À l’occasion des 150 ans de la salle du Congrès, le château propose un parcours inédit dans son aile sud, fortement marquée par l’ère post-monarchique.

Versailles. Pour accéder à la salle du Congrès et à l’appartement du président du Congrès, le visiteur parcourt un long couloir bordé de bustes des maréchaux de Napoléon Ier. Le ton est donné, cette aile du château illustre la longue période de transition entre la fin de la Révolution française et la proclamation de la IIIe République (septembre 1870). Le conservateur Frédéric Lacaille, spécialiste du XIXe siècle, rappelle que « dans les années 1870, Versailles reste un lieu de pouvoir dans l’imaginaire, car Napoléon, Louis XVIII et Louis-Philippe y organisaient des visites officielles ». Il ajoute que « les travaux de la salle du Congrès et l’aménagement de cette aile constituent la dernière phase de construction du château », en 1875.
Réfugié en 1871 à Versailles pendant la Commune, après la chute du second Empire, le Congrès s’est d’abord réuni dans l’opéra royal avant la construction de la salle du Congrès dans une ancienne cour. C’est là que sont votées les lois constitutionnelles qui instaurent la IIIe République. Les travaux ont été très rapides (quatre mois), car la structure de cette salle est « une armature métallique habillée », précise Frédéric Lacaille. D’une capacité de 900 personnes dans l’hémicycle, la salle pouvait accueillir les deux chambres pour l’élection du président de la République, un cérémonial très encadré.
La vie politique des années 1870 conserve des traces de la monarchie, et cette aile du château en témoigne : ainsi dans la salle du Congrès deux médaillons en stuc arborent-ils un soleil rayonnant semblable à celui de Louis XIV. « La majorité des élus de l’Assemblée nationale était monarchiste à cette époque, donc ceux-ci étaient loin d’être hostiles à ce décor », relève le conservateur. Décor qui cohabite avec les blasons au double « F » symbole de la République française, et un grand tableau d’Auguste Couder sur l’ouverture des états généraux en mai 1789 : Révolution, monarchie et République en un même lieu de pouvoir.

Dans le cadre de la célébration des 150 ans, la salle du Congrès se visite en même temps que l’appartement adjacent du président du Congrès. Pour l’occasion ont été sorties des réserves des bustes et portraits des présidents de la IIIe République, dont un beau portrait en pied de Sadi Carnot (1837-1894). Ces œuvres ont vocation à rester présentées au-delà de septembre 2025, selon Frédéric Lacaille, qui souhaite prolonger l’accrochage thématique. L’appartement a été remis en dotation au château en 2009 par l’Assemblée nationale : celle-ci conserve la propriété de la salle du Congrès et a signé une convention avec le château pour l’ouvrir au public.
Cet appartement constitué de plusieurs salons n’a jamais été restauré depuis 1875, mais ses murs et décors sont en bon état général : sa visite reste intéressante malgré l’absence de livret de salle (des contenus spécifiques sont disponibles sur le site Internet du château pour les visiteurs qui font une visite libre le week-end). Il est très peu utilisé par le président de l’Assemblée nationale depuis 1879, en dehors des rares réunions du Congrès, comme celle qui s’y est tenue en mars 2024. Le grand salon de l’appartement, ou salon Marengo, illustre aussi la cohabitation des traces de l’Ancien Régime avec la République : ses murs exhibent des tableaux représentant Napoléon, dont son portrait à cheval par David. Les décors des salons sont « en plâtre moulé dans le style bourgeois parisien, avec un mobilier de style Louis XV » : rien dans l’esthétique ne marque le passage à un régime de République parlementaire. Dans la lignée de la célébration des 150 ans, le conservateur s’attelle à retrouver le mobilier d’origine des salons dans les collections nationales, afin de mieux connaître la façon dont la République s’est incarnée à Versailles.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°653 du 11 avril 2025, avec le titre suivant : Versailles dans sa relation ambiguë à la République