La TVA à l’importation doit passer de 5,5 % à 10 % au 1er janvier 2014, pénalisant plus encore un marché
de l’art français déjà fragilisé. La comparaison avec la fiscalité du marché de l’art au Royaume-Uni, où cette TVA reste à 5 %, tourne nettement à l’avantage des marchands d’outre-Manche.
L’attractivité de la place londonienne est en grande partie déterminée par le coût fiscal des transactions, qui est directement influencé par le droit de suite et la TVA. Puisque le droit de suite s’applique enfin, depuis le 1er janvier 2012, au Royaume-Uni dans les mêmes termes qu’en France, le regard se porte naturellement sur la TVA, d’autant plus que l’actualité française est marquée par l’imminence de l’alourdissement du taux de la TVA sur les importations d’œuvres d’art.
À l’exception notable des taux, les règles françaises et britanniques en matière de TVA sont issues d’une sédimentation des directives européennes, réunies aujourd’hui au sein de la directive « codificatrice » du 28 novembre 2006. Ainsi, comme en France, un galeriste londonien qui achète une œuvre d’art à un particulier relève de plein de droit du régime de la marge. Lors de la revente à l’intérieur de l’Union européenne, il appliquera la TVA au taux normal, en substance, sur la seule différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition, au lieu de l’appliquer sur le prix de vente total, comme c’est le cas dans le régime général de la TVA. Cependant, le régime de la marge est flexible puisqu’une option pour le régime général est toujours possible. L’égalité des armes sera ici parfaite, puisqu’à partir du 1er janvier 2014, la France et le Royaume-Uni imposeront le même taux normal de 20 % (à ce jour, il est de 19,6 % en France ; au Royaume-Uni, il a été augmenté en janvier 2011, passant de 17,5 % à 20 %).
Les règles françaises paraissent même plus souples quant au calcul de la marge, qui peut être déterminée au « coup par coup » mais aussi en regroupant différentes opérations réalisées au cours d’une période. Si la méthode globalisante existe aussi au Royaume-Uni, elle ne s’applique pas aux biens dont la valeur unitaire est supérieure à 500 livres sterling (environ 580 euros). Et surtout, il est permis en France, dans certaines hypothèses, de calculer la marge sur une base forfaitaire égale à 30 % du prix de vente, une tolérance légale, non prévue par la directive, dont on ne trouve aucune trace outre-Manche.
TVA à l’importation
Les règles européennes imposent d’assujettir à la TVA les importations extracommunautaires d’œuvres d’art tout en permettant aux États membres de leur appliquer un taux réduit, fixé au niveau national. Si la France et le Royaume-Uni utilisent cette faculté, les taux ne convergent plus. Depuis 1999, le Royaume-Uni applique aux importations d’œuvres d’art le taux réduit de 5 %, de sorte que, entre 1999 et 2012, l’écart n’était que de 0,5 point par comparaison avec le taux réduit français de 5,5 %. Cependant, depuis, le législateur français a voté deux relèvements successifs du taux réduit « intermédiaire » : à 7 % (au 1er janvier 2012), puis à 10 % (à partir du 1er janvier 2014).
Le galeriste parisien qui importe une œuvre d’art subira donc en 2014, si la loi n’est pas modifiée d’ici là, une TVA à l’importation au taux de 10 % assise sur la valeur en douane, contre 5 % pour son homologue londonien. Or, la TVA à l’importation se révèle souvent non déductible et se transforme en une charge définitive (on parle alors de « rémanence de TVA »). En effet, le galeriste, français ou britannique, a généralement intérêt à opter pour le régime de la marge relativement à une vente subséquente à une importation ou une livraison directe par l’artiste ou ses ayants droit. Mais puisque, dans ce cas, la TVA supportée à l’occasion de l’importation n’est pas déductible, la rémanence de TVA est mécaniquement plus forte à Paris qu’à Londres (différence s’élevant jusqu’à 5 % du prix !). Certes, il est toujours possible de taxer la revente selon le régime général, la TVA payée sur l’importation peut être alors déduite de la TVA frappant la revente, mais cela implique de soumettre à la TVA le prix de vente total et non la seule marge, ce qui ne présente que rarement un intérêt, surtout si l’acquéreur est un particulier européen.
Si l’effet négatif de la TVA à l’importation se vérifie, notamment, lorsque l’importation est suivie d’une livraison à un particulier au sein de l’Union européenne, il peut être atténué en cas de réexportation de l’œuvre vers un État tiers. La réglementation douanière européenne prévoit, autant en France qu’au Royaume-Uni, la possibilité de « placer », à l’initiative de l’importateur et sous conditions, les œuvres d’art importées en vue d’une vente sous le régime d’admission temporaire, pour une durée maximum de deux ans. Le placement sous ce régime, qui semble largement utilisé outre-Manche, permet de reporter le paiement de la TVA à l’importation et se transforme en exonération en cas de réexportation définitive.
Conformément à la directive européenne, les règles ci-dessus sont adaptées à l’hypothèse de ventes aux enchères autant du côté français que britannique. Les règles sont complexes mais, dans ce cas aussi, la rémanence de la TVA à l’importation pénalise davantage le marché français que le marché britannique.
Cependant, dans l’autre sens, il est intéressant de noter que le régime français est plus favorable aux ventes directes des artistes et de leurs ayants droit, lesquelles relèvent en France du taux réduit alors que le Royaume-Uni leur applique le taux normal de 20 %.
Ainsi, la TVA britannique paraît plus attractive vue dans la perspective d’un « hub » planétaire de négoce attirant les œuvres d’art du monde entier alors que les règles françaises de TVA promeuvent davantage les artistes vivants européens.
L’augmentation de la TVA à l’importation intervient dans un contexte défavorable à la place parisienne. Le coût social et fiscal de la main-d’œuvre est nettement moins élevé au Royaume-Uni qu’en France, que l’on songe simplement au taux marginal des charges patronales, qui est de 13,8 % outre-Manche contre plus de 40 % en France. S’agissant de la fiscalité des bénéfices, l’écart des taux d’impôt sur les sociétés devient tellement important (33, 1/3 % en France contre 23 % au Royaume-Uni) qu’il est difficilement envisageable de le compenser par d’éventuels mécanismes plus favorables touchant à l’assiette, du reste de plus en plus introuvables du côté français…
Lukasz Stankiewicz est maître de conférences de droit public à l’université Jean-Moulin Lyon-III
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La hausse de la TVA à l’importation va handicaper la France
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°395 du 5 juillet 2013, avec le titre suivant : La hausse de la TVA à l’importation va handicaper la France