BERLIN (ALLEMAGNE) [18.06.12] – Face à l’opposition de la population locale, l’artiste macédonienne Nada Prlja a accepté de démanteler avec quinze jours d’avance son œuvre élaborée dans le cadre de la biennale de Berlin, le « mur de la paix ».
Les Berlinois entretiennent décidément une relation compliquée avec l’art contemporain et ses institutions. Forte de ses 400 galeries représentant 6000 artistes, selon les statistiques de l’Association régionale des galeries berlinoises, la capitale allemande est incontestablement un des principaux lieux de production d’art contemporain mondial.
Pourtant, la population locale s’accommode mal des projets qui en résultent. Déjà au mois d’avril dernier, les habitants du quartier de Kreuzberg avaient bloqué le projet du BMW Guggenheim Lab, qui avait dû trouver un autre emplacement à la dernière minute et a ouvert le 15 juin avec trois semaines de retard.
Les habitants de Kreuzberg font encore parler d’eux, mais cette fois-ci, c’est une œuvre de la Biennale de Berlin qui est visée. L’artiste Nada Prlja a construit un mur de la paix, « une structure tangible qui évoque les différences dans une société contemporaine » explique l’artiste.
Elle a choisi de poser son mur près du fameux Checkpoint Charlie, dans la Friedrichstrasse, où le mur de Berlin coupait la ville en deux pendant la guerre froide. Selon elle, la rue est toujours coupée en deux, mais pour des raisons économiques cette fois. Dans l’ex-Berlin Est, les anciens bâtiments désaffectés ont été transformés en magasin de luxe. Quant au quartier qui était pendant la guerre froide l’extrémité de Berlin ouest, il abrite toujours une population pauvre et à forte composante immigrée, qui a toutes les peines du monde à résister aux pressions touristiques et immobilières.
C’est cette réalité, ces différences invisibles qu’a souhaité matérialiser Nada Prlja : « Je me suis inspirée de l’ancien mur de Berlin, mais celui-ci représentait des différences idéologiques. Le mur que j’ai créé reflète les frontières de nos sociétés contemporaines, les différences économiques, les différentes structures sociales.»
A peine érigée, l’œuvre a cependant suscité de fortes critiques des habitants du quartier. Certaines critiques étaient parfois idéologiques, à l’instar de celles de Younes Alkhatib, un coiffeur palestinien qui estime que « tous les murs sont mauvais. Les murs du monde entier devraient être abolis ». Il ajoute que l’œuvre de Prlja lui rappelle le conflit israélo-arabe. Mais les raisons de son combat anti-mur sont beaucoup plus prosaïques : il a perdu tellement de clients depuis la fermeture à la circulation de cette rue passante qu’il a dû mettre quatre de ces employés au chômage technique.
« Il y avait de fortes tensions autour de ce projet, qui a suscité beaucoup d’émotions », déclare Artur Zmijewski, commissaire de la Biennale. Les petits commerçants ont uni leurs forces pour se plaindre au gouvernement de Berlin. Mais le mur a également subi des attaques physiques, et des insultes et attaques verbales contre l’artiste se sont propagées notamment sur une page facebook créée pour l’occasion.
Face à cette opposition, les organisateurs de la biennale ont décidé de démanteler le mur avec quinze jours d’avance, en accord avec l’artiste. « Si la communauté locale exige la disparition de l’œuvre, l’artiste doit être à l’écoute et le prendre au sérieux. C’est ce que Nada Prlja a fait », selon Zmijewski.
L’artiste considère cependant que son œuvre a eu l’effet escompté : montrer aux habitants qu’en unissant leurs forces, ils peuvent se battre pour conserver leur quartier et résister aux pressions économiques. Son « mur de la paix » a été entièrement détruit et recyclé, selon le souhait de l’artiste, qui a refusé de vendre l’œuvre ou de l’exposer dans un musée.
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Face aux protestations, une œuvre de la Biennale de Berlin doit être démantelée avec quinze jours d’avance
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Abonnez-vous dès 1 €Affiche de la Biennale de Berlin 2012 - source www.berlinbiennale.de