se tiendront à Sélestat (Alsace) les 3 et 4 octobre et se concluront par la rédaction d’un livre blanc. “Le premier enjeu est de mesurer et de faire connaître l’ampleur et le niveau de ce qui a été fait, estime Martin Bethenod, délégué aux Arts plastiques. S’engager dans la célébration d’un anniversaire est aussi l’occasion de poser les bases d’un nouveau départ, à la fois statutaire et immobilier.” Ce dernier volet constituera effectivement le principal enjeu du développement des FRAC dans les années à venir. La croissance de leurs collections rend aujourd’hui impératif le déménagement de nombre d’entre eux vers des lieux plus adaptés en termes de conservation et d’exposition. L’incendie qui a détruit les deux tiers de la collection du FRAC Corse en novembre 2001 (lire le JdA n° 137, 23 novembre 2001) a malheureusement démontré l’urgence de ces mesures. Après le FRAC Pays-de-la-Loire et son bâtiment de Carquefou, inauguré en 2000, le FRAC Lorraine s’installera début 2004 dans l’hôtel Saint-Livier à Metz. Le FRAC Poitou-Charentes (à Angoulême), le FRAC Auvergne (à Clermont-Ferrand), le FRAC Provence-Alpes-Côte-d’Azur, le FRAC Picardie et le FRAC Bretagne nourrissent des projets similaires. Le FRAC Aquitaine, qui a longtemps travaillé sans espace d’exposition propre, prévoit, pour sa part, une première installation “provisoire” à Bordeaux avant la fin de l’année, prélude au lancement d’un chantier dans un site d’Aquitaine qui devrait être défini avant l’été.
La question statutaire est, elle, au cœur des préoccupations du ministère. La Rue de Valois entend expérimenter rapidement la création d’“établissements publics de coopération culturelle” pour se substituer aux actuelles associations loi 1901, qui gèrent les FRAC dans leur majorité. La modification impliquerait dans le même temps la redéfinition des compétences de l’État et de la Région. Lors de son discours sur la décentralisation prononcé le 22 février à Rouen, Jean-Pierre Raffarin avait d’ailleurs pris de court le ministère en proposant une délégation des responsabilités au bénéfice des conseils régionaux. “Cela ne signifie pas un retrait de l’État, ni en terme budgétaire, ni dans son rôle d’arbitre qui fait respecter la règle du jeu”, a tenu à préciser Jean-Jacques Aillagon, vraisemblablement conscient des craintes soulevées par les dérives régionalistes qui se sont multipliées lors des vingt premières années de vie des FRAC. Le Poitou-Charentes, fief du Premier ministre, tout comme l’Auvergne, région présidée par Valéry Giscard d’Estaing (également président du FRAC Auvergne), se sont déjà portés candidats par la voix de leurs présidents de Région à l’expérimentation, même si ceux-ci n’ont encore fait part d’aucune orientation précise à ce sujet.
Développés sous l’impulsion de Jack Lang à partir de 1982, les FRAC sont aujourd’hui au nombre de vingt-deux, même si certains d’entre eux se sont depuis liés à d’autres institutions (le FRAC Rhône-Alpes avec l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne, le FRAC Midi-Pyrénées avec les Abattoirs de Toulouse). Dans leur majorité financées à parité par l’État et la Région, ces structures ont pour charge la diffusion de l’art contemporain sur l’ensemble du territoire qu’elles couvrent. Axée autour d’une collection pour laquelle les budgets d’acquisition annuels varient entre 75 000 et 160 000 euros, cette mission s’effectue par le biais d’expositions, d’éditions et d’un important volet pédagogique.
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Frac : l’été de leurs vingt ans
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°169 du 18 avril 2003, avec le titre suivant : FRAC : l’été de leurs vingt ans