Le musée de Málaga montre que l’empreinte du peintre sur plusieurs générations d’artistes depuis l’après-guerre est toujours agissante.
Málaga (Espagne). Le Musée Picasso de Málaga présente l’exposition « L’écho de Picasso », où sont montrées 85 œuvres de 57 artistes (ou duos d’artistes), Picasso compris. Dès la première salle, la composition Fleur (2023, de Brian Calvin, artiste de Los Angeles, laisse transparaître l’influence du maître espagnol, dont la construction cubiste du Portrait de Dora Maar est reprise ici pour dresser le portrait d’une femme de profil, aux deux yeux superposés. « Les dialogues de l’exposition apparaissent de manière plus ou moins évidente, il y a des œuvres surprenantes », indique Carmina David-Jones, coordinatrice de l’exposition, évoquant l’hommage de Cy Twombly à travers sa Copie d’un Picasso (1988) qui accueille le visiteur à l’entrée.
Dans les sculptures de l’artiste anglaise Sarah Lucas, ce sont des caractères morphologiques, tels des démembrements de corps, ou des postures de femmes assises sur un fauteuil, qui empruntent au vocabulaire de Picasso, tandis que dans Le Cri (2021) Nikki Maloof reproduit directement des motifs peints par le maître. D’autres font le choix de sujets plus sombres, à l’image de Jameson Green dont la fusillade dépeinte dans L’Exécution des savants (2023) est librement inspirée du Massacre en Corée (1951) de Picasso, composition avec laquelle elle dialogue directement dans l’exposition. « Chaque artiste a quelque chose de Picasso », précise Carmina David-Jones.
Si « L’Écho de Picasso » s’ancre dans l’histoire de l’art en retraçant les connexions existant entre Picasso et des artistes majeurs du XXe siècle tels que Willem De Kooning, Jean-Michel Basquiat, Francis Bacon et Louise Bourgeois, le propos n’est ni documentaire ni exhaustif. La visite est bien plutôt pensée comme « un voyage onirique », indique le commissaire de l’exposition, Éric Troncy. Un voyage désordonné et libre où le visiteur se laisse porter par l’écho plus ou moins fort de Picasso chez les artistes sélectionnés, lesquels sont tout autant des contemporains du peintre de Málaga que des contemporains tout court, qui renouvellent aujourd’hui le regard sur son œuvre.
L’exposition présente ainsi une dimension très actuelle, avec plusieurs œuvres commandées à des artistes pour l’occasion, notamment Trois femmes et une fleur (2023) de Christina BanBan, qui célèbre le corps féminin avec des formes exagérées à la manière de Picasso ; Femme se coiffant (2023), qui témoigne de l’admiration de Farah Atassi pour l’artiste, mais aussi les compositions de Thomas Houseago, Nicolas Jasmin ou Genesis Tramaine, aux interprétations également personnelles. L’exposition interroge ainsi « l’empreinte profonde que la recherche constante [de Picasso] de nouvelles formes d’expression artistique a laissée sur les inquiétudes des générations les plus récentes », précise Éric Troncy dans le catalogue de l’exposition.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°623 du 15 décembre 2023, avec le titre suivant : Picasso, l’ombre persistante