Sur les traces de « Leiris fantôme »

À travers plus de trois cent cinquante documents, archives et chefs-d’œuvre des artistes qui lui furent proches (Masson, Giacometti, Lam, Picasso, Bacon…), le visiteur appréhende le cheminement intellectuel de celui qui fut tout à la fois poète, ethnologue, écrivain, critique d’art, homme engagé… Explorateur passionné des jeux de langage, amateur de jazz et de corrida, ce passeur de rêves et de mots a traversé le siècle en posant sur le monde un regard de chamane. Visionnaire dans ses choix artistiques comme dans ses positions politiques (il sera un militant de la première heure dans la lutte anticoloniale et antiraciste), Michel Leiris est bel et bien une figure inclassable. Celui qui façonna sa mythologie personnelle à travers le cinéma de Méliès et la lecture des Impressions d’Afrique de Raymond Roussel tissera des passerelles stimulantes entre toutes les disciplines, s’affranchira du carcan trop étroit de la pensée européenne pour aller vers les autres. Nourri de compagnonnages intellectuels et artistiques, Michel Leiris fréquentera ainsi dans les années 1920 le groupe surréaliste, collaborera en 1929-1930 à la revue Documents aux côtés de Georges Bataille, Georges-Henri Rivière et Carl Einstein, accompagnera Marcel Griaule dans sa mythique mission Dakar-Djibouti (dont il dénoncera par ailleurs les actes de pillage dans L’Afrique fantôme), dressera l’inventaire de son moi dans L’Âge d’homme (autobiographie nourrie de psychanalyse), explorera le sacré à travers les phénomènes de vaudou et de transe qu’il étudiera aux Antilles et en Haïti… Scandée de citations pertinentes et poétiques, l’exposition est aussi un formidable musée éphémère, qui dresse une radioscopie éblouissante de la création au XXe siècle.