Une parenthèse de douceur

C’est pourtant tout l’inverse que propose cette petite exposition, qui démontre avec finesse les affinités de la première femme peintre impressionniste avec Boucher, Watteau, Perronneau ou Fragonard. Cette influence, rappelle le début du parcours, elle la doit d’abord à son milieu familial. Issue de la grande bourgeoisie, Berthe Morisot évolue dans un cadre façonné par le goût du XVIIIe, tout en lambris, trumeaux et meubles marquetés. Mais c’est surtout le retour en grâce de la peinture du XVIIIe siècle, à partir des années 1860, qui en explique l’influence. Berthe Morisot a 20 ans et elle découvre au Louvre Watteau, La Tour et surtout les portraits de Perronneau. La démonstration est efficace : on voit comment, séduite par l’art du pastel, la peintre y a recours pour tester ses alliances de couleurs, comment elle en reprend la manière de centrer ses modèles ou la dimension rapide de l’ébauche, tout en gardant une vraie liberté d’esprit. Résultat, quand en 1880 la plus importante collection de Fragonard est dispersée à Drouot, la critique lui attribue une filiation spirituelle avec le maître du XVIIIe, que la légende transformera progressivement en parenté réelle. Si des études généalogiques menées pour l’occasion réfutent ce lien de sang, sa quête de la beauté et d’un art de vivre qui exalte le bonheur situe Berthe Morisot dans la droite lignée de Fragonard, offrant au visiteur du XXIe siècle une vraie parenthèse de douceur et de légèreté, loin du bruit et de la fureur de l’actualité.