Artclair.com a demandé à plusieurs de ses auteurs de se promener dans les allées de la FIAC 2008 et de raconter ses impressions. Voici celles de Vincent Delaury.
La Fiac 2008, question organisation, a vu les choses en grand. La directrice artistique Jennifer Flay parle désormais d’une « foire multisites » et on sent bien que la tendance générale est de rivaliser avec la foire de Bâle. Avec ses 350 galeries regroupées sur six foires (Grand Palais, cour Carrée du Louvre, jardin des Tuileries, Show off, Slick et Art Elysées), cette 35e édition de la Fiac supporte la comparaison, en quantité, avec la foire de Bâle.
Cette année, comme d’habitude, les poids lourds affichant des prix solides, à savoir les galeries stars de Paris, Londres et New York, se retrouvaient sous la splendide nef du Grand Palais pendant que les galeries « émergentes », au nombre de 80, se trouvaient dans la cour Carrée pour proposer, à des prix plus abordables (dès 500 € par exemple pour une acrylique Chéri de Zoulikha Bouabdellah, galerie La B.A.N.K.), les jeunes poulains ou les stars montantes de leur écurie.
A la Cour Carré
Dans les allées de la nouvelle structure en verre de la cour Carrée, l’ambiance était bonne, à l’image du facétieux Bonne nuit les petits, une œuvre imposante de Pierre Ardouvin (2008, Chez Valentin) faite de lettres en bois peint et de lumières multicolores. Chez Valentin, samedi 25 octobre à 11h, c’était encore la fête puisqu’ils apprenaient que leur jeune artiste Laurent Grasso (né en 1972) remportait le prix Marcel Duchamp. A la cour Carrée, question ventes, on ne peut pas parler d’achats compulsifs à tire-larigot, mais le marché autour de la jeune scène artistique, notamment hexagonale, a poursuivi malgré tout son petit bonhomme de chemin. Par exemple, Hervé Loevenbruck s’est montré satisfait : « Ici, c’est un marché de collectionneurs. Ils sont très présents. Les gens achètent en tant que collectionneurs, pour des prix en deçà de 50 000 €. C’est un succès pour les artistes et les collectionneurs français. On peut dire que l’art français ne ressent pas pour l’instant la crise puisqu’il n’y a pas jusqu’à présent de spéculation frénétique à l’égard de celui-ci, contrairement à d’autres marchés-météores, à fond dans le bling-bling ». Le galeriste a vu partir tout aussi bien une centaine d’exemplaires du livre de 1732 pages de Bruno Peinado (49 €) que la Ferrari en marbre de Dewar & Gicquel, exposée à l’entrée de la cour Carrée, vendue à 150 000 € et en partance pour une collection à Monaco.
Au Grand Palais
Au Grand Palais, il y avait foule. Dès l’entrée, ça commençait très fort, via l’exposition sur le stand de la galerie newyorkaise Cheim & Read d’un superbe Joan Mitchell (Row Row, 1982), vendu assez rapidement pour 4,5 million d’€. On ne pouvait que se réjouir de la présence de galeries étrangères venant hisser l’aspect quantité et qualité de la Fiac, via les shows tonitruants des frères Chapman chez White Cube (Londres), de Christoph Büchel chez les Zurichois Hauser & Wirth (une voiture explosée !) ou encore de Christopher Wool chez Luhring Augustine (New York), mais on pouvait aussi regretter l’absence étonnante de certaines galeries françaises victimes, semble-t-il , de la politique d’internationalisation de la Fiac – on pense par exemple à la galerie Claude Bernard qui se proposait d’exposer cette année Ronan Barrot, jeune peintre français au talent manifeste.
A part ça, bien sûr, la crise était dans tous les esprits, tout aussi bien des marchands que des visiteurs, et on se disait qu’on allait enfin savoir si l’art contemporain, face à une crise financière qui est en train d’envahir tous les marchés à la vitesse d’un tsunami, était encore ou non une valeur refuge. Si l’on en croit les galeristes interrogés, français comme étrangers, on peut désormais parler de bilan « globalement positif » quant à cette Fiac 2008 parce que l’effondrement craint ne se fait pas (encore ?) sentir et que l’on assiste même à une stabilité, voire à un assainissement à l’en croire certains, du marché de l’art. Franck Prazan, proposant une expo-solo classique d’Atlan, confiait avec humour – « C’est pas Austerlitz, et c’est pas Waterloo non plus ! On était inquiets, et on est plutôt agréablement surpris. On a pu vendre une dizaine de pièces d’Atlan, aussi bien des pastels que des peintures, le tout oscillant entre 20 000 et 140 000 € ». Pour Marie-Sophie Eiché, directrice de la galerie Kamel Mennour, « Les collectionneurs français et européens sont au rendez-vous. On note une stabilité quant au marché européen. La crise est là, certes, mais l’art reste une valeur refuge, les européens ne sont pas dans la spéculation. On n’est pas dans un pur marché frénétique de frime, de traders et de golden boys ». L’équipe Mennour avait par exemple vendu une installation de Sigalit Landau (Barbed Salt Lamp 4, 2007) pour 22 000 € au Cnap. Idem chez les Zürcher : ce couple était satisfait non seulement de la vente dans les 20 000 € au Cnap d’un tableau signé Desgrandchamps que de l’ambiance générale : « Les gens sont en demande de contenu, de sens, et non pas simplement de marché spéculatif. Les visiteurs parlent peut-être plus d’art que de business, ça fait vraiment du bien ».
« C’est moins l’euphorie que l’an passé »
Selon Thierry Salvador, qui a aussi bien vendu des petites céramiques d’Erró à 950 € l’unité qu’une toile (Sandwich diplomatique, 1988) de cette figure emblématique de la Figuration narrative pour 50 000 €, « Le bilan est bon jusqu’à 20 000 €, à savoir pour le marché des tableaux qu’on met chez soi. C’est simple, le marché suit la bourse. Elle a perdu 30%. Pour une valeur dite affective, ça ne bouge pas, ce qui vaut 1000 € vaut toujours 1000, mais à partir de 20 000, l’ambiance de crise change forcément la donne, c’est moins l’euphorie que l’an passé, y’a pas photo ! »
« On a eu une bonne fréquentation, grâce à une belle synergie entre la Fiac, les institutions et les actions nombreuses de Martin Bethenod & Jennifer Flay. Dans le contexte de la crise économique actuelle, on aurait pu ne rien vendre mais ce n’est pas le cas. Ce sont pour les grosses œuvres et les gros prix que l’effet de la crise s’est fait nettement ressentir » précise Patrice Cotensin de la galerie Lelong.
Bref, certes, la crise financière planait de toute évidence sur cette Fiac 2008, la prudence s’imposait et l’optimisme modeste, sur fond de « bilan globalement positif », était monnaie courante, pour autant cela n’a pas empêché les petites et moyennes ventes de se faire. Le milieu de l’art peut encore respirer. Affaire à suivre !
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Fiac 2008 : « ni Austerlitz, ni Waterloo »
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