Les premières antiquités volées au Musée archéologique national de Bagdad ont fait leur apparition sur le marché international. Quatre saisies auraient eu lieu aux États-Unis et en Europe – deux à New York, une à Rome et une quatrième dans un lieu tenu secret. Les policiers et les douaniers tentent de retracer l’itinéraire de ces antiquités dont la plupart ont transité par Londres.
LONDRES - Quelques semaines après la mise à sac du musée de Bagdad et le scandale international qui s’en est suivi (lire le JdA n° 170, 2 mai 2003), les premières antiquités volées ont fait, sans surprise, leur apparition sur le marché. Si plusieurs saisies ont eu lieu en Europe et aux États-Unis, une seule a été médiatisée. Elle concerne l’arrestation, le 8 août, de l’écrivain américain Joseph Braude, de retour d’un séjour à l’étranger. Celui-ci avait déjà été intercepté par la douane de New York le 11 juin. Il transportait trois sceaux cylindriques marqués chacun “IM” (Musée d’Irak) suivi d’un numéro d’inventaire. Joseph Braude est soupçonné de les avoir achetés à Bagdad pour 200 dollars (185 euros). Il risque d’être poursuivi pour contrebande devant un tribunal fédéral. Joseph Braude est l’auteur d’un livre sur la reconstruction de l’Irak, The New Iraq : rebuilding the country for its people, the Middle East and the world (Le Nouvel Irak : reconstruire le pays pour les Irakiens), qui sortira en France en janvier 2004 chez Basic Books.
“C’est comme une enquête sur un trafic de drogue”
Une autre saisie, d’une ampleur bien plus importante, aurait eu lieu à l’aéroport de New York au mois de juin. Les détails n’ont pas été rendus publics pour préserver le secret de l’enquête, mais il est question de plus de six cents petits objets, tels des sceaux cylindriques et des bijoux, qui proviennent probablement des réserves souterraines du musée. Ces pièces auraient transité par Londres. La douane et la police britanniques ont apporté leur soutien aux enquêteurs américains. Une troisième saisie a eu lieu à Rome ; le butin comprenait des sceaux cylindriques. Aucune information n’a filtré sur la quatrième saisie. En tout, environ 675 objets sur les 3 400 estimés perdus (lire l’encadré) ont été retrouvés après ces quatre opérations.
Le colonel Matthew Bogdanos, un Américain en charge de l’enquête sur le pillage, a déclaré lors d’une conférence au British Museum à Londres en juillet que “le Royaume-Uni et les États-Unis dispose[raient] d’acheteurs”. Les antiquités volées seraient donc susceptibles d’être retrouvées dans ces pays ; l’Italie, la Russie, le Japon, la Jordanie et la Syrie sont également impliqués. Chaque saisie est analysée : “C’est comme une enquête sur un trafic de drogue, vous laissez le coursier faire sa livraison, de cette manière vous avez au moins deux personnes que vous pouvez menacer de poursuites judiciaires – et vous trouvez où le coursier a obtenu sa marchandise.”
Parallèlement, une troisième réunion de l’Unesco sur l’Irak s’est tenue à Tokyo, les 1er et 2 août. Trente experts y ont débattu de l’aide à apporter aux musées et aux sites archéologiques irakiens. Le Comité international de coordination pour la sauvegarde du patrimoine culturel de l’Irak a été investi du rôle de liaison entre le British Museum de Londres et le musée de Bagdad.
Une exposition controversée
Outre-Atlantique, la polémique a accompagné l’annonce d’une série d’expositions à travers les États-Unis réunissant les plus beaux trésors irakiens. Le mois dernier, Pietro Cordone, chargé de la culture au sein de l’administration de la coalition, expliquait : “Nous travaillons sur une exposition itinérante, qui sera inaugurée aux États-Unis d’ici six à huit mois.” Les prêts pourraient comprendre le trésor de Nimroud et le vase de Warka, retrouvé en juin. Malgré l’appui de la National Geographic Society, qui serait à l’origine du projet, l’envoi de ces antiquités aux États-Unis reste particulièrement controversé au moment où l’Irak n’est toujours dirigé par un gouvernement démocratique.
Au mois de juillet, lors d’une conférence au British Museum de Londres, le colonel Matthew Bogdanos, responsable de l’enquête sur le pillage du musée de Bagdad, estimait à 13 000 le nombre d’objets disparus. C’était compter sans l’organisation et la discrétion de la directrice du musée, Selma Nawala Mutawalli. Avec l’aide d’un assistant, celle-ci avait, avant le début du conflit, emmuré 8 000 pièces protégées dans des caisses en zinc dans le sous-sol du musée. Usant de sa grande diplomatie, Pietro Cordone, responsable de la culture au sein de l’administration provisoire en Irak, a réussi à obtenir ces informations de la directrice, qui avait juré sur le Coran de ne pas révéler son secret. M. M.
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Irak, le trafic s’organise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°176 du 12 septembre 2003, avec le titre suivant : Irak, le trafic s’organise