David Kessler le conseiller Culture et Communication de l’Élysée, est un pragmatique très à l’aise dans son rôle d’éminence grise.
David Kessler fut le premier à être mis dans la confidence : « C’est lui que j’ai averti en premier de mon désir de partir. Et bien avant que ma décision de ne pas briguer un cinquième mandat ne soit annoncée. Je sollicitais son avis, ses conseils ; je ne cherchais pas être retenu », confie Henri Loyrette deux mois après son départ du Louvre. Au cours de leurs différentes rencontres, le président du Louvre lui avait fait part aussi des noms des personnes qu’il imaginait pouvoir lui succéder. Jean-Luc Martinez, Sylvie Ramond… Des candidats qui ont fini par rejoindre ceux retenus par le ministère de la Culture. Cette même sélection fut soumise à David Kessler avant que le président de la République ne rencontre les prétendants et qu’il ne voit également Laurent Le Bon – candidat repêché par le conseiller médias et culture de François Hollande –, un certain nombre de personnes (dont Henri Loyrette) l’ayant convaincu d’entendre le directeur du Centre Pompidou à Metz.
« David les a écoutés avec beaucoup d’attention, souligne Henri Loyrette, comme il m’avait entendu douze ans auparavant lorsque j’avais été pressenti pour le Louvre. » David Kessler était alors conseiller pour la Culture et la Communication du Premier ministre, Lionel Jospin. La période était à la cohabitation. Et l’ancien président-directeur général du musée de se souvenir encore que ce fut le même conseil des ministres, en avril 2010, qui annonça sa nomination à la tête du Louvre et celle de David Kessler à la direction générale du Centre national du cinéma (CNC).
Durant ces années passées au Louvre, Henri Loyrette, à l’instar de nombre de patrons d’institutions, a mesuré l’importance dans le circuit décisionnel du conseiller Culture auprès du président de la République. Beaucoup de choses passent par lui. On dit souvent son pouvoir égal, voire supérieur, à celui du ministre de la Culture et de la Communication. Tout dépend de la personnalité de ceux ou celles qui ont été choisis par le chef de l’État, du chef de l’État lui-même, et des rapports entretenus avec le ou la ministre de la Culture. La nomination de Georges-Marc Benamou, en mai 2007, par Nicolas Sarkozy au poste de conseiller pour la Culture et l’Audiovisuel a vu rapidement le journaliste jouer cavalier seul et prendre la direction de dossiers au détriment de Christine Albanel. Les tensions avec la ministre ont été multiples et les inimitiés du monde de la culture à l’encontre de l’arrogant conseiller de Nicolas Sarkozy, profondes.
Un regard extérieur panoramique sur les choses
Chez David Kessler, pas d’arrogance, ce n’est pas dans la nature ni dans l’éducation de cet agrégé de philosophie passé par la case ENA et le Conseil d’État. Son positionnement a été clair dès le départ et n’a jamais failli depuis. « Mon rôle est d’aider, de soutenir la ministre et de veiller à la bonne harmonie », dit-il dans son petit bureau chaleureux du palais de l’Élysée dont le moindre meuble est chargé de livres, de dossiers. « Il peut y avoir des discussions, mais les rapports humains sont excellents. »
Un état d’esprit que corrobore Henri Loyrette : « Je n’ai jamais senti à propos de ma succession le moindre grippage entre la Rue de Valois, Matignon et l’Élysée ». Du côté du 55, rue du Faubourg Saint-Honoré, le constat est identique : « David Kessler est parfaitement dans son rôle, on ne lui demande pas une implication partisane, mais véritablement un regard extérieur, supérieur, panoramique sur les choses », avec cette intelligence, ce détachement, cette écoute, ce goût pour l’observation, cet humour parfois caustique qui le caractérisent, comme le soulignent invariablement ceux ou celles qui ont travaillé. Que ce soit dans ces activités de conseiller auprès de Lionel Jospin ou de Bertrand Delanoë, que dans ses activités opérationnelles quand il a dirigé le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), le Centre national du cinéma (CNC) ou France Culture, les rapports de force ne font pas partie de son langage ni de sa manière d’être. Il n’aime pas le conflit.
« C’est un homme qui recherche systématiquement le consensus, qui privilégie le dialogue, la médiation », note Denis Berthomier conseilleur Culture de Jean-Marc Ayrault qui a collaboré auprès de lui lors de la mission confiée à Serge Toubiana sur la politique d’enrichissement et de conservation du patrimoine cinématographique qui allait donner un second souffle à la cinémathèque. Marie Masmonsteil, productrice d’Elzévir Films et présidente du Syndicat des Producteurs Indépendants le confirme : « Dans notre monde du cinéma où beaucoup de tribus s’entre-déchirent, il a réussi, quand il était président du CNC, à maintenir la paix ; il nous critiquait d’ailleurs quand nous montions au créneau par ordre dispersé. C’est un homme extrêmement pragmatique qui aime envisager les dossiers sur le long terme, nourrir une réflexion avant d’agir et trouver un compromis, comme François Hollande. » François Hollande qu’a connu David Kessler lorsque l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste tentait de faire entendre sa voix, et qu’à Matignon, on entretenait avec Jacques Chirac « des relations courtoises mais peu confiantes » pour reprendre les termes de Lionel Jospin prononcés dans un documentaire réalisé en 2009. L’amitié nouée par David Kessler avec Jean-Pierre Jouyet, ami très proche de François Hollande a amené de son côté les deux hommes à se connaître à titre privé. François Hollande et David Kessler n’ont cependant jamais travaillé ensemble.
Des Inrocks à l’Élysée
Face au champ culturel peu investi par le président de la République, David Kessler est depuis un an le garant de la culture à l’Élysée, bien que son parcours professionnel l’ait rendu plus proche des secteurs et des réseaux médias et cinéma. La plus grande déception de sa carrière fut d’ailleurs de voir sa nomination à la présidence d’Arte, quasiment actée, être compromise à la suite de son annonce prématurée dans Le Monde. Quant à la période la plus grise du parcours de David Kessler, elle fut certainement l’année passée aux Inrockuptibles, peu de temps après son échec à Arte. Passage éclair qui n’a laissé d’ailleurs aucune trace auprès de la rédaction, simplement le sentiment d’un homme en attente d’un autre poste plus en adéquation avec son profil, nommé par le banquier Matthieu Pigasse à un an des élections présidentielles au regard de son réseau.
« David Kessler n’avait pas vraiment de concurrent pour le poste de conseiller Médias et Culture, dit-on aujourd’hui à l’Élysée. Il y avait des gens intéressés, lui-même l’était, sans pour autant faire une campagne effrénée quand il était dans l’équipe de campagne. Pour François Hollande, le choix ne faisait aucun doute. » Quand Pierre-René Lemas le reçoit après la victoire de François Hollande à la présidence de la République, le secrétaire général de l’Élysée lui précise toutefois que le chef de l’État n’entend pas que les gens fassent de leur fonction un tremplin pour autre chose, mais souhaite qu’ils s’inscrivent dans un travail d’équipe. Après un an de présidence Hollande, le trio constitué avec Denis Berthomier, conseiller Culture auprès de Jean-Marc Ayrault, et Laurence Engel, directrice de cabinet de la ministre de la Culture et de la Communication continue à bien fonctionner et à se retrouver tous les lundis après-midi. Tous les trois sont des techniciens de la culture avec un engagement politique affirmé. « Je n’ai eu aucun rôle dans la nomination de Laurence Engel contrairement à ce qui fut dit ou écrit », précise David Kessler : « Aurélie m’a fait part de ses hypothèses, c’est elle qui a choisi. »
Une famille ancrée dans la culture
Laurence Engel croisée, comme Denis Berthomier, aux cours de techniques d’analyse et de rédaction des textes juridiques qu’il donnait à l’ENA, mais surtout dans le cercle des intimes lorsqu’à Matignon, David Kessler et Aquilino Morelle, aujourd’hui conseiller politique de François Hollande, sont devenus amis, partageant avec leur famille respective nombre de vacances d’été. « Sans bon relais à Matignon et à l’Élysée, il est évident qu’il manque un bout important de la construction de la politique culturelle », souligne Laurence Engel qui partage également avec David Kessler d’avoir été, à différentes périodes, conseiller du maire de Paris.
Comparée aux cinq premiers mois de l’année, perturbés par le changement de positionnement du Gouvernement vis-à-vis du budget du ministère de la Culture et l’attitude de Jérôme Cahuzac, la construction du budget 2014 du ministère se déroule à cet égard dans de bien meilleures conditions. Quant aux critiques vis-à-vis du manque de vision du ministère de la Culture, David Kessler dit « l’avoir toujours entendu dire de tous les ministres à part Jack Lang. Il faut du temps pour installer les priorités, inscrire une trace en profondeur. Un an, deux ans, c’est court. » S’inscrire, réfléchir, concevoir en profondeur forgent une ligne directrice forte chez les Kessler où le savoir, la culture, l’enseignement, la recherche sans oublier l’humour et les liens avec Israël forment l’ossature de la famille que chaque membre renforce, construit à sa manière. Avec pour figures admirées Colette Kessler, professeure de renommée du Talmud, la mère de David Kessel et Sophie Kessler-Mesguich, son épouse, professeur de linguistique hébraïque et directrice du Centre de recherche français à Jérusalem, toutes deux décédées à un an d’intervalle.
1959 Naissance à Boulogne-Billancourt
1989 Sort de l’ENA, entre au Conseil d’État
1996-1997 Directeur général du CSA
1997-2001 Conseiller Culture et Communication du Premier ministre Lionel Jospin
2001-2004 Directeur général du CNC
2005-2008 Directeur de France Culture
2008-2009 Directeur général délégué de Radio France
2009-2011 Conseiller Culture et Éducation auprès de Bertrand Delanoë
2012 Conseiller, Médias et Culture auprès de François Hollande
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David Kessler, conseiller médias et culture à l'Elysée
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : David Kessler, conseiller médias et culture à l'Elysée