Pour sa 7e édition, le festival de la photographie méditerranéenne développe sa programmation à Marseille et se recentre sur une vision de la ville, parfois romanesque.
Marseille. Photomed s’en tenait jusque-là à Sanary-sur-Mer, son berceau de naissance, l’île de Bendor et l’Hôtel des Arts de Toulon, dans le Var. Créé en 2011 conjointement par Philippe Heullant, éditeur de revues photo, et Philippe Sérénon, consultant dans l’industrie de la photographie, le festival s’étend aujourd’hui à Marseille avec une deuxième partie de programmation inédite dans son ampleur. Après une première incursion à la Friche la Belle-de-Mai en juillet-août 2016, le festival se déploie aussi cet été à la Villa Méditerranée et au Frac (Fonds régional d’art contemporain) Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Une nouvelle ère
La belle tenue de chaque exposition montre le passage du festival à une nouvelle ère. Sous l’impulsion de Guillaume de Sardes, son nouveau directeur artistique depuis l’an dernier, la ligne a gagné en rigueur, qualité et lisibilité dans ses choix et accrochages. La sélection des travaux a été axée exclusivement sur les photographes méditerranéens et sur les projets concernant le bassin méditerranéen. « Les talents n’y manquent pas ! », souligne Guillaume de Sardes. Il est vrai que ce dernier connaît bien la région, Beyrouth en particulier, haut lieu de la visibilité de la création des pays du sud de la Méditerranée, du Maroc à la Turquie. L’écrivain, auteur de livres de photographie sur le Liban et commissaire d’exposition, assure d’autre part, depuis trois ans, la direction artistique de Photomed Beyrouth. Les ponts entre les deux festivals sont tangents. La ville, thème de cette 7e édition, en est l’illustration avec la présentation à la Villa Méditerranée de Sirine Fattouh, lauréate en 2007 du prix Photomed-Institut français du Liban pour sa série sans concession sur le bouleversement urbanistique brutal et violent vécu par Beyrouth. La découverte de l’Algérie de Franck Déglise, à la recherche d’un ancêtre inconnu, évoque d’autres décalages abrupts exprimés là aussi avec une infinie tendresse pour les lieux et les personnes porteurs de la mémoire d’une demeure ou d’une famille. L’urbanisme occidental déployé de manière sauvage, la pauvreté, la fragilité des lieux et des êtres prédominent dans les récits retenus. À la Villa Méditerranée, ils forment une chambre d’échos subtile bien que les vastes et hauts espaces désertés du bâtiment ne s’y prêtent guère. « La photographie est aussi une pratique très amoureuse », écrit Hervé Guibert dans L’Image fantôme (éd. de Minuit, 1981). Cette phrase, la première du livre, revient en mémoire devant les portraits des proches de l’écrivain présentés également en ces lieux, incursion dans une œuvre photographique bien éloignée du thème de la ville mais proposant une formulation romanesque du désir et de l’intime. « La littérature est un sous-thème de cette édition », explique le commissaire.
Beyrouth, Alger, Tanger, Marseille…
À la Friche la Belle-de-Mai, la foule, le bruit, l’agitation propres aux villes du Sud semblent s’être également retirés pour laisser place à la transfiguration de l’ordinaire privilégiant la lumière d’un ciel nuageux sur un Beyrouth étale (Joe Kesrouani), un homme attablé devant un café au lait glacé (Hicham Gardaf), des terrains de tennis à l’abandon (Giasco Bertoli) ou une grande roue dressée devant un chantier (Anne-Françoise Pélissier). Beyrouth, Alger, Tanger ou Marseille : dans la singularité des paysages ou des situations se lisent les traces d’un désastre.
Au Frac Paca, le rapprochement entre les premiers clichés d’Antoine D’Agata à Marseille, sa ville natale, et les plans de son film Atlas réalisé quinze ans plus tard sur des prostitués rencontrés au fil de ses voyages établit « une biographie de chair » radicale. Pour sa première exposition en solo dans une institution publique marseillaise, réduite toutefois à une installation dans l’une des salles du Frac, le photographe ne mâche pas ses mots. « Faire de l’existence un jeu, affirmer à tout prix la prédominance du geste sur la pensée, user du monde jusqu’à le violenter, payer le prix jusqu’au sacrifice », écrit-il ainsi.
Hicham Gardaf, Ahmad, Tanger, 2016, 80 x 80 cm, impression jet d'encre sur papier. © Hicham Gardaf.
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Photomed se précise
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°483 du 7 juillet 2017, avec le titre suivant : Photomed se précise