Si la 27e édition ne se présente pas sous les meilleurs auspices, elle continue à attirer de prestigieux antiquaires.
L’éviction de Christian Deydier, président depuis 2010 du Syndicat national des antiquaires (SNA), organisateur de la Biennale, a dix voix contre cinq le 30 juin dernier a fait l’effet d’une bombe dans le milieu du marché de l’art, tant un tel fait était inconcevable à tout juste deux mois de l’ouverture de la Biennale des antiquaires au Grand Palais. Une gestion trop personnelle ainsi qu’une ambiance délétère seraient, entre autres, à l’origine de cette révocation.
Pour apaiser les tensions, le conseil d’administration du syndicat a élu, le 2 juillet, Jean-Gabriel Peyre, expert en faïence et porcelaines anciennes, président par intérim jusqu’aux prochaines élections qui auront lieu en octobre. Le conseil a également élu à la tête de la commission d’organisation de la Biennale, Hervé Aaron . Une fonction que ce dernier connaît bien puisqu’il a dirigé le syndicat de 2008 à 2010. Pourtant, l’antiquaire ne souhaite pas se présenter pour un nouveau mandat, sa vie étant désormais à New York. Certains se réjouissent du changement de président : « Ma deuxième participation, en 2012, a été cauchemardesque, rien que pour l’attribution des stands », souligne un antiquaire membre du SNA.
Christian Deydier a pourtant eu de belles initiatives. Son idée d’effectuer un tour du monde, lancée à l’occasion de l’édition 2012, en avait enthousiasmé plus d’un. Parcourir la planète pour aller à la rencontre des plus grands collectionneurs et les inciter à venir à Paris en septembre, semblait être sur le papier une ingénieuse stratégie. Mais les frais considérables engagés et l’absence de résultat significatif en ont indigné plus d’un. « Il faut qu’il y est une adéquation entre la théorie et la pratique. Oui pour de telles dépenses, mais dans un seul but : que la qualité de la Biennale soit au rendez-vous ! Ce qui n’a pas été le cas en 2012 », note un membre du syndicat. « Mais les retombées ne peuvent pas être immédiates ! », se défend Christian Deydier.
84 exposants
Quoi qu’il en soit, la Biennale des antiquaires de Paris reste l’événement phare de la rentrée, prévue du 11 au 21 septembre dans la nef du Grand Palais, avec pour sa 27e édition, une scénographie confiée à Jacques Grange, qui s’inspire des jardins de Versailles par André le Nôtre. Créée en 1956, elle se tient depuis 1962 dans ce lieu historique, qu’elle avait quitté le temps de la restauration de la verrière (s’expatriant au Carrousel du Louvre) pour mieux le retrouver en 2006. Cette année, 84 exposants participent à l’événement, contre 125 en 2012. Ce chiffre en baisse s’explique en partie par le fait que la section « tremplin » ouverte dans le salon d’honneur depuis 2010, sur le modèle de « showcase » de Tefaf, ne se tient pas cette année. « Ce fut un échec financier. Ce n’était pas un geste suffisant envers les jeunes professionnels », estime Hervé Aaron, même si certaines galeries, comme la galerie Delalande (Paris), ont été admises cette année. C’est aussi le résultat de plusieurs défections, comme les galeries parisiennes Downtown, Anne-Marie Monin, ou bien encore Aveline (Jean-Marie Rossi). Pour Marella Rossi, qui a fait la Tefaf pour la première fois cette année, s’il y a un choix à faire, il est vite fait. « J’ai été bluffée par le professionnalisme incroyable de cette foire. On y rencontre énormément de nouveaux clients. Ce qui n’est pas le cas de la Biennale. » Du côté des nouveaux venus, on remarque la toute jeune galerie Gradiva, dirigée par Thomas Bompard, ex de Sotheby’s Paris et c’est à peu près tout, mis à part certains revenants, comme la galerie Hopkins, qui n’a pas participé à la Biennale depuis dix ans.
Cette année encore, plus de 70 % des exposants sont français (62 pour 22 étrangers), au moment où les autres foires jouent la carte de l’international. « Les étrangers ne veulent plus venir à cause du prix trop élevé (plus cher qu’à Maastricht dit-on) mais aussi en raison de l’organisation et de la mauvaise ambiance », se risque à dire un des exposants qui souhaite rester anonyme.
Moins d’antiquités, plus de luxe
Autre fait notable, les joailliers prennent de plus en plus de place. En effet, parmi les 84 exposants, ils sont désormais 14 ! Ils étaient deux fois moins en 2010. « Je regrette que cette foire d’antiquités évolue vers une foire de luxe », commente Hervé Aaron. Si les joailliers ont toujours fait partie du salon, cette forte présence brouille l’image en termes de positionnement. Sans doute, les bijoux devraient-ils avoir leur propre événement. Même si l’apport financier est non négligeable et que d’un certain point de vue, les joailliers amènent une autre clientèle.
L’événement reste tout de même prestigieux. Parmi les 70 antiquaires présents, force est de constater que les tableaux modernes et contemporains ont pris le dessus. Dix-huit galeries profitent de la vigueur de ce segment du marché, notamment la galerie Applicat-Prazan, la galerie de la Présidence ou bien encore le galeriste Jacques de la Béraudière. La section mobilier ancien, au départ colonne vertébrale de la manifestation, continue sa cure d’amaigrissement tandis que les arts décoratifs du XXe sont bien représentés, avec une dizaine d’exposants dans cette discipline, tous parisiens, comme la galerie Vallois, Yves Gastou et la galerie Marcilhac. Les tableaux anciens font de la résistance, alors même qu’ils sont très concurrencés par Paris Tableau et Tefaf. En revanche, certaines spécialités sont de moins en moins présentes, comme les arts premiers, avec seulement deux exposants, Didier Claes (Bruxelles) et Bernard Dulon (Paris) ainsi que la haute époque ou bien encore la sculpture ou le design contemporain, représenté uniquement par Carpenters Workshop Gallery qui montre des pièces du designer américain Wendell Castle.
Titre original de l'article du Journal des Arts n°418 : « Une Biennale malmenée »
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Une Biennale des antiquaires malmenée
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°418 du 5 septembre 2014, avec le titre suivant : Une Biennale des antiquaires malmenée