Marc Ladreit de Lacharrière vient d’être nommé président du conseil d’administration de France Muséums. Parcours d’un des plus grands mécènes du Louvre qui œuvre pour l’intégration sociale et l’accès à la culture.
Le financier Marc Ladreit de Lacharrière, président de Fimalac et de la Fondation Marc Ladreit de Lacharrière – Culture et Diversité est un des grands mécènes du Musée du Louvre. Il vient d’être nommé président du conseil d’administration de France Muséums par l’ancien Ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres le 3 mai. Qu’est ce qui fait courir Marc Ladreit de Lacharrière, fondateur et P-DG de Fimalac, hyperactif, homme des réseaux éclectiques tissés avec un sens subtil des relations sociales ? « Je suis poussé par le bonheur de vivre, le goût de l’indépendance et de la liberté d’agir », répond l’intéressé dont le sourire finement gourmand évoque l’amour de la vie croquée à pleines dents.
Marc Ladreit de Lacharrière crée en 1991 Fimalac, contraction de « Financière Marc Lacharrière ». Les activités de l’entreprise, diversifiées tout au long des années 1990, ont d’abord été partagées entre plusieurs axes : édition, industrie, design. Elles sont aujourd’hui recentrées sur la finance. Fitch Ratings, l’agence de notation financière qu’il a créée avec son équipe de Fimalac, est aujourd’hui la troisième agence mondiale qui « note » les emprunts des États, des collectivités locales et des entreprises du monde entier.
Grâce à la rentabilité de son entreprise, Marc Ladreit de Lacharrière occupe la 25e place parmi les plus grandes fortunes françaises, mais surtout détient le pouvoir d’investir librement, parce que « le mécénat, comme il le précise lui-même, est véritablement inscrit dans l’ADN-même du groupe Fimalac ». Dès 1993, il apporte ainsi son soutien à Martine Aubry, alors ministre de l’Emploi et de la Solidarité, en finançant la Fondation Agir contre l’Exclusion (FACE), lointaine préfiguration de la Fondation Marc Ladreit de Lacharrière – Culture et Diversité, lancée en octobre 2006, qui relie intégration sociale et accès à la culture.
Un mécène fervent
Son engagement culturel a une origine plus ancienne encore. Marc de Lacharrière, né à Nice en 1940, est le fils cadet d’une famille aristocratique de l’Ardèche. Son père meurt quand son frère et lui sont encore adolescents. Marc va devoir travailler pour financer ses études, ce qui ne l’empêche pas de réussir le concours d’entrée à l’ENA. Sitôt sorti de l’école, il démissionne de la fonction publique et rejoint le secteur bancaire privé. Nommé directeur financier du groupe L’Oréal, il deviendra le vice-P-DG du géant des cosmétiques. À cinquante ans, il crée Fimalac.
La culture le fascine dans sa diversité, en témoigne son bureau de la rue de Lille, siège social de Fimalac. Dans un décor de lambris et de meubles de bois clairs, tableaux et sculptures de styles variés parcourent les siècles et les continents. Sonia Delaunay côtoie Serge Poliakoff, Martin Barré et Hans Hartung. Deux sculptures qui représentent Heraclès et Hadrien, arrêtent un instant le regard, donnant à l’hôte l’occasion de préciser que c’est « le goût des sculptures dès la jeunesse » qui l’a conduit à acheter des pièces d’art africain, dont une statue fétiche Songyé et une statuette de maternité Luluwa.
Pour Stéphane Martin, le président du Musée du quai Branly, à Paris, Marc de Lacharrière a non seulement « un très bon œil et s’est vite initié à l’art africain », mais c’est aussi un mécène au caractère « gai et souriant avec qui l’on passe toujours un temps agréable ». Et de poursuivre : « C’est un amoureux de l’art et par conséquent également des musées et de leurs directeurs, ce qui fait qu’il siège dans plusieurs conseils d’administration de musées et qu’il nous a vite rejoints quand nous avons constitué la Société des Amis du Musée du quai Branly autour de Louis Schweitzer ».
Henri Loyrette, le président-directeur du Musée du Louvre, évoque lui aussi avec ferveur son grand mécène, dont le nom figure sur une plaque de marbre discrète dans le Hall Napoléon. Il a d’ailleurs prononcé le discours de réception de Marc Ladreit de Lacharrière à l’Académie des beaux-arts en 2005 et rappelé notamment la devise de la famille Ladreit de Lacharrière : « Tout droit quand même ». Mais pour parler du nouvel académicien, il préfère encore le citer : « Je me considère comme un homme de droite qui a des amitiés à gauche ». Ou revivre en pensée ses somptueux « dîners de mécénat organisés au Louvre », puisqu’en échange de leur aide financière, les entreprises-mécènes peuvent recevoir leurs clients sous la Pyramide.
Une fidélité exemplaire
Sophie Kammerer, au service du mécénat au Musée du Louvre, souligne pour sa part « la particularité » du mécène Marc Ladreit de Lacharrière, qui fait preuve « d’une fidélité exemplaire depuis plus de dix ans, en soutenant le département des Antiquités grecques, étrusques et romaines. Il a notamment contribué à la publication de catalogues, à la restauration de la Salle du Manège et de la statue de la Vénus Genitrix ».
Même ton respectueux de la part d’Alain Pasquier, conservateur général en charge du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines et l’un des commissaires de l’actuelle exposition sur le sculpteur grec « Praxitèle » au Louvre : « Marc Ladreit de Lacharrière a une confiance absolue dans notre travail. Il nous a donné tous les moyens possibles pour la restauration de la sculpture du Gladiateur Borghèse, y compris le transport dans un centre atomique pour une radiographie ». À son tour, il pointe « le climat de sympathie » que son mécène sait installer en toutes circonstances. « Les entretiens de travail se déroulent dans la plus grande cordialité, le ton est toujours très aimable, car Marc Ladreit de Lacharrière inscrit tout dans un contexte de plaisir ». Avant de concéder : « Évidemment, c’est un grand patron. On sent qu’en dépit de sa simplicité, son amabilité et sa générosité, c’est lui qui fixe les règles du jeu, d’une manière certes amicale, mais ferme. »
En mai 2006, le magazine Challenges a choisi de publier en couverture le portrait de Marc Ladreit de Lacharrière, pour illustrer un dossier sur les « réseaux de pouvoir ». Tout un symbole ! Le mécène est en effet membre, entre autres, du Siècle, du Jockey Club, du Cercle de l’Union Interalliée, du Polo de Paris, de l’Association de la noblesse française, et le fondateur du « Cercle » de La Revue des deux mondes dont il est le propriétaire. Mais cet homme, pour qui les réseaux sont un capital social transformable en capital économique, se défend pourtant d’avoir le goût du pouvoir qu’il juge « l’inverse du partage ». Le partage, qu’il évoque comme un des moteurs de son mécénat.
Sa position sur le Louvre-Abou Dhabi est sans équivoque : « Je ne verrais aucune difficulté à ce qu’une œuvre dont j’aurais pu aider à la restauration fasse l’objet d’un prêt auprès d’un établissement tel que le Louvre d’Abou Dhabi. Je refuse d’adhérer au discours poussiéreux et passéiste de ceux qui veulent que les conservateurs œuvrent de façon immobile et statique ; les musées français, dont le Louvre, sont tournés vers l’avenir et le monde et je m’en réjouis. » Marc Ladreit de Lacharrière pourra d’autant plus s’en réjouir qu’il vient de se voir confier par l’ancien ministre de la Culture, trois jours avant le deuxième tour des élections présidentielles, la présidence du conseil d’administration de l’Agence internationale des musées, France Muséums. Une nomination qui fait du mécène un homme encore plus incontournable.
1940 Naissance à Nice le 6 novembre 1984-1991 Vice-P-DG de l’Oréal 1991 Création de Fimalac ; acquisition par Fimalac de la Revue des Deux Mondes fondée en 1829 2005 Élu membre de l’Académie des beaux-arts 2007 Nommé président du conseil d’administration de France Muséums
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Marc Ladreit de Lacharrière
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°260 du 25 mai 2007, avec le titre suivant : Marc Ladreit de Lacharrière