Susanna Fritscher, l’intensité du ton

L’œuvre minimale de Susanna Fritscher est de celle qui s’imprègne durablement. Dans l’espace immaculé du Frac Corse à Corte, qui a eu la bonne idée de lui consacrer une exposition monographique avant le Frac Franche-Comté [lire ci-contre], ses peintures et ses vidéos rivalisent avec le blanc des murs. Certains visiteurs distraits passent sans même les voir. Rectangles de lumière aux intensités variables (Spektrum), presque imperceptiblement teintés de rose ou de bleu (Kreis), aux contours grignotés, changeants comme des nuages. Films-atmosphères en marge du visible, on doute de leur matérialité. Instables, les deux peintures sur plaques de verre (recouvertes au pistolet d’un dégradé de blanc s’évanouissant dans le bas) n’arrivent pas à se décider entre opacité et transparence. Et pourtant les œuvres de Susanna Fritscher dopent le voir, imposent leur présence, agissent véritablement dans le lieu d’exposition, dilatant ou sapant ses volumes, entravant la déambulation du visiteur qui, une fois entré dans l’installation inédite Crossing : The Eyes, doit éviter les fils tendus en travers de la pièce, portées musicales en 3D. À l’extérieur, tout n’est que ciel et montagnes. Un paysage qui survit chez Fritscher sous une forme essentielle : vibrations de l’air, modulations de la lumière, sensations de la couleur, résidus ultraconcentrés et silencieux d’orages et de couchers de soleil.