Au palais Garnier, Zizi Jeanmaire et Roland Petit nous ouvrent pour la première fois leurs archives personnelles. Des centaines de peintures, maquettes, livrets, photos et costumes revisitent vingt-cinq ballets du chorégraphe.
Voyage à travers plusieurs dizaines de spectacles, cette exposition, exceptionnelle par son ampleur au sein de l’Opéra Garnier, présente pour la première fois le patrimoine conservé par Roland Petit et Zizi Jeanmaire, couple mythique de la danse et du music-hall français, qui a su attirer à lui les talents les plus brillants et collaborer avec quelques-uns des peintres, musiciens, auteurs, stylistes, danseurs les plus marquants du XXe siècle. C’est donc à un véritable panorama de la création appliquée à la scène que nous convie cet itinéraire artistique et amoureux.
Jeunesse éternelle
Intitulé « Roland Petit à l’Opéra de Paris, un patrimoine pour la danse », l’événement qui se tient jusqu’au 21 avril plonge dans la genèse des vingt-cinq ballets du chorégraphe entrés au répertoire du temple parisien de la danse classique, depuis Notre-Dame de Paris en 1965 jusqu’à Proust ou les intermittences du cœur proposé l’an dernier. Car à 84 ans, l’artiste pigeon voyageur est toujours incroyablement actif. « Il paraît à ce jour tel que dans le portrait fait de lui par David Hockney il y a pourtant trente ans, autrement dit un éternel jeune homme » souligne Gérard Mortier, directeur de l’Opéra national de Paris.
Dans la magnificence des espaces publics du palais Garnier et de la bibliothèque-musée de l’Opéra, on peut découvrir plusieurs centaines de pièces en provenance de la collection personnelle du couple ou conservées au Centre national du costume de scène et de la scénographie de Moulins. Soit deux cent quarante croquis de costumes dont une vingtaine réalisée par Yves Saint Laurent pour Notre-Dame de Paris, trente-cinq vêtements exposés dans leurs cages de verre, soixante maquettes de décors, une quinzaine de peintures et dessins. Et bien sûr de nombreuses photographies de répétition ou de rencontres dont certaines donnent à voir le chorégraphe alors qu’il était encore danseur, interprétant par exemple Quasimodo face à Claire Motte, éblouissante Esméralda.
Picasso, Clavé, Ernst, Buffet…
Les nostalgiques comme les néophytes auront plaisir également à assister aux projections de cinq œuvres de Roland Petit interprétées par le ballet de l’Opéra national de Paris : Notre-Dame de Paris, Clavigo, Proust ou les Intermittences du cœur, Le Jeune Homme et la Mort, L’Arlésienne.
Autant de témoignages de la richesse des collaborations artistiques développées par Roland Petit avec notamment Picasso, Nikki de Saint-Phalle, Antoni Clavé, Max Ernst, Buffet, Martial Raysse et des amitiés tissées au fil de son parcours artistique (lire L’œil n° 595). C’est d’ailleurs un portrait du chorégraphe signé Cocteau, lequel a également dessiné Zizi, qui sert d’affiche pour cette rétrospective. Car ce couple médiatique, uni par les liens du mariage, mais plus encore par l’amour de la danse et de l’art scénique, a traversé les époques en s’entourant des stars du moment comme Cocteau, Dior, Messiaen ou encore Noureev.
Difficile de ne pas s’émerveiller face au foisonnement de leur univers. Cette première exposition dédiée au tandem Petit/Jeanmaire, sous le commissariat d’Alexandre Fiette, est un projet initié en Suisse où le couple vit depuis presque dix ans. Après le musée Rath de Genève l’an passé et l’Opéra de Paris actuellement, l’hommage se poursuivra au musée Pouchkine de Moscou.
L ‘exposition présentée au palais Garnier célèbre bien entendu son fameux « truc en plumes ». Ce qui agace un peu l’égérie de Roland Petit. « Ce numéro de music-hall extraordinaire est un peu l’arbre qui cache la forêt. J’ai aussi chanté Aragon, Boris Vian, Guy Béart, Barbara, Serge Gainsbourg”‰! », commente Zizi Jeanmaire. En revanche cet hommage de l’Opéra de Paris la touche droit au cœur. « Cette exposition ne me rend pas nostalgique, j’en suis heureuse au contraire. »
Renée Marcelle Jeanmaire, plus connue sous le pseudo de Zizi, est née en 1924 à Paris. Enfant, l’Opéra Garnier lui ouvre ses portes et l’installe à la barre pour apprendre l’art des entrechats. École le matin, pointes l’après-midi, figuration dans les plus grands opéras le soir… À vingt ans, la danseuse étoile possède une technique précise et beaucoup de grâce. De ballet en ballet, elle connaît la gloire cinq ans plus tard avec Carmen créé par Petit.
Destinée à une prometteuse carrière de danseuse classique, c’est au music-hall que Zizi crève la scène à partir de 1954, toujours avec la complicité de son compagnon. Meneuse de revue aux jambes de déesse sur lesquelles le temps n’a pas d’emprise, elle enchaîne les shows des Folies-Bergère à Broadway, mais aussi les films de Paris à Hollywood, les disques, le théâtre. Avec le même bonheur, la muse du chorégraphe remplit l’Opéra comme le Zénith. Peut-être parce qu’« elle a des yeux à vider un couvent de trappistes en cinq minutes », à dit Boris Vian qui a écrit spécialement pour elle J’suis snob. L’écrivain Edmonde Charles Roux, sollicitée pour collaborer à plusieurs livrets par Roland Petit, est sous le charme : « Si l’on me demandait ce que je connais de plus parisien en matière de séduction, je dirais Zizi, ses jambes, sa voix, ses bras, ses mains, son corps, sa façon de bouger. Elle est ce qui dure, elle est le style. »
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Roland Petit
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Naissance de Roland Petit et de Zizi Jeanmaire.
1933
Roland et Zizi se rencontrent à l’école de ballet de l’Opéra national de Paris.
1940
Petit entre dans le corps de ballet de l’Opéra de Paris.
1945
Fonde les Ballets des Champs-Élysées.
1946
Premier chef-d’œuvre : « Le Jeune Homme et la Mort » sur un livret de Jean Cocteau, décors de Wakhevitch.
1948
Il fonde les Ballets de Paris au théâtre Marigny avec Zizi Jeanmaire comme danseuse étoile.
1966
Collabore avec Raysse, Tinguely et Saint Phalle pour la création de « L’Éloge de la Folie ».
1972
Petit fonde le Ballet de Marseille qu’il dirige pendant 20 ans.
1998
Dernière création pour le Ballet de Marseille : « Le Lac des cygnes et ses maléfices » (Tchaïkovsky).
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°601 du 1 avril 2008, avec le titre suivant : Roland Petit