La France et la Suisse se disputent leur compétence pour juger de la mise sous tutelle de Zao Wou-ki.
PARIS - Dans l’affaire Zao Wou-ki, une procédure de contredit avait été introduite en juin 2012 par Jia-Ling Zhao, le fils de l’artiste. Insatisfait de l’ordonnance rendue en mai par laquelle le juge des tutelles du tribunal d’instance de Paris s’était déclaré territorialement incompétent pour connaître de la demande de mise sous protection de son père, l’appelant souhaitait que la cour d’appel vérifie la conformité de ce jugement avec les règles judiciaires. Les intimés, eux, à savoir l’épouse du peintre, Mme Françoise Marquet, et son ami Me Marc Bonnant, arguaient de l’irrecevabilité de ce recours en ce qu’il se heurtait à la chose jugée, puisqu’une décision suisse également datée de mai les avait désignés cotuteurs provisoires de Zao Wou-ki. En France, la juridiction du second degré a statué le 4 décembre 2012.
« Habitudes de vie »
Après avoir relevé que le juge des tutelles français avait été saisi en mars 2012, soit antérieurement au juge de paix suisse, lequel « n’a, à ce jour, rendu qu’une décision provisoire qui n’a pas autorité de la chose jugée », la cour d’appel a infirmé la décision du premier juge. Elle a estimé « que pour apprécier la notion de « résidence habituelle » (fondant la compétence territoriale) il convient de se référer non pas seulement à la résidence actuelle mais, lorsqu’elle est contestée, également aux habitudes de vie de la personne à protéger et aux souhaits qu’elle avait pu exprimer lorsqu’elle pouvait encore manifester sa volonté ». La cour a rappelé que Zao Wou-ki (d’origine chinoise mais de nationalité française) présente des troubles majeurs de compréhension dus à l’affection neuro-dégénérative dont il souffre, avant d’ajouter que son déménagement en Suisse avait été unilatéralement décidé par son épouse, pour des raisons fiscales notamment. Puis, la cour a considéré que « la saisine du juge de paix du district de Nyon, en cours de procédure de protection devant le juge des tutelles de Paris […], l’a été en fraude des droits de la personne à protéger ». Aussi, la France est-elle compétente pour prendre toutes mesures utiles et nécessaires. Il est, en outre, prévu que la cour d’appel « évoque l’affaire » en février 2013, afin de lui donner une solution définitive ; les parties n’ayant en effet pas été « en mesure de s’expliquer contradictoirement sur la demande du demandeur au contredit tendant à évoquer le fond du dossier et à le désigner en qualité de tuteur de son père, il y a lieu de rouvrir les débats ».
Sauf que, par une décision en date de novembre 2012, la Suisse a confirmé la mesure de tutelle qu’elle avait provisoirement instituée. Aux contestations de Jia-Ling Zhao quant au choix des cotuteurs, partiaux selon lui, sa justice considère que les intérêts du pupille ont été « jusqu’à présent parfaitement protégés » ; la cour « n’ayant pas à prendre en considération les intérêts du fils de pupille avec lequel l’instruction a d’ailleurs démontré que les relations étaient épisodiques ». Toutefois, « au moment de rédiger la motivation de la présente décision, prise par la cour après délibérations tenues immédiatement à l’issue de l’audience de jugement du 19 novembre 2012 », la cour d’appel de Paris s’était elle aussi prononcée. « Une situation absurde », selon Me Jean-Philippe Hugot, conseil de Jia-Ling Zhao, « les deux États se déclarant compétents pour juger d’une même situation ».
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Quiproquo franco-suisse
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°383 du 18 janvier 2013, avec le titre suivant : Quiproquo franco-suisse