Le Quai Branly offre un écrin à l’un des joyaux de la Nouvelle-Zélande, le jade. Symbole de l’identité maorie et des liens qui unissent ce peuple à sa terre, le pounamu est une pierre sacrée dont l’aura et le prestige augmentent de génération en génération.
Paris. Avec ses yeux protubérants émergeant d’un visage disproportionné par rapport à la taille de son corps, sa tête inclinée sur l’épaule et ses membres ramassés, le hei tiki a quelque chose de troublant et d’émouvant. On croirait voir incarné, dans ce pendentif de forme humaine, la reproduction sculptée d’un fœtus âgé de trois ou quatre mois. Les cartels explicatifs se contentent d’indiquer que les femmes maories les portaient en talisman avant et pendant leur grossesse et au moment de l’accouchement. Quelque 96 pendentifs hei tiki jalonnent l’exposition. Plusieurs dizaines d’entre eux, de tailles, de formes et de couleurs différentes, sont réunis, à mi-parcours, derrière une vitrine à la force tout à fait saisissante. Celle-ci voisine avec une photo de Tepaea Hinerangi (1830-1911), l’une des femmes les plus célèbres de son époque, que l’on découvre portant, autour du cou, une de ces curieuses figurines. Outre les hei tiki, on découvre de gracieux pendentifs en forme d’hameçon ou de spirale, d’étonnantes massues à manche court – les mere – utilisées pour combattre ou sceller la paix, des herminettes et autres ciseaux de bois qui servaient à abattre des arbres, à fabriquer des panneaux sculptés et d’immenses pirogues.
Les eaux de la pierre verte
Organisée par le Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa, « La Pierre sacrée des Maoris » réunit quelque 200 objets et sculptures puisés dans ses collections. Admirablement conçue et agrémentée de nombreuses cartes, photographies et courtes vidéos, l’exposition permet au visiteur de pénétrer au cœur des histoires et légendes du peuple maori. Très riche, elle apprend tout ou presque sur cet or vert de Nouvelle-Zélande. Sur ce trésor, le pounamu (le jade en langue maori), que l’on trouve uniquement dans l’Île du Sud, sur la terre que les Maoris appellent Te Wai Pounamu, littéralement « les eaux de la pierre verte ». Pour collecter ces pierres dans les eaux des rivières, les Maoris « entreprenaient de longs et pénibles voyages traversant vallées fluviales et cols de montagnes pour atteindre les zones éloignées », peut-on lire. Quelques magnifiques photos campent le décor naturel. Comme cette vue de la tumultueuse rivière Arahura courant entre des blocs de pierres sur fond de montagnes massives ; ou cette autre image de la rivière Dart, autre important gisement de pounamu, dont les flots bleu émeraude tentent de se ménager un passage en slalomant entre des bancs de sable gris.
Les amateurs de sciences naturelles sauront tout sur le jade et sur les origines géologiques de ces objets, sur la néphrite et la bowénite – roche vieille de plus de 500 millions d’années qui sont les deux principales composantes de cette pierre verte. Ils seront à même de reconnaître les principales variétés de pounamu : l’inanga dont la teinte varie du blanc nacré au gris-vert du kahurangi, extrêmement translucide et vert vif ; le kawakawa, avec ses tâches et ses stries rouges ; et le tangiwai, pierre de larmes dont la gamme de couleurs oscille du vert olive au bleu-vert.
La dernière section de l’exposition s’attache à montrer que les nouvelles générations d’artistes ont poursuivi le travail du jade à l’image de Lewis Tamihana Gardiner (né en 1972), plusieurs fois lauréat du prix bi-annuel Mana Pounamu Awards for contemporary Maori design, et l’un des sculpteurs sur pounamu le plus renommé de sa génération.
Jusqu’au 1er octobre, Musée du quai Branly-Jacques Chirac, 75007 Paris.
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Sur les pistes de l’or vert maori
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Abonnez-vous dès 1 €Pendentif Pekapeka, jade, Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa, © photo Kura Pounamu marketing images Te Papa
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°482 du 23 juin 2017, avec le titre suivant : Sur les pistes de l’or vert maori