Doté d’un riche patrimoine, la ville rose peine à mettre sur les rails ses grands projets de réhabilitation de sites et monuments.
Un amphithéâtre et des thermes romains, des édifices religieux fleurons de l’art roman et gothique à l’image de la basilique Saint-Sernin ou de l’ensemble conventuel des Jacobins, de nombreux hôtels particuliers datant de la Renaissance, la place du Capitole, les anciens remparts…, la richesse du patrimoine toulousain n’est plus à démontrer. Les Assises de la culture organisées en 2008 avaient mis en lumière les monuments et vestiges dont il devenait urgent de s’occuper. Inclus dans un programme de réaménagement urbain et de rééquilibrage territorial de l’offre culturelle, certains ont fait l’objet de grands projets de réhabilitation, que l’échec de Toulouse à la candidature de « Capitale européenne de la culture » pour 2013 a malheureusement freinés.
Équipement phare de cette grande ambition culturelle qui n’avait pas oublié le patrimoine, la « Cité des arts », prévue sur le site de l’hôpital La Grave, peine à voir le jour. Les discussions reprennent tout juste pour l’acquisition de ce monument dont la construction remonte au XVIIe siècle, aujourd’hui propriété de la fonction publique hospitalière. La Cité des arts est l’élément clef de l’arc culturel Garonne, programme de revalorisation du fleuve et des liens qui l’unissent à la ville. Témoins privilégiés de l’histoire de la cité avec des monuments comme le Pont-Neuf, l’Hôtel-Dieu, l’église de la Daurade ou les anciens abattoirs, les quais de la Garonne sont en cours de réaménagement. Parmi les édifices emblématiques que la Ville souhaite également racheter, figure la prison Saint-Michel, actuellement propriété du ministère de la Justice. Là aussi, les négociations avec l’État se révèlent ardues pour acquérir cet édifice, haut lieu de la Résistance. Sa transformation en un lieu de mémoire ou de réflexion axé sur la science et accessible au public est à l’étude.
De futurs « lieux culturels »
Volonté affichée par l’équipe municipale : élargir l’offre culturelle aux quartiers qui en sont éloignés. Le quartier du Mirail se trouve ainsi au cœur d’un projet, « le Grand Mirail », organisé autour de deux axes : d’une part la création de la « Maison de l’image », un lieu dédié à la musique, aux arts visuels et numériques, d’autre part la réhabilitation du château de la Reynerie. Concernant la Maison de l’image, le dépôt du permis de construire devrait intervenir courant 2013 pour une livraison en 2015. Classé au titre des monuments historiques, le château de la Reynerie, son orangerie et ses jardins (à la française pour la partie basse et à l’anglaise pour la partie haute) font partie d’un ancien domaine du XVIIIe siècle. L’édifice a été construit de 1781 à 1783 par Guillaume Dubarry. Acquis par la Ville en 2008, il est en cours de rénovation, mais le projet culturel n’est pas arrêté. Son orangerie doit accueillir des ateliers et résidences d’artistes, tandis que le Musée Paul-Dupuy pourrait disposer du rez-de-chaussée du château. Comme de nombreux lieux patrimoniaux réhabilités – à l’exemple de la halle de la cartoucherie ou de celle de Montaudran –, le château est appelé à devenir un « lieu culturel ». Un terme générique qui dissimule souvent la volonté de faire consensus et ne pas déroger au grand principe de la démocratisation culturelle, quitte à se soustraire à quelques règles de conservation (lors des dernières Journées du patrimoine, la Mairie a ouvert le château de la Reynerie sans avoir pris les précautions d’usage). Les appels d’offres sont généralement lancés une fois les travaux achevés, quand il apparaitrait plus judicieux de réaliser des aménagements en fonction d’un projet cohérent précis.
Un label en attente
Faute de coordination et de concertation, l’hôtel du Barry, hôtel particulier du XVIIIe siècle situé place Saint-Sernin, à côté du Musée Saint-Raymond, attend toujours ses travaux de rénovation. Très dégradé, il fait partie intégrante depuis 1984 (date à laquelle il a été classé) du lycée du même nom, qui refuse de le voir sortir de son giron et réclame à cor et à cri sa restauration. La Mairie souhaitait un temps le récupérer pour y installer une extension du Musée Saint-Raymond, projet avorté. L’hôtel du Barry devrait « prochainement » être transformé lui aussi en un « espace culturel ».
Si des efforts ont été réalisés ces dernières années, le patrimoine n’est souvent qu’une étape dans la construction de projets tournés vers la création vivante. Et la volonté d’obtenir le label « Ville d’art et d’histoire » n’a toujours pas abouti. « La demande est en cours », assure la Mairie. Le label qui s’accompagne de la création d’un service d’animation de l’architecture et du patrimoine au sein de la municipalité pourra participer à la construction d’une politique patrimoniale globale. De même, la création du poste de directeur du patrimoine et des musées tarde à se concrétiser. À tel point qu’il est possible de douter, en dépit des annonces de 2008, que le patrimoine soit réellement une priorité. « Depuis 2008, 17,9 millions d’euros ont été engagés dans des rénovations de notre patrimoine pour l’ensemble des musées et églises », se défend Pierre Lacaze, conseiller municipal délégué, chargé du patrimoine culturel et de l’animation des musées. Et de citer les travaux importants dont a bénéficié l’ensemble conventuel des Jacobins, joyau de briques bâti par les dominicains entre 1230 et 1385 puis agrandi au cours des siècles suivants. Le monument a été doté de plus de 7 millions d’euros pour sa rénovation, effectuée en deux tranches, de 2008 à 2010 puis de 2011 à 2013. Il devrait à terme accueillir une grande salle d’exposition. Pour l’heure, les Jacobins sont privés de directeur. Sur fond de conflits internes, Monique Rey-Delqué, conservatrice du site depuis une vingtaine d’années, a été mise à pied dans des conditions obscures en juillet pour une durée de trois mois et devrait partir à la retraite dès son retour. Pierre Lacaze rappelle enfin la création d’un service archéologie au sein de la communauté urbaine, une aubaine pour la discipline (lire l’encadré), et souligne l’importance de « Montaudran Aérospace », l’une des grandes réussites du programme culturel toulousain. Dévolu aux métiers de l’aéronautique, le site de l’ancien aérodrome Montaudran, transformé par l’urbaniste David Mangin, devrait accueillir les automates géants conçus par François Delarozière, directeur artistique de la compagnie La Machine, autant de symboles d’une ville en marche vers le futur.
Au printemps 2012, la direction de la culture de la communauté urbaine Toulouse Métropole s’est dotée d’un service d’archéologie pour réaliser des fouilles en régie. « C’est une très bonne nouvelle. La communauté est une excellente échelle pour la mission des archéologues. Nous allons travailler en concertation avec eux. Ils pourront faire des diagnostics et prendre en charge les collections d’étude qui ne sont pas destinées au musée », s’est réjouie Évelyne Ugaglia, directrice du Musée Saint-Raymond. À court terme se posera la question du lieu de stockage du matériel archéologique exhumé. La création d’un « Centre de conservation et d’étude » (CCE), destiné à abriter, trier, étudier et valoriser les vestiges, ne paraît pas superflue.
La valorisation de l’amphithéâtre romain de Purpan-Ancely, situé près de Toulouse, entre le quartier de Purpan et la commune de Blagnac, est aussi dans les tuyaux. Si les habitants du quartier Ancely se sont approprié ces vestiges classés monument historique et placés sous la responsabilité du Musée Saint-Raymond, ils ne comprennent pas nécessairement le rôle que le site a joué par le passé. La création d’un centre d’interprétation sous la responsabilité du musée est actuellement à l’étude. « Ce serait un plus pour le quartier, souligne Évelyne Ugaglia. On pourrait y développer des ateliers archéologiques, et ce, pas seulement l’été. La culture est un vecteur d’activité économique. Valoriser le patrimoine, c’est aussi favoriser le tourisme. » Des propos qui vont dans le sens des récentes études menées à l’échelle nationale par le ministère de la Culture.
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Un patrimoine à l’épreuve du temps
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°379 du 16 novembre 2012, avec le titre suivant : Un patrimoine à l’épreuve du temps