Art contemporain

Paris-4e

Renverser Baselitz

Centre Georges Pompidou - Jusqu’au 7 mars 2022

Par Amélie Adamo · L'ŒIL

Le 20 décembre 2021 - 378 mots

PARIS

Parcourir une belle rétrospective, c’est un peu comme vivre une histoire d’amour ! La traversée est une myriade d’émotions, de coups de cœur, de parfaites communions, de surprises, d’interrogations, de profondes déceptions… Et parfois, le plaisir n’est pas là où on l’attend.

À bien regarder l’œuvre de Georg Baselitz dans son ensemble, au vu de sa rétrospective au Centre Pompidou, le plus fort de sa production ne nous semble pas à l’endroit de ce qui a fait sa célébrité. On a beaucoup parlé de Georg Baselitz comme celui qui a, en 1969, inventé le « motif inversé ». Le génial créateur des « tableaux à l’envers », des « sujets retournés ». Et pourtant, en comparaison avec le reste de son œuvre, la décennie qui s’est ouverte avec cette trouvaille est celle qui nous laisse le plus dubitatif. Ce qui s’est posé comme un moteur d’exploration, libérer la peinture et produire une distance vis-à-vis du motif, n’est-il pas devenu sur la durée un principe trop systématiquement répété ? Et, hormis le fait qu’ils sont à l’envers, certains de ses paysages et portrait sont-ils vraiment si révolutionnaires et spéciaux, ou banalement un peu trop naturalistes ? Si l’on devait s’attarder sur cette période de remise en question des conventions de la figure et de la déconstruction du motif, les œuvres qui précèdent 1969 nous semblent plus intéressantes : ainsi des premiers « tableaux fracturés », des Ouvriers forestiers ou de B pour Larry. Sans systématiser un principe, Baselitz explore ici une diversité de moyens, dans l’éclatement des figures, dans leur rapport au fond, dans le sens et l’imbrication des motifs : une perception du monde désordonnée et morcelée où s’incarne l’expérience d’un peintre marqué par les déchirures de l’Allemagne. Du reste, nos coups de cœur sont ailleurs que pour le Baselitz du « motif inversé ». Notre Baselitz ? C’est celui dont la puissance d’expression nous bouleverse et nous dérange. Celui qui incarne, par la couleur et le geste, l’intensité émotionnelle d’une expérience où s’imbriquent Grande Histoire et intimité autobiographique. C’est le Baselitz des débuts, celui des corps caverneux et des boursouflures de la chair, des Piedsà LaGrande Nuit foutue. C’est le Baselitz des années 1980, celui de la brute frénésie des couleurs, celui du noir et de l’or tambourinant le noir, des Filles d’Olmo aux Homme au lit.

« Baselitz. La rétrospective »,
Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, Paris-4e, www.centrepompidou.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°750 du 1 janvier 2022, avec le titre suivant : Renverser Baselitz

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