Pointillisme

Signac au fil de l’eau

Le Musée des impressionnismes de Giverny révèle la dette de Signac à l’égard de Monet

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 3 mai 2013 - 621 mots

GIVERNY - Voici venu le temps de la seconde édition du festival « Normandie impressionniste », fête artistique et populaire lancée il y a trois ans dans les deux régions dites « berceaux de l’impressionnisme ».

Simplification historique mise à part, le festival est l’occasion pour les musées normands d’élaborer des expositions offrant une vision renouvelée d’un sujet par trop exploité pour plaire au grand public. Pour se distinguer de son édition inaugurale, la manifestation a choisi de se placer cette année sous le thème de l’eau. Un mois avant l’inauguration, fin avril, des grandes expositions des musées de Rouen, Le Havre et Caen, le Musée des impressionnismes de Giverny a ouvert le bal avec « Signac, les couleurs de l’eau ».

L’héritage de Monet
Pour parer aux interrogations sur le choix de consacrer une exposition à un artiste qui, historiquement, appartient au néo-impressionnisme, la commissaire et directrice des lieux Marina Ferretti Bocquillon rappelle, dans le catalogue de l’exposition, la dette singulière que Paul Signac avait envers Claude Monet. Destiné à une carrière d’architecte, le jeune Signac choisit les pinceaux, la palette et le chevalet après avoir visité la première exposition personnelle de Monet en 1880. Attiré par « l’aspect révolutionnaire » de son œuvre, Signac l’autodidacte le sollicite pour ses conseils et le rencontre en 1883. Si quelques mois plus tard, Signac fait la connaissance de Seurat et s’embarque dans l’aventure du divisionnisme, ses liens avec Claude Monet ne se sont jamais déliés et son attrait pour l’impressionnisme jamais renié. La première salle de l’exposition témoigne donc de cette filiation, avec les premières marines du peintre dont Saint-Briac. Le Béchet (1885) est largement redevable du patriarche de Giverny. La rencontre avec Seurat bouleverse la donne, et le reste du parcours illustre l’évolution du peintre, dont la touche de stricte obédience divisionniste gagnera avec les années respiration et liberté. L’eau, qu’elle soit mer ou fleuve, restera jusqu’au bout un élément de prédilection chez le peintre féru de navigation – son célèbre portrait à bord de l’Olympia par Théo van Rysselberghe est l’une des pièces maîtresse de l’exposition. Observées sous ce prisme, les toiles ici réunies révèlent à quel point la technique du divisionnisme est faite pour capturer les reflets sur l’eau, la vie pétillante et incontrôlable qui habille cette masse mouvante.

Depuis le décès de Françoise Cachin, petite-fille de l’artiste, Marina Ferretti-Bocquillon a repris le flambeau de spécialiste incontestée du peintre – comme Signac était devenu chef de file du néo-impressionnisme à la mort de Georges Seurat en 1891. Sa réputation sans faille fut un sésame pour ouvrir les portes des plus grandes collections publiques et privées – le Musée de Giverny, qui ne détient qu’une collection au stade embryonnaire, bénéficie aussi du soutien du Musée d’Orsay. Le résultat est à la hauteur, et si le parcours chronologique demeure sage et didactique, avec une large parenthèse allouée à la théorie des couleurs, la très grande qualité des prêts vaut bien de relire Signac dans le texte. Ne serait-ce que pour admirer la série des opus 209 à 212 réunie et exposée pour la première fois telle qu’elle le fut au Salon des Indépendants. La surprise provient, elle, de la diversité des techniques employées pour les œuvres graphiques de petit format. Avant sa série d’aquarelles répertoriant tous « Les ports de France », Signac joue avec aisance de la plume, du crayon et de l’aquarelle pour des paysages japonisants des plus étonnants. Le Musée Fabre de Montpellier, qui a collaboré à l’organisation de cette exposition et qui l’accueillera cet été, s’attardera plus longtemps sur cet œuvre graphique.

Légende photo

Théo Van Rysselberghe - Signac sur son bateau (1896) - Huile sur toile - 92,2 x 113,5 cm - Collection particulière. © Tous droits réservés.

Signac, les couleurs de l’eau

Commissaire : Marina Ferretti-Bocquillon, directrice scientifique du musée et responsable des Archives Signac
Itinérance : Musée Fabre, Montpellier, 13 juillet-27 octobre

Musée des impressionnismes Giverny, 99, rue Claude Monet, 27620 Giverny, tél. 02 32 51 94 65, www.mdig.com, tlj 10h-18h. Catalogue, coédité par le Musée des Impressionnismes, le Musée Fabre de Montpellier Agglomération et Gallimard, 240 p., 35 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°391 du 10 mai 2013, avec le titre suivant : Signac au fil de l’eau

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