Dans la section principale, les galeries présentent leurs plus belles pièces. Des pièces historiques, très souvent, mais aussi des œuvres tout droit sorties de l’atelier.
Bâle. Véritable Graal, l’accès à Art Basel, et plus encore peut-être à sa section principale (226 enseignes cette année), constitue une étape importante dans la vie d’une galerie. Après plusieurs participations dans le cadre de « Feature » et « Statements », vient l’heure d’entrer dans la section principale, « Galleries », qui résonne pour beaucoup comme une forme de consécration.
Pratiquement toutes les galeries reviennent d’une année sur l’autre. Cette année enregistre un unique départ : celui de Micheline Szwajcer (Anvers), qui a fermé sa galerie en 2009 après plus de trente années de bons et loyaux service. Et un retour : celui d’Edward Tyler Nahem Fine Art (New York). Quant aux nouveaux venus dans la section, ils sont au nombre de 13, parmi lesquels Canada et Di Donna (tous deux new-yorkais), qui n’ont jamais participé à Art Basel et qui entrent directement dans « Galleries ». À ces enseignes s’ajoutent revenants, passés par les sections « Feature » et « Statements » mais qui étaient absents l’an dernier, parmi lesquels la Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois (Paris), Pilar Corrias (Londres), Dépendance (Bruxelles) et six galeries qui exposaient en 2016 à « Feature » et « Statements », à l’instar de Tornabuoni Art (Paris).
« Nous sommes dans une époque volatile et il est intéressant d’observer que, de ce fait, les galeries font plus d’effort encore pour apporter le meilleur de leurs œuvres sur les foires. Les stands gagnent en qualité par rapport à une époque où le marché était moins incertain », souligne Marc Spiegler, le directeur de la foire. Et plus encore à Art Basel, pour laquelle les galeries réservent leurs plus belles pièces, réussissant même parfois à convaincre les artistes de leur fournir des pièces dont ceux-ci n’ont jamais voulu se défaire, ainsi de Jocelyn Wolff avec Franz Erhard Walther (Lion d’or du meilleur artiste du pavillon international de la Biennale de Venise 2017), de Sieben Papierblocken in Kassetten. Autour de cette pièce majeure et d’autres des années 1960 gravitent des œuvres récentes de l’artiste allemand ainsi qu’une sculpture d’Hans Schabus et une peinture intitulée Résistance d’Élodie Seguin réalisées cette année.
Des pièces millésimées 2017
L’écho de la Biennale de Venise se fait entendre sur de nombreux autres stands. On retrouve à la galerie Isabella Bortolozzi (Berlin) la jeune artiste allemande Anne Imhof, Lion d’or du meilleur pavillon qui a défrayé la chronique, avec une grande peinture récente ainsi que deux panneaux déchirés. Zenox (Anvers) présente Dirk Braeckman, dont on peut contempler le travail photographique dans le pavillon belge. Le représentant des États-Unis, Mark Bradford, expose quant à lui chez Hauser & Wirth, tandis qu’Erwin Wurm, pavillon autrichien, occupe le stand de Cristina Guerra (Lisbonne), mais aussi celui de Lehmann Maupin (New York) et de Thaddaeus Ropac (Paris).
Sont également présentés plusieurs artistes de l’exposition du pavillon international de la Biennale, « Viva Arte Viva ». C’est le cas de Michel Blazy qui a imaginé pour le stand d’Art : Concept (Paris) une autre installation de chaussures envahies par la nature, ainsi qu’un aquarium dans lequel il a plongé une tongue. L’installation du jeune Petrit Halilaj (Kosovo), Do you realise there is a rainbow even if it’s night ! ?, qui lui a valu la mention spéciale du jury de la Biennale de Venise, est à voir chez Kamel Mennour (Paris, Londres). Le travail souvent drôle et poétique, parfois proche de la dérive situationniste, du Japonais Shimabuku prend place sur le stand d’Air de Paris (Paris) en compagnie d’une installation de Leonor Antunes et de dix petites huiles sur toile du Belge Jef Geys. La Galerie Lelong (Paris) met quant à elle à l’honneur une grande peinture de McArthur Binion, artiste afro-américain, ainsi qu’une pièce en bronze de Kiki Smith qui revisite l’histoire biblique d’Ève et du serpent.
Liées ou non à l’actualité vénitienne ou à celle de la Documenta de Cassel, ce sont souvent des pièces millésimées 2017 et inédites qui sont dévoilées à Art Basel. C’est ainsi que l’on découvre chez Chantal Crousel (Paris) une œuvre issue du dernier travail de Rirkrit Tiravanija. Ce travail a pour point de départ les « Une » de Libération parues au cours de la période électorale française qui vient de s’achever. « Un odieux parfum de vérité », peut-on lire sur l’une de ces pages, texte peint par l’artiste. « Nous traversons une période d’instabilité. Nos démocraties sont mises à l’épreuve et les équilibres mondiaux se réajustent. C’est de ce climat que se nourrissent plus ou moins directement les artistes », souligne Niklas Svennung de la galerie Crousel qui propose aussi des œuvres moins politiques. Ainsi de la sculpture de Jean-Luc Moulène au titre évocateur The Body, qui se joue des parallèles entre le corps féminin et les courbes des voitures, ou d’un tableau de Wade Guyton qui poursuit ses explorations abyssales sur ce qui fait image, à partir d’une réflexion sur le « bitmap » [image constituée d’une matrice de points colorés, NDLR].
À découvrir aussi chez gb agency (Paris) : les peintures à la fois tourmentées et pleines d’humour de l’artiste grec Apostolos Georgiou. Dans un autre registre, il est possible d’acquérir une impressionnante sculpture de Ryan Gander inspirée par l’œuvre de Theo Van Doesburg et réalisée à partir d’une table Ikea en différentes couleurs. On a pu admirer cette pièce au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg dans le cadre de l’exposition « Hétérotopies ».
Mehdi Chouakri (Berlin) opte, lui, pour un « stand construit de manière organique autour de la sculpture au sens large », en mixant une œuvre de Saâdane Afif élaborée à partir du ready-made Fontaine de Duchamp, un tableau monochrome de N. Dash qui tend à devenir un relief ou la sculpture « aplatie » de Luca Trevisani inspirée par le monument à la mémoire de Pasolini érigé à Ostie.Chez Annely Juda Fine Art (Londres), une très belle pièce de François Morellet datée 2015 flirte avec une composition non objective de 1921 de l’avant-garde russe Ivan Klioune.
De l’Estate au jeune artiste
Plusieurs galeries profitent de l’occasion pour exposer les artistes dont ils viennent de recevoir l’Estate (succession) en gestion, et qu’elles confrontent avec de jeunes artistes et des moins jeunes. C’est le cas de Pace Gallery qui propose, de Tony Smith, une sélection de tableaux, de sculptures et d’œuvres sur papier des années 1960, en dialogue avec des pièces historiques des années 1970 de Robert Mangold, et celles de jeunes artistes comme la New-Yorkaise Loie Hollowell ; ses tableaux, qui allient à des influences op’art une grande sensualité, rencontrent actuellement un vif succès auprès des collectionneurs.
David Zwirner donne à voir un autre pilier de la peinture américaine, Josef Albers, qu’il représente depuis cette année. Ses œuvres côtoient d’autres pièces historiques d’exception de l’abstraction américaines des années 1950 signées Ad Reinhardt et Sam Francis, ainsi qu’une photographie d’une fenêtre ouverte sur une vue bouchée par un immense arbre de Wolfgang Tillmans (à l’honneur à la Fondation Beyeler) ou une peinture inédite du Belge Luc Tuymans. Les galeristes Simon Lee et Emmanuel Perrotin se sont associés pour montrer sur deux étages des œuvres de l’abstraction gestuelle des années 1980 d’Hans Hartung.
D’autres pépites historiques sont à glaner ici et là. Deux portraits magistraux de la première moitié du XXe siècle cherchent acquéreur à la Galerie St. Etienne (New York). Un portrait monumental de l’interprète de Strauss Elisabeth Stüntzer, peint par Otto Dix, et, par Max Beckmann, le Portrait d’Irma Simon (1924), laquelle dut émigrer aux États-Unis, exposé cette année au Metropolitan Museum à New York. Ce portrait, présent sur le marché pour la première fois, était resté dans le cercle familial. La Galerie 1900-2000 (Paris) présente de son côté cinq œuvres modernes majeures dans une mise en scène inspirée de leur accrochage in situ, d’après une reproduction photographique d’époque. C’est le cas du splendide portrait de Dora Maar par Picasso (1939) qui trôna dans l’atelier d’André Breton ou d’un dessin de Duchamp issu de l’appartement du mécène américain Walter Arensberg.
Chez Applicat-Prazan (Paris), on découvre une peinture de Fautrier, Les Pommes, précurseur des « Otages ». Réalisée en 1940 et 1943, elle a pris place dans les rétrospectives consacrées à l’artiste. On trouve aussi une très rare toile d’Otto Freundlich qui bénéficie d’une rétrospective au Kunstmuseum de Bâle. Michael Werner confronte des œuvres de jeunesse de deux monstres de la peinture allemande, A.R. Penck (artiste récemment disparu) et Markus Lüpertz. Enfin, La Galerie Lahumière (Paris) rend hommage à Gottfried Honegger, avec un grand triptyque des années 1970 et de très belles sculptures.
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« Galleries », the place to be
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- Art Basel, toujours plus monumentale Art : Concept - Art Basel Galleries stand P5
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°481 du 9 juin 2017, avec le titre suivant : « Galleries », the place to be