PARIS
L’exposition « Van Dongen et le Bateau-Lavoir » présente de belles œuvres des années fauves du peintre. La fin de l’exposition est superflue.
Paris. Kees Van Dongen (1877-1968) est à l’honneur dans le cadre de la saison culturelle néerlandaise en France, « Oh ! Pays-Bas ». Au Petit Palais, il tient une belle place dans l’exposition « Les Hollandais à Paris, 1789-1914 ». D’ailleurs, la même exposition présentée à Amsterdam avait retenu pour l’affiche un Van Dongen, La Robe bleue (1911). Avec « Van Dongen et le Bateau-Lavoir », le Musée de Montmartre évoque les années passées sur la butte par le peintre néerlandais, au début de sa carrière.
C’est un bon choix parce que l’âme du Musée de Montmartre est semblable à celle du Bateau-Lavoir. Ce sont deux maisons d’artistes. Au Bateau-Lavoir, détruit par un incendie en 1970, ont vécu Picasso, Modigliani, Derain, Vlaminck, Max Jacob et Van Dongen. Pour ceux qui n’ont pas vu l’exposition « Van Dongen, fauve, anarchiste et mondain » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 2011, c’est un rattrapage en format restreint qu’offre le Musée de Montmartre. Anita Hopmans, spécialiste du peintre, l’une des commissaires de l’exposition de 2011, est aujourd’hui co-commissaire avec Saskia Ooms, responsable de la conservation au Musée de Montmartre.
Le visiteur est accueilli par un panneau évoquant l’arrivée du peintre âgé de 20 ans à Paris où il s’installe pour de bon en 1899. Les deux premières toiles exposées sont l’Autoportrait (dit aussi Autoportrait en bleu) de 1895 appartenant au Centre Pompidou et Liverpool Light House (non datée), toutes deux peintes en Hollande. Deux œuvres fortes et hardies qui laissent présager de l’évolution du peintre vers l’avant-garde qui s’accomplira peu après à Paris et, pour cette raison, ne sont pas complètement hors sujet. Viennent ensuite les premiers paysages de Montmartre, les scènes parisiennes et la très inspirée Femme rattachant son jupon (vers 1902-1903). Des dessins et illustrations des années 1901 à 1903 complètent cette présentation d’un jeune artiste très doué.
La section suivante mène au Bateau-Lavoir où s’installent, en 1904, le peintre néerlandais Otto Van Rees et sa compagne Adya Dutilh, avec lesquels Van Dongen et son épouse se lient d’amitié. À Fleury-en-Bière où Van Rees passait l’été, Van Dongen se laissait inspirer par Van Gogh, par exemple dans Lieuses (1905). Les œuvres de Van Rees et Dutilh forment cependant l’essentiel du corpus déployé dans ces salles.
Enfin, avec la partie « Van Dongen fauve et le Bateau-Lavoir », on se trouve au cœur du sujet. Il est question de Vlaminck, Matisse et Picasso. Ici est présenté Le Carrousel (Manège de cochons), une toile peinte vers 1905 qui a appartenu à Matisse. C’est la grande période d’un Van Dongen inspiré par le monde du cirque et du spectacle : on voit là notamment l’extraordinaire Portrait de vieux clown (vers 1909-1910). Une salle, consacrée à « L’amitié et la rivalité entre Van Dongen et Picasso », comprend d’autres chefs-d’œuvre, des portraits : Fernande Olivier (1907), La Parisienne (vers 1906) et Ma gosse et sa mère (vers 1907).
À l’étage sont évoqués les ateliers parisiens de Van Dongen entre 1908 et 1913. De 1908 date le grand tableau Les Lutteuses de Tabarin, réponse aux Demoiselles d’Avignon de Picasso. Cette œuvre marque une cassure dans la carrière du Hollandais qui perd la bataille de l’inventivité engagée avec l’Espagnol. Elle constitue aussi une rupture dans l’exposition, car les années de la butte sont révolues pour Van Dongen. La suite – le voyage en Espagne de 1910 et la salle consacrée au peintre mondain – est hors sujet. On aurait aimé rester sur les illustrations réalisées pour le livre Au beau temps de la Butte de Roland Dorgelès (1949), et voir peut-être quelques Vlaminck, Matisse ou Picasso, des peintres dont les œuvres sont, il est vrai, difficiles à obtenir.
Jusqu’au 26 août, Musée de Montmartre, 12, rue Cortot, 75018 Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°497 du 16 mars 2018, avec le titre suivant : Van Dongen sur la butte montmartre